Les trois présidents présents au dialogue national de l’UGTT
Le Congrès pour la République (CPR) et Ennahdha étaient censés boycotter le Congrès du dialogue national organisé à l'initiative de l'Union générale tunisienne du travail (UGTT). Mais voici que le président de la République, M. Moncef Marzouki, ainsi que celui de l'Assemblée nationale constituante, M. Mustapha Ben Jaâfer, tout comme Hamadi Jebali, le chef du gouvernement étaient présents ce mardi 16 octobre, à l'ouverture de cet événement, au palais des congrès à Tunis.
A noter qu’Ettakatol a affiché son intention de «participer activement à cette manifestation, eu égard aux relations solides et historiques qu'il entretient avec l'Union syndicale», comme l’a souligné son porte-parole, M. Mohamed Bennour. Ce qui n’est guère surprenant, quand on sait que Mustapha Ben Jaâfar, le leader d’Ettakatol est un ancien syndicaliste, et a dirigé durant des années le syndicat des médecins du service public. Mais comment faudrait-il interpréter la présence du chef du gouvernement et du président de la République quand on connait la position de leurs partis respectifs à l’égard de l’UGTT ?
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Conférence : Houcine Abbassi, secrétaire général de la centrale syndicale UGTT
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Déclaration finale du Congrès national pour le dialogue
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Le président Moncef Marzouki (à droite) et le Premier ministre Hamadi Jebali (à gauche), le 16 octobre 2012 à TunisFETHI BELAID AFP.COM
La classe politique tunisienne était réunie mardi à Tunis pour négocier un consensus sur le contenu et le calendrier d'adoption de la Constitution en présence du président Moncef Marzouki et le Premier ministre Hamadi Jebali, un islamiste, malgré le boycott de leurs partis.
Ce rassemblement de plus de 40 partis s'est ouvert au Palais des Congrès, à l'initiative de l'Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT), pour sortir des "tiraillements" qui retardent la rédaction du texte fondateur de la Tunisie post-révolutionnaire par l'Assemblée nationale constituante (ANC).
"Les tiraillements se sont multipliés, les conflits se sont accentués" depuis la révolution de 2011 qui a renversé le président Zine El Abidine Ben Ali, relève le secrétaire général de l'UGTT Houcine Abessi dans le quotidien La Presse.
"On a pensé qu'une force devait émerger pour lancer une initiative afin de faire retomber les tensions et réunir autour d'une table les protagonistes", a-t-il expliqué.
Signe des conflits persistants, deux des trois partis de la coalition au gouvernement, les islamistes d'Ennahda et le Congrès pour la République du président Marzouki, ont annoncé lundi boycotter la réunion en raison de la présence d'un parti d'opposition honni, Nidaa Tounès (l'Appel de la Tunisie).
Cette force politique croissante dirigée par Béji Caïd Essebsi, le deuxième Premier ministre de transition après la révolution, est accusée de rassembler les tenants du régime déchu et de remettre en cause la légitimité du gouvernement dirigé par Ennahda.
Cependant, mardi matin, le chef de l'Etat et le Premier ministre ont tout de même fait le déplacement au "dialogue national" organisé par l'UGTT.
Avant de repartir, M. Marzouki a indiqué dans un bref discours soutenir cette initiative afin de "garantir les droits et libertés" des Tunisiens, et empêcher "le retour de la tyrannie".
Cette réunion intervient après que la coalition au pouvoir --Ennahda et ses alliés de centre gauche CPR et Ettakatol-- a annoncé dimanche avoir enfin trouvé un compromis sur la nature du futur régime politique et sur l'organisation de législatives et d'une présidentielle le 23 juin.
Cependant, il leur faut trouver un consensus plus large, la Constitution devant être adoptée par une majorité des deux tiers des députés de l'ANC.
Par ailleurs, une partie de l'opposition, Nidaa Tounès en tête, considère que le gouvernement perdra sa légitimité le 23 octobre, un an jour pour jour après l'élection de l'ANC, les principaux partis s'étant engagés à rédiger la loi fondamentale en l'espace d'une année.
Les autorités admettent que ce calendrier initial est intenable mais considèrent que leur légitimité reste intacte.
Dans ce contexte, le secrétaire général de l'UGTT a indiqué mardi qu'il aurait "préféré" que la coalition annonce son compromis sur la Constitution et le calendrier électorale à l'issue de la réunion de mardi afin de forger un consensus aussi large que possible. 20minutes
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Les diverses déclarations (ou discours) des participants à l'initiative de l'UGTT..
