Moustapha Abdeljalil, président du Conseil national de transition (CNT), le gouvernement provisoire libyen, se prépare à fêter le 17 février le premier anniversaire du début de la révolution libyenne, dans une atmosphère troublée qui a vu le saccage du siège du gouvernement à Benghazi et la démission du vice-président.
LE FIGARO. - Avez-vous été surpris par la révolution du 17 février?
Moustapha ABDELJALIL. - Non, je m'y attendais. La France nous a beaucoup aidés, bien sûr. Le peuple partage mon avis. Je remercie le peuple français, son Parlement et le président Sarkozy.
Êtes-vous confiant dans le déroulement du processus démocratique? L'élection d'une Assemblée constituante pourra-t-elle avoir lieu en juin, comme prévu?
J'ai confiance, malgré les obstacles posés par les anciens du régime et certains arrivistes. Les élections auront lieu à la date prévue.
Qui sont ces «arrivistes»?
La loi interdit à ceux qui ont travaillé avec Kadhafi de se présenter aux élections. À cause de cela, ils essaient au maximum de déstabiliser le pays, pour faire croire qu'il n'y a pas de sécurité, et que c'est la pagaille en Libye.
Qui est visé par cette loi? Vous-même, vous avez été ministre sous Kadhafi…
Tous ceux qui ont joué un rôle important sous l'ancien régime. Mais ils auront tout de même le droit de voter.
Combien de personnes environ sont-elles concernées?
Pas plus de deux mille personnes.
Ces gens qui veulent déstabiliser le pays ont-ils des groupes armés à leur disposition?
Ils ont surtout de l'argent.
Vous pensez à des personnes en particulier?
Oui, je pense à des personnes en particulier, qui, grâce à l'argent, ont obtenu quelques résultats. Ils peuvent acheter des hommes et de l'armement.
Le CNT peut-il dire aujourd'hui qu'il contrôle la totalité du territoire libyen, quand on voit des milices s'affronter régulièrement, y compris à Tripoli?
La révolution contrôle tout le territoire libyen. Une partie est contrôlée par les forces régulières, l'autre par les révolutionnaires.
Cette situation peut-elle perdurer?
Le gouvernement provisoire a lancé un plan pour intégrer tous les combattants dans l'armée ou la police. Le financement commence à se débloquer. Cela va nous donner la possibilité de mener à bien cette intégration.
Dans quel délai pensez-vous pouvoir absorber tous les groupes armés dans une armée nationale?
D'ici à deux mois, nous pensons avoir absorbé entre 60 et 70% des combattants révolutionnaires.
À Bani Walid, ancien bastion de Kadhafi, une milice a chassé les révolutionnaires et le Conseil local. On a évoqué la reprise de la ville par des forces pro-Kadhafi.
Il y a eu très peu de révolutionnaires à Bani Walid. La ville a été libérée surtout par des révolutionnaires venus d'autres régions. Quand ces combattants de l'extérieur ont quitté la ville, il y a eu des incidents entre le petit nombre de révolutionnaires de Bani Walid, qui ont voulu s'octroyer des privilèges, et certains habitants, qui voulaient l'égalité de tous.
Le CNT reconnaît-il Salem al-Ouaer, chef d'un groupe armé qui a chassé ces révolutionnaires, et le Conseil des anciens qu'il a mis en place?
Salem al-Ouaer est un simple citoyen. Il n'a aucun contact avec le CNT.
Ne craignez-vous pas alors une nouvelle bataille pour la reconquête de la ville?
Actuellement, personne n'est sûr de l'avenir, vu la situation là-bas. Mais l'armée nationale et la police sont sur place, et je crois que le calme va durer.
Quand l'argent du pétrole sera-t-il distribué? Les conseils locaux, Tripoli compris, se plaignent de ne pas recevoir un sou du gouvernement.
Aujourd'hui même se termine à Homs, en Libye, la conférence de tous les conseils locaux du pays. Ils sont en train de mettre en place des organigrammes administratifs et des statuts. Dès qu'ils seront prêts, l'argent sera injecté dans ces conseils. Ce sera fait avant le 17 février.
Avez-vous récupéré les quelque 100 milliards de dollars d'avoirs libyens à l'étranger?
Non, seulement 6 milliards ont été rapatriés. Les procédures continuent pour récupérer le reste.
Comment l'État peut-il vivre?
La reprise de la production de pétrole nous a rapporté 4 milliards de dollars en tout dans les 5 derniers mois, alors que les salaires des fonctionnaires s'élèvent à 22 milliards par an, et que les dépenses d'électricité et de fuel coûtent 14 milliards par an. Le budget, en préparation, devrait être en déficit de 10 milliards.
Les partis politiques seront-ils autorisés à se présenter aux élections de juin?
Non, il n'y aura pas de listes partisanes. Mais des partis politiques sont en train de se constituer. Ils pourront se présenter en tant que «forces politiques» ou «mouvements de la société civile» pour briguer les 80 sièges réservés aux listes. Ces listes devront comprendre 50% de femmes. Les 120 sièges réservés aux indépendants seront libres.
