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14 juillet 2012 6 14 /07 /juillet /2012 07:10

REPORTAGE : Menacés par la famine, comme pendant la Seconde Guerre mondiale, les Grecs ont l’impression de replonger dans la dictature. Economique, cette fois.

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[Selon les derniers chiffres, 3 millions de Grecs sont pauvres ou au bord de l’exclusion sociale, soit 27,7 % de la population.]

 

Tous les jours, la même scène : à midi, une foule silencieuse se presse devant les grilles de la mairie d’Athènes, à deux pas de la place Omonia. Combien sont-ils ? Une centaine ? Bien plus encore ? «Le soir, ils sont deux à trois fois plus nombreux», soupire Xanthi, une jeune femme rousse, chargée par la mairie «de gérer la foule». L’ambiance est tendue quand les grilles s’ouvrent enfin, et qu’une longue cohorte se forme jusqu’au stand où l’on distribue un Coca-Cola light et une sorte de purée de patates dans une gamelle en plastique.

Certains tentent de doubler, d’autres de repasser une seconde fois. Il y a des cris, des disputes, tout doit aller très vite : la distribution ne dure qu’une demi-heure. Et tant pis pour les retardataires ! Gestes fébriles, regards fuyants, ils s’accrochent à leur repas qu’ils avalent rapidement assis dans la cour. Au milieu des quelques marginaux et des vieillards aux vêtements usés, on remarque tout de suite cette nouvelle catégorie de citadins jusqu’à présent peu habitués à quémander sa nourriture. La plupart d’entre eux refusent de parler aux journalistes, détournent la tête dès qu’on les aborde. «Ils ont honte», confie Sotiris, 55 ans, qui s’est retrouvé au chômage après avoir travaillé vingt ans dans une compagnie de sécurité. «Mais en Grèce, les allocations chômage ne durent qu’un an», rappelle-t-il. Tirant nerveusement sur sa cigarette, il évoque sa femme, malade du cancer et alitée, ses deux fils, aussi au chômage, qui vivent sous le même toit. «Que va-t-on devenir ?Je n’ai plus d’argent et je ne peux même plus payer les traites pour mon appartement ! Bientôt, ils viendront le saisir», s’affole-t-il. Juste avant de partir, il demande un euro, murmurant : «Juste pour un café. J’en ai oublié le goût.»

Années fastes. En Grèce, on les appelle les «néopauvres», ou encore les «SDF avec iPhone» : des salariés virés d’une des nombreuses PME qui ont fait faillite, des fonctionnaires licenciés à la suite des mesures d’austérité prises depuis deux ans. Tous se sont retrouvés au chômage, alors que les crédits à la consommation les avaient poussés à se surendetter pendant les années fastes. Qui ne sont pas si loin : entre 2000 et 2007, la Grèce affichait encore un taux de croissance prometteur de 4,2%. Puis la crise bancaire de 2008 et l’annonce coup de tonnerre d’un déficit budgétaire record de 12,7% du PIB fin 2009 ont fait s’effondrer, comme un château de cartes, une économie aux bases trop fragiles pour résister au jeu spéculatif des marchés.

Premier pays «dégradé» d’Europe, la Grèce est aujourd’hui le plus mal noté par les agences financières. Travail au noir, fraude fiscale, administration inefficace : les maux sont connus et une grande partie de la population accepte la nécessité des réformes structurelles exigées par «Merkozy», comme on appelle ici le tandem Angela Merkel-Nicolas Sarkozy, qui domine les négociations à Bruxelles. Mais les plans d’austérité imposés au pays depuis le printemps 2010 passent mal. Ils frappent en priorité les salariés et les retraités, qui ont vu leurs revenus diminuer, voire disparaître quand ils ont été licenciés, et leurs impôts, prélevés à la source, augmenter de façon exponentielle. Résultat ? En deux ans, le nombre de sans-domicile-fixe a augmenté de 25% et la faim est devenue une préoccupation quotidienne pour certains.

