Un vendeur de fruits et légumes de 32 ans s’immole par le feu à Béchar, meurt et provoque la colère. Tout le monde a évidemment pensé à Bouazizi, vendeur de fruits et légumes qui avait déclenché la révolution tunisienne puis égyptienne pour la même raison, un policier venu le chasser de sa place. Bien sûr, difficile de pronostiquer une révolution en Algérie, ce pays ayant échappé à toutes les grilles d’analyse et toute structuration par la société civile, les organisations de masse ou les partis politiques. Mais on ne pourra s’empêcher de réaliser à quel point on peut, en Algérie, être à bout, en perpétuel état de border line, à la lisière permanente de la déraison au point de commettre l’irréparable.
A ce niveau, l’Etat et la société sont forcément coupables, même si le premier, par son mépris ouvertement affiché, l’est forcément plus que la deuxième, qui aura au moins été compatissante en célébrant ce suicide flamboyant par une colère dirigée contre le premier. L’année dernière, on comptait les harraga péris en mer, devenus d’une telle banalité que l’on s’est mis à compter les immolés par le feu. Depuis janvier, eux aussi ont réussi à être banalisés par la lourde machine de l’Etat, de ses journalistes de propagande et de ses sociologues de service. A quelle mort serons-nous mangés dans six mois ou l’année prochaine ? Qui a tué ce vendeur de Béchar ?
Le chômage, la police, l’APC, le feu ou cet ensemble de facteurs qui s’allient quotidiennement pour humilier les petits ? Oui, l’Algérie est riche mais, selon elle, ne peut subvenir aux besoins de tout le monde et ne peut éviter le drame de chacun. Elle aurait pu quand même construire un hôpital digne de ce nom à Béchar, ce qui aurait empêché ce vendeur de mourir à 300 kilomètres de chez lui sur la route d’Oran, à la recherche de soins. C’est donc Ould Abbès qui l’a tué. Il faut donc continuer à le rendre malade.
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