Les islamistes semblent les mieux placés pour remporter ces élections. Faut-il s'en inquiéter en Occident?
Les islamistes dérangent les Libyens avant de déranger l'Occident. C'est l'islam modéré qui va régner dans ce pays. 90% des Libyens veulent un islam modéré. Il y a 5% de libéraux et 5% d'extrémistes.
Seïf el-Islam Kadhafi doit-il être jugé en Libye ou par la Cour pénale internationale, qui le réclame?
Il doit être jugé en Libye.
Quel rôle jouerez-vous après les élections de juin?
Je ne briguerai pas un poste politique. Je souhaite jouer un rôle de conciliateur, de rassembleur.
Abdelhakim Belhadj, le chef du Conseil militaire de Tripoli, poursuit en justice l'ancien chef des renseignements extérieurs britanniques qu'il accuse de l'avoir kidnappé à Hongkong en 2004, puis de l'avoir livré à Kadhafi qui l'a fait torturer. Appuyez-vous sa démarche?
Nous sommes en démocratie, chacun est libre de faire ce qu'il veut, à titre individuel.
source lefigaro
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Les effroyables crimes de l’OTAN en Libye
par Farirai Chubvu
Charles Ray -l’envoyé des Etats-Unis ici- se décrit comme le symbole du monde libre, un champion des droits de l’homme et de la démocratie, et se vante du rôle de son pays dans l’invasion de la Libye, mais en réalité, il semble que, tout comme la guerre du Vietnam et d’autres guerres illégales avant elle, la guerre de Libye soit une énorme sujet d’embarras pour l’Oncle Sam.
Un rapport publié la semaine dernière par des organisations des droits de l’homme au Moyen-Orient prouve à l’envie que des crimes de guerre ont été perpétrés en Libye par les forces des Etats-Unis, de l’OTAN et de leurs alliés "rebelles" pendant l’invasion de l’année dernière, crimes qui ont culminé dans le meurtre du Colonel Mouammar Kadhafi.
Le "Rapport de la Mission d’investigation de la Société Civile Indépendante en Libye" présente les conclusions d’une enquête menée conjointement en novembre dernier par l’Organisation Arabe des Droits de l’Homme, le Centre Palestinien des Droits de l’Homme et le Consortium International d’Assistance Légale.
Basé sur l’interview de victimes de crimes de guerre, de témoins et d’officiels libyens à Tripoli, Zawiya, Sibrata, Khoms, Zliten, Misrata, Tawergha et Syrtes, le rapport demande qu’il soit enquêté sur les preuves montrant que l’OTAN a ciblé des installations civiles faisant de nombreux morts et blessés.
Les installations civiles ciblées par les bombes et les missiles de l’OTAN comprennent des écoles, des bâtiments du gouvernement, au moins un entrepôt de vivres et des maisons particulières.
Le rapport montre aussi que les personnes suspectées d’être loyales à Kadhafi ont été systématiquement assassinées, torturées, expulsées et maltraitées par les forces "rebelles" du Conseil National de Transition soutenues par l’OTAN. Il décrit l’expulsion forcée de la plupart des habitants noirs de Tawergha et la persécution actuelle des travailleurs émigrés du Sub-Sahara par les forces alliées à l’OTAN et son gouvernement transitoire.
Les enquêteurs mentionnent les passages à tabac sauvages et répétés que subissent les prisonniers détenus sans charges et sans procès, l’exécution sommaire des combattants pro-Kadhafi et les rapports des témoins sur "les meurtres de représailles tous azimut y compris ’le massacre’ (c’est à dire qu’on leur tranche la gorge) d’anciens combattants."
Le rapport met en lumière les prétextes humanitaires et démocratiques utilisés par les Etats-Unis, la France, l’Angleterre et leurs complices de l’OTAN pour conduire en fait une guerre de conquête de style colonial. Il montre clairement que la Résolution 1973 du Conseil de Sécurité de l’ONU pour imposer une "zone d’exclusion aérienne" et un embargo sur la vente d’armes à la Libye, soi-disant pour protéger les civils de la répression de Kadhafi, a été en fait utilisée pour mener une guerre aérienne sans merci en coordination avec les forces "rebelles" au sol. Le rapport suggère que l’OTAN et ses alliés arabes ont commencé à entraîner les forces d’opposition et à leur donner des armes tout de suite après le début des manifestations contre Kadhafi. L’opposition contre Kadhafi qui s’est manifestée en février dernier suite à la chute de Moubarak en Egypte a rapidement été prise en main par les Etats-Unis, la France, l’Angleterre et leurs agents en Libye pour lancer une invasion impérialiste.