«J’ai commencé à m’inquiéter lorsqu’en consultation j’ai vu un, puis deux, puis dix enfants qui venaient se faire soigner le ventre vide, sans avoir pris aucun repas la veille», raconte Nikita Kanakis, président de la branche grecque de Médecins du monde. Il y a une dizaine d’années, l’ONG française avait ouvert une antenne en Grèce pour répondre à l’afflux aussi soudain que massif d’immigrés clandestins sans ressources.«Depuis un an, ce sont les Grecs qui viennent nous voir. Des gens de la classe moyenne qui, en perdant leurs droits sociaux, n’ont plus droit à l’hôpital public. Et depuis six mois, nous distribuons aussi de la nourriture comme dans les pays du tiers-monde, constate le docteur Kanakis, qui s’interroge. Le problème de la dette est réel mais jusqu’où peuvent aller les exigences de Bruxelles, quand des enfants qui ne vivent qu’à trois heures d’avion de Paris ou Berlin ne peuvent plus de soigner ou se nourrir ?»

Diktats. Jeudi, une scène insolite s’est déroulée au cœur d’Athènes, sur la place Syntagma, juste en face du Parlement : des agriculteurs venus de Thèbes, à 83 km de la capitale, distribuent 50 tonnes de patates et d’oignons gratuitement. Annoncée à a télévision, la distribution tourne vite à l’émeute. Tout le monde se précipite sur les étals. A nouveau des disputes, des cris. «On n’avait pas vu ça depuis l’Occupation», peste Andreas qui observe le spectacle à distance. L’occupation allemande pendant la Seconde Guerre mondiale avait provoqué une terrible famine qui reste dans toutes les mémoires.

Mais si le mot revient si souvent pour décrire le retour de la faim qui frappe les classes moyennes, c’est aussi en référence aux diktats de Bruxelles, et plus encore de Berlin. «Tous les trois mois, on nous menace de faillite immédiate et on nous ordonne d’étrangler encore plus les plus pauvres. L’argent qu’on nous promet ? Ce sont des prêts qui ne servent qu’à rembourser nos créanciers !» s’exclame Andreas.

Employé dans une entreprise maritime, il rit en évoquant l’éventualité de supprimer les treizième et quatorzième mois des salariés du privé. Comme beaucoup d’employeurs, le sien ne lui verse aucun salaire depuis des mois. «Les patrons invoquent la crise pour éviter de payer leurs employés», se plaint-il. Puis, se tournant vers l’ancien Palais royal qui abrite le Parlement, il ajoute : «Ici, il y a 300 crétins qui suivent un gouvernement non élu par le peuple. Est-ce qu’ils ont diminué leur train de vie ? Les fonctionnaires de l’Assemblée touchent toujours seize mois de salaires et personne à Bruxelles ne s’en préoccupe.»

«Laboratoire». Loin d’avoir, comme en Italie, provoqué un sursaut national face à la crise, Loukas Papademos, le Premier ministre «technocrate» nommé en novembre, brille surtout par son silence. Alors que le pays négocie à nouveau sa survie en promettant de nouvelles mesures de rigueur, la seule interview qu’il a accordée était destinée au… New York Times. Andreas en est persuadé : «Nous vivons sous une dictature économique. Et la Grèce est le laboratoire où l’on teste la résistance des peuples. Après nous, ce sera le tour des autres pays d’Europe. Il n’y aura plus de classe moyenne.»

Source: Libération

http://www.politique-actu.com/dossier/famine-grece-avait-grece-depuis-occupation/354003/

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9 mai 2012 3 09 /05 /mai /2012 02:45

En Grèce, succès de la gauche radicale, impasse institutionnelle

 

Le camarade Staline peut reposer tranquillement dans sa tombe, le Parti communiste (PC) grec veille, bien décidé à poursuivre sa mission éternelle : servir la révolution ouvrière, guetter son arrivée, préparer les troupes, et surtout ne pas permettre aux sirènes de faire entendre le chant d’une victoire de la gauche. Pendant la courte campagne électorale, en Grèce, tous les invités communistes des plateaux de télévision insistaient sur une chose : nous sommes le PC, pas la gauche.

