Interdiction de se moquer des élections
En Algérie, le ministre de l'intérieur prévoit des sanctions «contre ceux qui raillent les élections.»
L'inquiétude a définitivement changé de camp. Pendant qu'il fait arrêter le maximum de militants gêneurs, boycotteurs ou sceptiques structurés, DOK (Dahou Ould Kablia) multiplie les interventions avec cette émotion à peine dissimulée, la peur de l'abstention. A tel point que dans cette ambiance confiante, sereine et ouverte, il prévoit des sanctions «contre ceux qui raillent les élections.»
Les Algériens sont-ils apathiques, apolitiques et inciviques?
La légitimation forcée par la pénalisation n'est pas nouvelle; lorsque la loi sur la réconciliation avait été adoptée en 2005, d'ailleurs par le gonflement artificiel de la participation au référendum (80% et 97% de oui), une législation avait été promulguée pour sanctionner ceux qui critiquent cette grande démarche de pardon.
On les dit apathiques, apolitiques et inciviques, la tête ailleurs et le ventre devant mais les Algériens ont l'air, d'après la peur de DOK (Dahou Ould Kablia), de se diriger vers une forme de refus passif, vengeance douce contre un régime qui ne se rappelle d'eux que lors de consultations électorales ou de soulèvements arabes.
Cette force molle est semblable à l'inertie du ballon mal gonflé qui se fait shooter sans avoir mal et donne un tir qui ne va pas bien loin. Dans ce choc mou, chewing-gum géant qu'on ne peut écraser et qui finit collé et étalé sous les pieds, les Algériens ont l'air de tenter, par l'indifférence, une reconfiguration du dialogue.
S'abstenir c'est contester
Entre le dirigeant et le dirigé, ce dernier ne pouvant ni manifester ni s'exprimer dans un pays fermé par le haut, la seule façon de faire porter sa voix étant justement de ne rien dire. Vision tronquée, fantasme d'opposant ou raillerie délinquante?
Ce sera au juge, nommé mais non élu, d'en décider après les élections. Si c'est une raillerie, la sanction tombera. Mais si le taux de participation est important, les poursuites s'éteindront. Comme un joueur de poker, le régime sait être généreux quand il gagne. Il est en revanche très mauvais perdant. slateafrique
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L’humour comme arme critique
Quand les jeunes tournent les élections en dérision
Sur les panneaux électoraux, les Algériens dessinent des personnages de dessins animés.
Le Parti des travailleurs de Louisa Hanoune apparaît sous les traits de Bob l’éponge, le Front de libération nationale est affublé d’un mouton jovial et le Mouvement pour la paix de Bouguerra Soltani prend des allures d’un bodybuilder ressemblant à la fois à l’acteur Sylvester Stallone et au rappeur Snoop Dogg. Les auteurs des graffitis ont peut-être voulu rendre à l’expression «bled Mickey», à laquelle on assimile souvent l’Algérie, toute sa signification.
Sur d’autres panneaux, près de Bab Ezzouar, des tags rappellent que la pomme de terre se vend désormais à 100 DA et que l’USMA reste le parti préféré des jeunes du quartier. Autre image attestant le peu de crédit que les Algériens attribuent à ces élections, une photo circulant sur facebook met en vedette une poubelle verte, comme il y en a partout à Alger, qui nargue les passant en affichant : «10 mai, votez ici.»
Quand on n’a que l’humour…
Les blagues et les détournements d’images font florès sur les réseaux sociaux, renforçant l’idée selon laquelle les jeunes sont peu captivés par les programmes des partis en lice pour les législatives. Dans des photos montages publiées sur facebook, il est possible de voir Belkhadem, Ouyahia, Soltani et Djaballah dans une course aux poubelles.
Une autre photo met en scène un groupe de musique dans lequel Bouguerra Soltani joue du saxophone, Abdallah Djaballah de l’accordéon et Louisa Hanoune du synthétiseur avec ce commentaire : «Nous en avons marre de la même chanson, nous voulons le changement et maintenant !»
