La guerre d'usure des salafistes contre l'université de la Manouba
Alors que la situation semblait s’être calmée, l’occupation des salafistes a repris de plus belle à la faculté des Lettres et Sciences humaines de la Manouba à Tunis le mardi 17 avril. La Une du quotidien La Presse, le lendemain, montre qu'«un dialogue de sourds», semble s’être définitivement installé.
La plume semble être devenue le seul recours pour les universitaires de la faculté de la Manouba qui multiplient aujourd’hui les déclarations dans les médias.
L’histoire se répète inlassablement, un groupuscule de gens de tendance «salafiste» investit les locaux de la faculté avec pour cible, le doyen Habib Kazdaghli qu’ils empêchent d’accéder à son bureau.
La cause: les sanctions envers six étudiantes traduites en conseil de discipline pour non respect du règlement intérieur le mois dernier.
Comme le raconte le journal La Presse, les revendications du droit au port du Niqab lors des cours et des examens reviennent encore et toujours mais les salafistes demandent aussi la révision de certaines notes de leurs camarades niqabées qui ont reçu un zéro éliminatoire.
Du côté du doyen et des universitaires, il s’agit avant tout de préserver l’intégrité de l’université et sa neutralité. Ils ont ainsi suspendu les cours du 17 avril face à l’impasse des négociations.
L’affaire, très médiatisée lors du dernier affrontement qui s’était soldé par l’outrage au drapeau tunisien le 8 mars est redevenue aujourd’hui un fait-divers dont l’issue dépend d’une décision gouvernementale. Si quelques policiers sont présents désormais aux alentours de l’université comme le raconte la journaliste de La Presse, le ministère de l’Intérieur ne s’est pas exprimé sur la question.
Face au régime de l’impunité, 130 universitaires tunisiens ont fait un appel dans un texte commun«Appel pour la défense des valeurs universitaires» afin de dénoncer ces pressions et notamment de lutter contre une «possible année blanche». L’universitaire Habib Mellakh, envoie quant à lui, quotidiennement des nouvelles. Sa dernière lettre est datée du 18 avril:
«Les salafistes font toujours ce qu’ils disent. Leur discipline, leur persévérance et leur mobilisation, sont impressionnantes et constituent des atouts dans la guerre d’usure qu’ils sont en train de mener pour imposer leurs lois.»
Le cas de la Manouba est-il sans issue? Que faire entre «un retour à la case départ» —affrontements sans possibilité de négociations— ou «une continuité logique des faits» —avoir gain de cause par l’usure—, s’interroge le quotidien La Presse. slateafrique
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Nouvelle pétition d'intellectuels tunisiens contre les pressions salafistes à l'université
Les cours ont de nouveau été suspendus mardi 17 avril à la Faculté des lettres de la Manouba, près de Tunis, avant de reprendre laborieusement le lendemain. Depuis le 6 décembre 2011, un conflit oppose les enseignants et un groupe de salafistes qui réclament le port du niqab pour les jeunes filles à l'intérieur des cours et la création d'une salle de prières, malgré l'interdiction de l'accès aux salles de cours aux étudiantes en niqab approuvée par le conseil scientifique de la faculté et confirmée par un arrêté du tribunal administratif.
Cette nouvelle interruption des cours a été décidée à la suite d'une manifestation d'étudiants salafistes qui ont empêché le doyen Habib Kazdaghli d'accéder à son bureau en réclamant son départ. Le groupe entendait obtenir l'annulation de sanctions prises par le conseil scientifique à l'encontre de dix étudiants ayant investi, il y a quelques mois, une salle de cours et proféré des menaces à l'encontre d'enseignants.
Le lendemain, "il aura fallu quarante minutes de négociations", raconte Habib Mellakk, enseignant de français à la Manouba et syndicaliste, pour que le doyen puisse accéder à son bureau. 130 universitaires tunisiens, dont les doyens, dénoncent dans un texte commun les pressions subies par la faculté de la Manouba par les fondamentalistes, une initiative qui intervient après celle, en janvier, de près de 200 universitaires français.