Après l’annonce des résultats, ils se disaient ravis d’avoir gardé l’essentiel de leur puissance électorale (8,48 %)... en attendant la révolution. Une blague qui faisait le tour des journalistes depuis des années est désormais sur toutes les lèvres : la chef du parti, Mme Papariga, reste complètement inactive, comme une vieille bigote qui attend le jugement dernier. Un résumé de la politique du PC en Grèce : pas question d’alliance avec la gauche et surtout avec Syriza, ce « parti bourgeois ».

Issu de multiples divisions et réunions (à partir de 1968) de la gauche réformatrice et progressiste, Syriza a fait la plus importante percée de ces élections décisives. A lui seul, ce résultat pourrait sonner le glas du bipartisme.

L’un des trois enjeux majeurs du scrutin consistait précisément à déterminer si l’une des forces de gauche parviendrait à s’assurer une position dominante. Question tranchée : avec 16,8 % des suffrages, Syriza obtient incontestablement ce statut de leader, se hissant même au rang de deuxième force politique du pays – derrière Nouvelle Démocratie (ND, droite), avec seulement deux points d’écart. Chez les jeunes qui ont voté pour la première fois, chez les sans-emploi, et dans toute la région d’Athènes, Syriza arrive en tête.

Cela a déplu aux grands médias et à leurs chiens de garde. Tout au long de la soirée électorale, devant les caméras et derrière les micros, ils se sont montrés étonnement agressifs avec les invités de Syriza : « Vous proposez de former un gouvernement, mais comment allez-vous y parvenir ? Comment ? COMMENT ? » Beaucoup plus indulgente, leur attitude à l’égard du chef du parti néonazi Aube dorée, qui, sur le point de prononcer son discours, a exigé : « Levez-vous », dans un grec ancien mal décliné. Certains se sont exécutés.

Deuxième enjeu, justement, le pourcentage de l’extrême droite. Un résultat nettement moins réjouissant. Avec presque 7 % des suffrages, les néonazis ont emporté la sixième place et fait une entrée spectaculaire au Parlement. 7,5 % des électeurs ayant voté pour Nouvelle Démocratie en 2009 ont préféré Aube Dorée, de même que 4,5 % des électeurs en provenance du Parti socialiste (Pasok), arrivé troisième avec 13,18 % des suffrages (moins que son tout premier score, en 1974, sous Andreas Papandreou).

Le troisième enjeu, « qui gouvernera le pays ? », reste la grande inconnue. Trois sièges seulement manquent aux grands partis de jadis pour former un nouveau gouvernement pro-mémorandum (1) c’est-à-dire, pour continuer comme avant les élections. Ils ont pensé convaincre trois députés, des « Grecs indépendants » (nouveau parti, cession de la ND, fortement anti-mémorandum et nationaliste, arrivé en quatrième position), de donner leur vote, avec la promesse d’un ministère. Sauf que le souvenir de juillet 1965 – quand le gouvernement de Papandreou (grand-père) fut destitué par ses propres députés, ce qui avait accentué l’instabilité politique et ouvert la voie au coup d’état de 1967 – marque encore la vie politique du pays. On ne devient pas facilement un « traître » : ce scénario a été invalidé au lendemain des élections.