Dans le jeu des détournements de slogans, les jeunes rivalisent d’inventivité : «Mouvement pour la société et la paix : ensemble pour l’hypocrisie et la corruption» ou «L’abstention équivaut à mettre les khobzistes au boulot, Belkhadem au placard, son parti FLN au musée, Bouteflika dans le pétrin, le pouvoir aux abois, le peuple dans la joie.» D’autres photos mettent en parallèle un ministre devant un buffet de méchoui et une vieille fouillant dans les poubelles.
Qu’est-ce qu’un député ?
Face au blocage politique, il ne reste aux abstentionnistes que l’humour pour faire entendre leur voix. Ils font ainsi de la politique avec goguenarderie. L’image du député est généralement assimilée au vol et à l’enrichissement illicite. C’est donc tout naturellement qu’ils conjuguent le verbe voter : «Je vote, tu votes, il vote… ils s’enrichissent.» Certains appellent même à voter Ali Baba afin de se convaincre qu’il n’y aura que 40 voleurs à l’hémicycle. Et à d’autres de crier : «One, two, three, wallah ma n’voti (je ne voterai pas).» Les blagues politiques font aussi leur grand retour à l’occasion de ces élections. Là encore, les élus en sont les cibles privilégiées. «Auparavant, il y avait Chadli ; désormais les blagues ont pour héros les députés qu’on compare souvent aux beggars à cause de leur bedaine, leur moustache et leurs manières», explique Ryad, étudiant. Parmi les blagues en vogue ces derniers jours : «Deux Algériens parlent des prochaines élections : -Mohamed : tu votes pour les corrompus ou les autres ? -Ali : mais qui sont les autres ? » Autre blague visant directement les représentants du peuple : «Un député qui a cumulé les mandats pour bien se placer dans le milieu des affaires : vendre des passeports pour le hadj et gagner des millions en roupillant, choisit, à la fin de son mandat, de placer sur la porte de sa villa l’inscription : «C’est par la grâce de Dieu» (hada min fadhli rabi).
Ahmed Rouadjia, maître de conférence à l’université de M’sila, considère que, pour les jeunes, l’internet n’est pas seulement un moyen d’évasion, de quête de l’ailleurs «rêvé» et transfiguré, mais aussi un défouloir, c’est-à-dire le lieu où ils manifestent leur mécontentement, leur colère ou leur indignation contre un ordre social et politique qu’ils jugent injustes. «Sur facebook et les sites internet, on peut lire l’expression d’une défiance envers le système politique algérien, le témoignage d’un refus global de ce système et un appel à son changement, voire à sa disparition», explique-t-il, relevant néanmoins un manque de maturité politique et une attitude négative dans laquelle le dénigrement systématique de celui-ci occupe une place prépondérante.
Ne dit-on pas, après tout, que l’humour est l’impolitesse du désespoir ?
Amel Blidi; elwatan
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D'ANCIENS RESPONSABLES DES SERVICES SECRETS OCCIDENTAUX ACCUSENT :
«Le Qatar, l'Arabie Saoudite, les USA et les Frères musulmans déterminés à faire chuter l'Algérie»
Organisée à l'appel de sociétés civiles de wilayas du sud du pays, Tamanrasset, Adrar, Illizi et Ghardaïa, de Saïda Benhabylès, présidente d'association, et la revue El-Djazair.Com, une rencontre sur les prises d'otages, notamment le rapt de diplomates algériens à Gao, au nord du Mali, s'est tenue, hier, à l'hôtel El Aurassi, avec la participation de grosses pointures du renseignement, des ambassadeurs en Algérie de l'Autriche, de Cuba, du Venezuela, d'un représentant de l'ambassadeur de la République arabe du Sahara Occidental (RASD) et d'experts. Ont également participé à la rencontre, les familles de nos diplomates enlevés à Gao et des notables touaregs, dont Akhamoukh.
D'emblée, Saïda Benhabylès a déclaré qu'au Sahel «c'est une situation qui n'inspire pas confiance, qui menace la paix, la stabilité et surtout la cohésion sociale». «On a voulu et réussi, par tous les moyens, à obtenir la caution de l'opinion publique pour l'ingérence étrangère dans la région», selon elle. «Je remercie les familles des diplomates enlevés qui sont venues, ici, pour rejeter l'ingérence étrangère», ajoute-t-elle.