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Houcine Abassi regrette l’absence d’Ennahdha et du CpR au «dialogue national»
Le secrétaire général de la centrale syndicale a regretté l’absence des Nahdhaouis et Cpristes au Congrès de dialogue national qu’il a ouvert mardi matin, au palais des congrès à Tunis.
Il s’est cependant félicité de la participation des trois présidents : de la république, de l’Assemblée nationale constituante (Anc) et du gouvernement, qui ont tenu à assister à l’ouverture de ce congrès, organisé à l’initiative de l’Union générale tunisienne du travail (Ugtt).
Les urgences de la seconde phase transitoire
Environ 50 partis, 22 organisations et plusieurs personnalités nationales et élus de l’Anc ont pris également part à ce congrès, tenu sous le signe : «Congrès du dialogue national: un appui à l’unité nationale» et qui vise à parvenir à un consensus concernant les urgences de la seconde phase transitoire et les prochaines étapes politiques en Tunisie.
L’absence des partis Ennahdha et Congrès pour la République (CpR), principales formations politiques de la coalition tripartite au pouvoir, qui ont décidé de boycotter ce congrès, était très remarquée et diversement appréciée par les participants.
La présence d’Ettakatol (ou Forum démocratique pour le travail et les libertés, Fdtl), également membre de la coalition au pouvoir, n’a pas beaucoup atténué la déception inspirée par cette absence, car ce parti a des relations solides et historiques avec la centrale syndicale et sa participation allait de soi.
En guise de consolation : le président de la république provisoire Moncef Marzouki a finalement marqué de sa présence la séance d’ouverture du congrès, alors que le porte-parole officiel de la présidence de la république annonçait, lundi soir, qu’il se contenterait d’y adresser un message.
A travers cette participation de dernière minute, le président Marzouki a voulu traduire sa volonté d’«interagir positivement avec toutes les initiatives visant à rassembler les forces nationales autour d’un programme commun pour la période à venir», comme indiqué dans le communiqué publié ce matin par la présidence.
Le secrétaire général de l’Ugtt Houcine Abassi, a relevé, mardi, que l’initiative de la centrale syndicale, appelant à un dialogue national, «ne peut, en aucun cas, se substituer à l’autorité de l’Assemblée constitutionnelle, détenant un pouvoir décisionnel et seule source de légitimité durant la transition».
Intervenant à l’ouverture des travaux du Congrès, il a affirmé que cette initiative a été motivée par «la régression inquiétante du niveau d’entente entre les sensibilités politiques et les composantes de la société civile autour de la nature et des mécanismes de la phase de transition démocratique».
Garantir la pérennité du dialogue national
M. Abassi a, également, affirmé qu’«édifier une nouvelle culture de dialogue national commande de parvenir à des mécanismes qui soient garants de sa pérennité», relevant le «besoin de se mettre à table pour dialoguer tout en tenant compte de l’intérêt du pays afin de garantir à tous les Tunisiens un minimum de sécurité, de liberté et de dignité».
Tout en «regrettant» l’absence des partis Ennahdha et CpR aux assises du congrès, le secrétaire général de l’Ugtt a tenu à saluer le consensus auquel est parvenue la troïka, «qui est, sur le fond, en cohérence avec les principes défendus par les parties» prenant part au congrès, s’agissant du régime politique mixte, de l’agenda des prochaines échéances électorales, de la mise en place de l’Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie) sous la présidence, éventuelle, de Kamel Jendoubi, la mise en application du décret loi 116 portant création de la Haute autorité indépendante de la communication audiovisuelle kapitalis
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Congrès de l’UGTT : Palpitations et espérances des élites politiques
La Conférence sur le dialogue politique national initié par l’UGTT, aujourd’hui, 16 octobre 2012, au Palais des Congrès, a réuni de nombreuses personnalités politiques, économiques et de la société civile, dont, le président de la République Moncef Marzouki, le président de l’ANC, Mustapha Ben Jaâfar, le chef du gouvernement, Hamadi Jebali, le président de la Ligue tunisienne des Droits de l’Homme, Abdessattar Ben Moussa, le bâtonnier de l’Ordre des avocats, Chawki Tabib, la présidente de l’UTICA, Wided Bouchamaoui, et Ahmed Mestiri, ancien ministre de Bourguiba.
Lors de son discours d’ouverture, Houcine Abassi, Secrétaire général de l’UGTT, a mis cette initiative dans son contexte et à rappelé les impératifs d’un dialogue national afin de parvenir à un consensus entre les différentes parties concernées par la réussite de la transition démocratique.