Appel pour la constitution d'un Comité de défense des valeurs universitaires, de l'autonomie institutionnelle, des libertés académiques et de soutien à la FLAHM [Faculté des Lettres, des Arts et des Humanités de la Manouba] :
Depuis le début de l'année universitaire 2011-2012, des étudiants "salafistes", renforcés par des activistes et des miliciens et soutenus par des partis islamistes organisés, ont attaqué plusieurs institutions universitaires, soit pour essayer d'yimposer le niqab dans les cours et les salles d'examen, soit pour marquer leur désapprobation au sujet de la tenue jugée irrespectueuse d'une enseignante ou pour contester les programmes établis par les départements ou les conseils scientifiques. Des incidents ont eu lieu à la Faculté des Lettres et des Scienceshumaines de Sousse, à l'Ecole supérieure de commerce de la Manouba, à l'Institut supérieur des arts et métiers de Kairouan, à l'Institut supérieur de théologie de Tunis, à l'Institut supérieur des langues de Tunis et dans d'autres établissements.
Mais c'est la Faculté des Lettres, des Arts et des Humanités de la Manouba qui a constitué, depuis le 28 novembre 2011, la cible privilégiée de ce groupuscule. Ces activistes y bafouent le règlement intérieur en vigueur dans toutes les institutions d'enseignement supérieur qui interdit le port du niqab dans l'enceinte universitaire et particulièrement pendant les cours, les séances d'examens et d'encadrement pour des raisons pédagogiques. Ils essayent d'y imposer leur loi par la force en terrorisant leurs camarades, en tentant de séquestrer le doyen, en l'empêchant d'accéder à son bureau, en recourant à la violence physique et verbale contre les enseignants, contre le personnel administratif et ouvrier et en menaçant de mort certains enseignants et leur doyen.
Des agissements semblables, quoique n'ayant pas la même gravité et n'ayant pas bénéficié de la même médiatisation, ont été enregistrés dans d'autres établissements, plongeant dans l'inquiétude les enseignants, les étudiants et leurs syndicats. Visant spécialement la FLAHM dans un harcèlement continu et sans précédent dans l'histoire de l'université tunisienne, ce groupuscule a réussi à yinterrompre les cours à plusieurs reprises et a pu parfois empêcher quelques groupes d'étudiants de passer leurs devoirs surveillés. Le bureau du doyen a été saccagé et son intégrité physique a été menacée puisqu'un volumineux morceau de béton lancé dans son bureau aurait pu l'atteindre... [...]
Conscients que la Faculté des Lettres, des Arts et des Humanités de la Manouba est ciblée en raison du rôle avant-gardiste qu'elle a toujours joué aussi bien dans la sauvegarde des valeurs universitaires, de l'autonomie institutionnelle et des libertés académiques que dans le développement de la tolérance, de l'esprit critique et du renouvellement de la recherche
Conscients que son doyen, ses enseignants, ses étudiants, son personnel administratif et ouvrier, particulièrement ciblés par les frondeurs, ne sont pas protégés par les autorités, que leur dignité est bafouée et que leur intégrité physique est menacée
Conscients que le combat que mène la FLAHM est le combat de toute l'université et celui de toute une société qui s'est débarrassée de la dictature et qui ne veut pas qu'elle revienne,
Les universitaires et chercheurs tunisiens, les intellectuels, les artistes et les acteurs de la société civile, signataires de cette pétition :
- Se déclarent prêts à mener toutes les actions à même de permettred'assurer la primauté de la loi dans les établissements d'enseignement supérieur, à défendre en collaboration étroite avec les syndicats de la profession et par tous les moyens légaux, toutes les institutions universitaires, contre toute atteinte susceptible de porter préjudice au savoir et aux valeurs universitaires, à l'intégrité physique de leurs responsables, de leurs enseignants, de leurs étudiants et de l'ensemble de leur personnel.
- S'engagent à soutenir particulièrement la FLAHM, son doyen, et toute son équipe dirigeante spécialement visés.
- Appellent à la constitution d'un Comité de défense des valeurs universitaires, de l'autonomie institutionnelle, des libertés académiques et de soutien à la FLAHM.