Intervenant à son tour, Yves Bonnet, ancien patron de la DST (services secrets français), explique «l’évolution» du terrorisme, à travers le temps, tout en rappelant que «le terrorisme n'a jamais fait fléchir une région ou lui a fait changer sa ligne de conduite».
«L'Algérie a fait face, durant les années 1990, au terrorisme, avec ses propres moyens et par le sacrifice de ses enfants». «L'Algérie avait alerté la communauté internationale sur le caractère transfrontalier du terrorisme, et quand je défendais la vision algérienne, on me taxait d'homme des généraux. Le temps a fini par donner raison à la juste réflexion algérienne», lance-t-il. «Il faut rendre hommage à ces généraux qui ont défendu l'Algérie quand le pays était en isolement», ajoute-t-il.
Lors de son intervention, Yves Bonnet, ancien patron de la DST, rappelle avoir, lui et d'autres personnes, fait le déplacement à Tripoli puis à Benghazi, en Libye. «Cet Etat fonctionnait nettement mieux qu'en l'état actuel», selon lui, ajoutant avoir alerté sur le fondamentalisme religieux. «Moins les forces occidentales s'occupent des affaires des autres, mieux ça ira», a-t-il dit. Yves Bonnet plaide, par ailleurs, pour
«le rapprochement total entre l'Algérie et la France, face aux menaces qui pèsent sur la région du Sahel». «La menace n'est pas seulement terroriste, mais également liée à d'autres organisations criminelles et les narcotrafiquants, notamment latino-américains et mexicains qui inondent le Mali et la Mauritanie», selon Yves bonnet.
«L'Algérie paye pour avoir combattu le terrorisme dans les années 1990»
Anna Marie Lisa, présidente honoraire du Sénat belge, accuse, quant à elle, ouvertement l'Arabie Saoudite «d’œuvrer à déstabiliser volontairement les frontières sud de l'Algérie à travers, notamment, le financement des salafistes et djihadistes». «L'Algérie, et par le rapt de ses diplomates à Gao, paye pour avoir combattu le terrorisme durant les années 1990», selon elle. «Les auteurs du rapt se sont, en particulier, attaqués au symbole de l'Algérie, en la personne des diplomates enlevés», explique-t-elle.
«Ceci, au moment où de l'argent, provenant de paiements de rançons, et autres, arrive, de la façon la plus illégale qui soit, aux terroristes sévissant dans la région», dénonce-t-elle. «C'est une œuvre de déstabilisation qui cible l'Algérie, entretenue par des bailleurs de fonds saoudiens», insiste la présidente honoraire du Sénat belge.
Prenant la parole, Eric Denussy, directeur du Centre français de recherches sur le terrorisme, et ancien officier des services secrets, tire la sonnette d'alarme : «La situation est très grave. L'Algérie est considérée par le Qatar et l'Arabie Saoudite, et par l'alliance entre les USA et les Frères musulmans, comme le domino qui n'est pas tombé et qui doit tomber, coûte que coûte.» Il accuse l'Otan d'avoir reconfiguré le terrorisme dans la région du Sahel, avec l'intervention militaire engagée dans ce pays.
«Certains pays ont même largué des armes, profitant, du coup aux terroristes du GIA, devenu GSPC puis AQMI, après que les terroristes eurent été défaits en Algérie et fui vers le Sud», ajoute-t-il. «Ils ne comprennent pas comment l'Algérie n'a pas chuté avec le printemps arabe et veulent déstabiliser ce pays coûte que coûte», lance-t-il.
Il s'interroge : «Comment l'Occident peut-il donner des leçons de démocratie à la Libye et à la Syrie en s'alliant à l'Arabie Saoudite et le Qatar ?» Comme il se demande : «Comment le Qatar donne-t-il des leçons de démocratie à la Syrie, pays à la civilisation millénaire ?» Richard Labévière, journaliste, essayiste, spécialisé dans le terrorisme, abonde dans le même sens, accusant d'autres parties de tenter de déstabiliser l'Algérie et toute la région du Sahel.