Lors de son discours, Moncef Marzouki, qui a finalement décidé d’être présent à la Conférence, soutient que l’initiative de l’UGTT est « un signe de maturité politique ». Il affirme que « la crise actuelle a contraint toutes les parties à opter pour le dialogue. C’est dans les grandes crises que naissent les grandes décisions et que disparaissent les calculs étroits et les considérations personnelles et partisanes ». Et d’ajouter : « Il est important dans cette phase décisive et délicate de l’histoire de la Tunisie et de sa Révolution de parvenir à un consensus national qui respecte et appuie la légitimité électorale mais qui n’hésite pas à employer les moyens de pression légitimes pour établir une feuille de route claire et précise susceptible d’éclairer les Tunisiens sur le chemin suivi ».
Moncef Marzouki se montre optimiste quant à l’issue du dialogue national et affirme « qu’il n’y a actuellement aucun désaccord sur le régime mixte à adopter, le refus du retour de la dictature, l’indépendance de l’ISIE, de l’instance des magistrats et des médias ainsi que la fixation de la date des prochaines élections, et ce, avant l’été prochain ».
Moncef Marzouki a également appelé à ce que des propositions claires soient rendues le 18 octobre, afin que « le 23 octobre soit un jour de fête et non de crise ».
Pour sa part, Mustapha Ben Jaâfar a salué l’initiative de l’UGTT et a confirmé l’engagement de l’ANC au dialogue, sur la base de la légitimité électorale, et son appui au Congrès du dialogue national.
Il a également insisté sur la légitimité de l’ANC, « autorité suprême du pays », et a affirmé que « si le consensus est de nature à renforcer la légitimité électorale, il ne pourra en aucun cas, s’y substituer ». Il a appelé à la création d’instances indépendantes pour les élections, la magistrature et la réforme des médias et a insisté sur l’ouverture des dossiers de la justice transitionnelle, « susceptible de garantir le succès du processus de transition ».
Le chef du gouvernement Hamadi Jebali a, de son côté, affirmé que les priorités de la période transitionnelle impliquent un consensus sur la nature du régime politique, la date des prochaines élections, la mise en place de l'Instance Supérieure Indépendante pour les Elections, de l’instance de la magistrature et celle des médias, et du mode de scrutin.
Le président de la Ligue Tunisienne des droits de l'Homme, Abdessattar Ben Moussa, a tenu à préciser, quant à lui, que la légitimité électorale était importante, mais insuffisante et qu’elle devait être complétée par une légitimé consensuelle. Il a affirmé que « le dialogue est une nécessité absolue, compte tenu de la crise politique, sécuritaire et sociale que traverse le pays actuellement ».
Dans son allocution, Wided Bouchamaoui, présidente de l'Union Tunisienne de l'Industrie, du Commerce et de l'Artisanat a insisté sur l’importance de la civilité de l’Etat et du régime républicain et que la situation économique actuelle du pays, nécessitait d’urgence, un consensus autour d’une feuille de route politique, claire et précise.
Chawki Tabib, bâtonnier du Conseil de l'Ordre national des avocats, a regretté « le retard et les lacunes à relever dans ce dialogue national », mais qui « n’arrive cependant pas trop tard ». Il a également insisté sur l’ajustement à opérer sur le processus transitionnel afin de sauver la transition démocratique.
Il a affirmé qu’ « aucune solution, aux dossiers brûlants que nous n’arrivons pas encore à résoudre, ne nous sera imposée sous couvert d’une démocratie provisoire, préparant le chemin à une dictature naissance, qu’on prépare en coulisses, sous une nouvelle appellation ».
Enfin, Ahmed Mestiri, ancien ministre de Bourguiba, a tenu à mettre en garde contre les menaces identitaires qui pèsent actuellement sur la Tunisie et qui menacent son mode de vie. Crédit de photo : Akermi
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Dialogue national de l’UGTT: «Etablir un débat d’idées et non un débat de coups de poings»
La situation économique en Tunisie, catastrophique? Dramatique? Apocalyptique? C’est tout cela à la fois et plus à entendre les hommes d’affaires s’exprimer jeudi 11 octobre au siège du patronat. Circulez y a plus rien à attendre… Ou encore plus les dés sont jetés et l’entrepreneuriat va droit au mur. C’est un son de cloche revenu sur toutes les bouches en cette journée où l’on voit, pour la première fois, depuis la révolution, les opérateurs parler de leur situation en toute franchise et parfois même brutalement, signe de leur indignation et d’une exaspération qui a vite viré au ressentiment.