Le rapport dit : "D’après les informations de première main et de seconde main que la Mission a recueillies, il semble que l’OTAN ait participé à ce que l’on peut appeler des opérations offensives menées par les forces d’opposition, comme par exemple des attaques sur les villes et les villages tenus par les forces de Kadhafi. De même, le choix de certaines cibles, comme un entrepôt régional de vivres soulève des questions évidentes sur le rôle de telles attaques dans la protection des civils." Le rapport ne donne pourtant qu’un pâle aperçu de la violence d’une attaque dont le but était de ramener la Libye à la condition qui était la sienne il y a 43 ans à l’époque où la marionnette des Etats-Unis et de la Grande Bretagne, le roi Idris, avait donné les réserves de pétrole aux multinationales étasuniennes et anglaises et permis à ces deux puissances d’établir d’énormes bases militaires en Libye. La destruction de masse et les meurtres qui ont culminé dans le nivellement de Syrtes et la lynchage de Kadhafi font paraître les affirmations cautionnées par l’ONU, selon lesquelles la guerre était une guerre pour "les Droits de l’Homme" et "la protection des civils", absurdes et obscènes.
Le viol de la Libye a été la réponse anglo-saxonne aux révolutions arabes qui ont chassé les régimes pro-occidentaux au pouvoir depuis longtemps en Tunisie et en Egypte, deux pays qui ont une frontière commune avec la Libye. Le but de l’invasion était de prendre le contrôle absolu des ressources en pétrole du pays, de détourner et d’enrayer les progrès de la lutte des travailleurs en Afrique du nord et au Moyen-Orient et de porter un coup à la Chine et à la Russie qui avaient établi des liens économiques étroits ave le régime de Kadhafi. La guerre a détruit la Libye. Le CNT -une coalition instable d’anciens officiels de Kadhafi, d’islamistes, dont certains sont liés à Al Qaeda, et d’agents des services secrets occidentaux- lui-même, estime que l’invasion a coûté la vie à 50 000 personnes et en a blessé 50 000 autres. Les conflits entre les différentes factions du CNT sont les prémices d’une guerre civile généralisée entre les milices tribales régionales rivales.
Le week-end dernier, alors que le président du CNT s’inquiétait des signes d’une guerre civile imminente, une foule demandant le départ du CNT a fait irruption dans les bureaux du CNT à Benghazi. Abdel Hafiz Ghoga, le vice-président du CNT a donné tout de suite sa démission.
Le rapport sur les crimes de guerre des Etats-Unis et de l’OTAN est aussi un réquisitoire accablant supplémentaire contre ces partis, intellectuels et universitaires de "gauche" qui ont repris comme des perroquets les arguments humanitaires de Washington et de l’OTAN et ont ainsi contribué à l’invasion de la Libye.
Et la Cour Pénale Internationale continue de se distinguer par son silence assourdissant.
source mondialisation
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Violences entre groupes armés rivaux à Tripoli
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Photo: AFP/MAHMUD TURKIA. Des affrontements entre milices rivales à Tripoli ont fait au moins deux morts au début du mois de janvier. |
En Libye, des combats entre milices rivales ont éclaté mercredi autour d'une villa du centre de Tripoli utilisée comme caserne, rapporte un journaliste de Reuters sur place.
Un responsable du ministère de l'Intérieur a confirmé que les combats opposaient des miliciens originaires de la ville de Misrata et d'autres de la région de Zentane.
Les miliciens de Misrata, bastion de la révolte contre Mouammar Kadhafi, ont pris leurs quartiers dans une villa luxueuse du front de mer qui appartenait à Saadi Kadhafi, fils du « guide » libyen aujourd'hui exilé au Niger.
La route menant à la plage d'El-Saadi, d'où provenaient des tirs à l'arme lourde et légère, a été fermée, et une colonne de fumée s'élevait au-dessus du quartier. Des camionnettes équipées de canons antiaériens ont été aperçus se dirigeant vers la zone de combat.
« Nous ne sommes pas sûrs de l'objet des combats, mais les forces gouvernementales ont encerclé le secteur et ils se sont calmés », a déclaré un membre du Haut Comité de sécurité mis sur pied par le Conseil national de transition (CNT).
Depuis la fin du conflit qui a renversé le régime de Mouammar Kadhafi, des violences ont régulièrement lieu entre groupes armés à Tripoli.
Début janvier, des affrontements entre des miliciens de Tripoli et d'autres groupes originaires de Misrata ont fait quatre morts.
Le président du Conseil national de transition (CNT), Moustapha Abdeljalil, avait alors déclaré qu'il craignait que le pays ne sombre dans une guerre civile si les combats entre les milices rivales ne cessaient pas.
À Tripoli même, deux grandes milices s'affrontent. L'une est dirigée par Abdel Hakim Belhadj, un islamiste libéré par le régime Kadhafi et désormais installé dans une suite d'un hôtel de la ville. L'autre est contrôlée par l'ancien ingénieur en électronique, Abdallah Naker.
D'autres milices installées à Tripoli proviennent également de Misrata, de Zentane et de l'est de la Libye. Chacune contrôle des fiefs différents.
Le mois dernier, des violences ont éclaté à Bani Walid entre deux groupes rivaux et ont abouti à l'expulsion des miliciens pro-CNT de la ville.
Inquiètes de la prolifération des armes et de la multiplication des incidents entre groupes armés, les nouvelles autorités ont lancé un plan visant à réintégrer les quelque 200 000 ex-rebelles dans la société.
Environ 50 000 devraient rejoindre les ministères de l'Intérieur et de la Défense, les autres pourront bénéficier d'aides financières pour monter des projets ou achever leurs études.
source radio-canada.ca