- Demandent à tous les universitaires et chercheurs tunisiens, aux intellectuels, aux artistes et aux acteurs de la société civile, de répondre à cet appel en rejoignant ce comité et en se mobilisant pour l'aider à concrétiser ces objectifs, à la finalisation desquels l'université tunisienne, depuis sa fondation et à travers ses pères fondateurs et leurs disciples, s'est toujours montrée attachée et s'est constamment attelée.
LISTE DES PREMIERS SIGNATAIRES :
Anciens doyens et directeurs : Yadh Ben Achour, Abdelmajid Charfi, Sadok Belaid, Abdelkader M'hiri, Ali Mahjoubi, Mohamed-Hédi Chérif, Mohamed-Ali Drissa,Hassen Annabi, Faouzia Charfi.
Doyens actuels : Mohamed Fadhel Moussa, Moncef Ben Abdeljalil, Noureddine Kridis, Ahmed Mehrizi, Ali Chadli, Khaled Zghal, Mohamed Amine Hammas.
Professeurs dans les universités tunisiennes : Rabaa Abdelkafi, Lilia BenSalem, Mounira Chapouto-Remadi, Ammar Mahjoubi, Hichem Skik, Sana BenAchour, Latifa Lakhdar, Jounaidi Abdeljaoued, Dalenda Larguèche, Larbi Chouikha,Samia Charfi, Ridha Bouguerra, Lotfi Ben Aissa, Abdelwahed Mokni, Salah Horchani, Khaled Nouicer, Habib Mellakh, Taoufik Baccar, Raja Ben Slama, Alia Baccar-Bornaz, Nejmeddine Kazdaghli, Yadh Zahher, Iqbal Gharbi, Hamadi Rdissi, Moncef ben Slimane, Nizar ben Salah, Sami Aouadi, Abdessalem Mahmoud,Abdelkarim Allagui, Kmar Ben Dana, Olfa ben Achour, Amel Fakhfakh, Amel Grami, Wafi Marrakchi, Sonia M'hiri, Hédi Berraies, Houcine Jaidi, Ali Noureddine,Houcine Ben Azzouna, Hamadi ben Jaballah, Hamadi Rdissi, Béchir Guerbouj,Monji Chamli, Taoufik Karkar, Zohra Marrakchi, Sonia Chamkhi, Meriem Bouguerra, Ahmed Boukhari Chetoui.
Universitaires, intellectuels, artistes entrepreneurs tunisiens résidant à l'étranger : Larbi Bouguerra, Annie Bouguerra, Sophie Bessis, Abdelwahab Meddeb, Mustapha Tlili, Mondher Kilani, Moncef Kilani, Ali Mezghenni, Fethi BenSlama, Noureddine Jouini, Chatal Jaber, Cherif Ferjani, Mansour Feki, Faouzia Zouari, Ines Hammami-Abid, Samih Abid, Ezzeddine Guellouz, Suzanne Guellouz,Mohammed Lakhdhar Lala, Ali Gannoun, Jallel Saada, Amin Khochlef.
Hommes de lettres, artistes et professeurs : Héla Beji, Kalthoum Bornaz,Fatma Saidane, Emna bel Haj Yahya, Moncef Fakhfakh, Monji Ghodbane, Lotfi Souab, Lilia ben Salah, Fethi ben Ayech, Samia Mellakh, Moncef Ouhaibi.
Personnalités de la Société civile : Mohamed Salah Khériji, Salah Zghedi,Mokhtar Trifi, Hedia Jrad, Hela Abdeljaoued, Ahmed Abderraouf Ounaies, Abdessatar ben Moussa, Khedija Cherif, Mounir Charfi, Souad Triki, Salem SalemSahli, Sami Tahri, Ayachi Hammami, Ahlam bel Haj, Larbi Mellakh, Balkis Mechri,Ben Aissa Rafrafi, Thameur Driss.
Les personnes voulant joindre leurs signatures au texte pourront le faire en envoyant leur accord à l'adresse e-mail suivante : valeur.universitaire@gmail.com; Isabelle Mandraud; lemonde
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