Tout d’abord, Hamadi Jebali, il est vrai, Premier ministre de tous les Tunisiens, reste cependant le secrétaire général d’Ennahdha, et aurait pu dépêcher une autre personnalité pour représenter le gouvernement s’il n’était pas personnellement convaincu de l’importance du dialogue en cette phase délicate par laquelle passe le pays.
Ce faisant, il se démarque complètement d’une ligne de conduite observée depuis sa prise du pouvoir, à savoir un alignement presque systématique sur les positions de Rached El Ghannouchi. En affirmant dans son discours: «les différences idéologiques et politiques ne datent pas d’aujourd’hui en Tunisie et il est de notre responsabilité à tous de veiller à établir des canaux pour le dialogue entre nous autres Tunisiens et d’arriver à un consensus pour rassurer nos compatriotes »… En décrivant la révolution comme l’instrument qui «a libéré nos esprits»… En décrétant qu’une année après des élections libres et transparentes, «il nous paraît indispensable de rédiger la Constitution dans un laps de temps raisonnable». Qu’il est impératif que «les représentants du peuple, nos élites politiques, économiques et tous les représentants de la société civile s’associent ensemble pour commémorer le premier anniversaire de la révolution dans la sérénité et dans la joie et se mettre d’accord sur les plus importantes questions se rapportant à la constitution et au rôle de la Constituante», Hamadi Jebali affirme son adhésion aux principes d’un dialogue national sans que cela soit conditionné par l’exclusion de l’une ou de l’autre des composantes politiques.
Mustapha Ben Jaafar, président de la Constituante, va dans le même sens en rappelant la légitimité de la Constituante qui ne peut aucunement être remise en cause. «Nous aurions espéré voir tous les acteurs politiques participer à cette initiative car le consensus exige des concessions de part et d’autre. Au final, c’est aux urnes de juger de qui est le mieux habilité à tenir les rênes du pouvoir».
Le président de la Constituante, qui n’a pas manqué de vanter l’initiative prise par l’UGTT, organisation historiquement active sur le plan social mais qui a toujours été partie prenante importante dans les crises politiques et sociales en Tunisie, s’est voulu rassurant. Il a confirmé la détermination des élus à mettre en place une Constitution qui garantit les droits de tous les Tunisiens. «Nous tenons à instituer un régime politique où le peuple décidera par suffrage universel de son président et de ses représentants et qui sacre la séparation des pouvoirs et instaure un Etat laïc et républicain garant de la liberté de culte et d’expression»…
Il rejoint en cela Hassine Abassi, secrétaire général de l’UGTT et hôte de la rencontre qui a insisté dans son discours d’ouverture sur la liberté de pensée et les pratiques démocratiques adossées aux concepts de citoyenneté et une gouvernance participative ainsi que la responsabilité de tous dans l’édification du pays. Le «patron» de l’UGTT a assuré ne pas vouloir se substituer aux partis politique mais réagir à une situation sociale marquée par la régression des indicateurs économiques au point de menacer les équilibres fondamentaux du pays et la rupture du dialogue entre différentes composantes politiques, ce qui représente un risque sur la transition démocratique.
M. Abassi a exprimé ses regrets de voir la décision d’Ennahdha et du CPR de ne pas participer au dialogue national: «Nous aurions espéré voir ces deux partis négocier dans le cadre de cette rencontre un consensus avec les autres partis politiques qui se rapporterait à la nature du régime politique, au choix d’une instance indépendante pour l’organisation des élections et à l’application du décret 116 portant création d’une instance indépendante de l’audiovisuel»…
Pas de stabilité économique sans sécurité et pas de sécurité sans stabilité économique
L’une des interventions les plus émouvantes lors de la rencontre initiée par l’UGTT, c’est celle de Ahmed Mestiri, une des figures emblématiques de la Tunisie postindépendance et opposant aguerri qui n’a pas mâché ses mots et a exprimé ses craintes de voir la Tunisie perdre plus qu’elle n’a gagné après le 14 janvier: «Je ne vous cache pas ma détresse, quand je vois la détermination de certains, sous couvert de combats, politiques remettre en cause l’identité tunisienne, s’attaquant à l’aspect vestimentaire et jusqu’au mode de vie de notre peuple.... La Tunisie a été toujours partisane d’un islam modérée défendu par l’imam Sahnoun… Nous avons exporté les doctrines modérées ailleurs… Il faut comprendre que l’on ne peut s’attaquer à notre identité, une identité construite au fil des siècles…»
Ahmed Mestiri n’a pas parlé que d’extrémisme politique, il a également abordé les menaces sécuritaires. «Il y a ici même sur notre sol des individus qui cherchent à saper le consensus politique dans notre pays et faire échouer la transition démocratique. Certains individus veulent déstabiliser la Tunisie et menacent ses équilibres précaires postrévolutionnaires. C’est pour cela qu’il faut veiller à garantir et renforcer la sécurité. Une sécurité qui dépend en grande partie de notre capacité à parer aux inégalités sociales en mettant en place un modèle économique garant de plus d’équité entre les régions et les classes sociales et une économie qui a besoin de sécurité et de stabilité sociale pour croître et assurer l’essor du pays».
Pour le fondateur du MDS (Mouvement des Démocrates Socialistes), l’état du pays se dégrade et le sort de la Révolution est incertain, d’où l’importance de se mobiliser pour ne pas décevoir la jeunesse qui a fait la révolution. «Je ne vous cache pas que la jeunesse tunisienne commence aujourd’hui à remettre la révolution sérieusement en question. “Cette révolution ne nous a rien apporté’’, c’est ce qu’ils commencent à se dire, et cela s’appelle perdre foi en la révolution».
D’où l’importance, comme l’a fait remarquer Abdessattar Moussa, président de la Ligue tunisienne des Droits de l’Homme, d’établir non pas un dialogue «à coups de poings» comme c’est devenu d’usage aujourd’hui mais de mots, de négociations, d’idées et d’arguments, car la légitimité électorale doit être impérativement liée à une légitimité consensuelle».
Wided Bouchamaoui, présidente de l’UTICA, invitée à s’exprimer, a rappelé l’importance pour son organisation de l’instauration d’un Etat civil et d’un régime républicain insistant sur l’importance de la visibilité pour les opérateurs économiques. «Il est nécessaire pour nous, en tant qu’opérateurs privés, de voir l’avenir de la Tunisie se profiler plus clairement. La mise en place d’un agenda politique précis concernant l’organisation de nouvelles élections et la nature du régime politique serait de nature à inciter les investisseurs domestiques et internationaux à miser sur la Tunisie… Il est de notre devoir de prévenir tous nos partenaires, sociaux ou politiques, quant à la gravité de la situation économique qui ne souffre plus aucun doute ou attente et qui exige un consensus national autour des grandes questions qui empêchent le pays d’aller de l’avant»…
Près de 50 partis et organisations de la société civile ont participé à la conférence initiée par l’UGTT. Une conférence censée apaiser les tensions entre la Troïka et l’opposition. Une conférence à laquelle Ennahdha a refusé de participer arguant son refus par la présence de partis (Nidaa Tounes et le Front populaire) lui déniant sa légitimité comme si c’était elle et elle seule la Constituante!
Moncef Marzouki, président de la République provisoire, décidé tardivement à marquer de sa présence la manifestation, a pour sa part affirmé son soutien inconditionnel au dialogue entre toutes les composantes politiques et de la société civile afin d’éviter toute crise politique et mettre en place un consensus et affirmant que la légitimité appartient au peuple et non aux partis politiques.
"Une faute politique", c’est ainsi que Slaheddine Jourchi, analyste politique, a jugé l’absence d'Ennahdha au dialogue national. C’est d’ailleurs l’avis de tous les observateurs politiques qui estiment que cette défaillance à une rencontre importante pour le pays dénote d’un manque de courtoisie et de diplomatie face à l’invitation d’une institution aussi importante que l’UGTT. C’est aussi la preuve selon eux qu’Ennahdha veut faire cavalier seul et n’entendre que sa propre voix, poussant l’arrogance jusqu’à croire que c’est à elle seule que revient le choix de ses interlocuteurs politiques. Ce à quoi Ahmed Mestiri, qui les a pourtant appuyés à une certaine époque, répond: «Un dialogue se fait entre des individus qui portent des points de vue différents, sinon pourquoi aurions-nous besoin de dialoguer».
Le véritable dialogue suppose la reconnaissance de l’autre aussi différent de nous soit-il. Pour le président d’Ennahdha, qui ne reconnaîtrait même pas la Tunisie, la sacrifiant à la «Oumma», la seule forme de dialogue est de s’adresser à des disciples qui ne savent qu’obéir. Ecouter l’autre est une entreprise difficile sinon impossible pour lui.
Il oublie que le dialogue est la plus puissante des armes, lui qui affiche une préférence marquée pour les rapports de forces. webmanagercenter
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