Ce mardi 8 mai, après que le leader de Nouvelle démocratie s’en est déclaré incapable, M. Alexis Tsipras a été chargé par le président de la République de former un gouvernement. Ce jeune homme charismatique de 38 ans a su s’affirmer comme un personnage politique incontournable, d’abord au sein de la mosaïque de Syriza, puis dans la société toute entière. Ses adversaires l’accusent de populisme, lui reprochent un style un peu « macho », mais nul ne conteste qu’il fut le seul dirigeant politique capable d’assurer une place à l’opposition dans le Parlement pendant cette dernière période, marquée par une politique d’austérité extrême. Il a su également mener une campagne électorale brillante et imposer son agenda. Au point que tous les discours des dirigeants des autres partis ont fait référence aux propositions de Syriza : la renégociation du mémorandum imposé par la troïka et l’effacement d’une partie de la dette grecque, sans pour autant sortir de l’Union européenne ou de la zone Euro.

Néanmoins, les chiffres ne sont pas au rendez-vous. Même si le PC acceptait de donner son accord – ce qui relève de la science-fiction –, même avec l’appui du troisième parti de la gauche (la Dimar – « Alliance Démocratique » –, scission de Syriza, qui défend une politique plus proche de celle du Pasok), et enfin même avec l’aide du Pasok dont le chef a déclaré qu’il va soutenir un gouvernement de gauche, il ne serait pas possible de former un gouvernement.

La faute à la loi électorale, taillée sur mesure pour maintenir le bipartisme : la formation qui arrive en tête du scrutin remporte cinquante sièges supplémentaires au Parlement (sur un total de trois cents), afin de pouvoir facilement former un gouvernement. C’est ainsi que ND a vu ses effectifs parlementaires presque doubler, « volant » des sièges qui, sinon, seraient revenus à Syriza dans la région d’Attique.

M. Tsipras va conserver le plus longtemps possible le mandat qu’il reçoit ce 8 mai. Pendant ces trois jours, il va répéter inlassablement son message d’unité de la gauche, que le PC et la Dimar ont formellement rejeté avant les élections. Cette fois, il va aller plus loin, proposer des congrès communs, tendre la main aux écologistes (qui n’ont pas pu franchir le seuil de 3 %), aux maoïstes, aux léninistes, aux trotskistes, aux dissidents du PC, à toute la galaxie des partis de la gauche. But inavoué et vœu cher à tous les Grecs de gauche : faire imploser le PC pour le reformer sur de nouvelles bases et donner à la gauche grecque sa juste position dans la société.

Puis ce sera au tour des autres partis de recevoir un mandat pour former un gouvernement, la perspective d’une coalition majoritaire s’éloignant toujours un peu plus à chaque fois.

Quelles perspectives s’offrent alors ? Probablement le retour aux urnes. Néanmoins, les partis du centre (ND et Pasok) ne souhaitent pas de nouvelles élections, car c’est surtout Syriza qui en bénéficierait.

La Grèce se trouve donc dans une impasse : il n’est possible de former un gouvernement ni avec ni sans Syriza. Le scénario le plus cauchemardesque serait que Nouvelle Démocratie et le Pasok donnent à M. Tsipras leur appui sans participer à son gouvernement, sacrifice qu’ils accepteraient pour sauver les règles qui fondent le bipartisme. M. Tsipras serait ainsi obligé de diriger la Grèce sans disposer de véritable pouvoir ni, d’ailleurs, de cadres formés. Sans leviers, sans filet…

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(1) L’accord de prêt signé par l’ancien gouvernement avec la troïka (Union européenne, Banque centrale européenne, Fonds monétaire International), qui impose une sévère austérité.

 par Valia Kaimaki; monde-diplomatique

 

 

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Le chef du parti anti-austérité Syriza chargé de former un gouvernement

 

 

Après l'échec des conservateurs, le chef de la Coalition de la gauche radicale (Syriza) a été chargé à son tour mardi de tenter de former un gouvernement en Grèce. Résolument opposé aux mesures d'austérité imposées au pays, Alexis Tsipras a affirmé que les engagements pris par Athènes en échange de l'aide internationale n'étaient plus valables, car ils avaient été sanctionnés par les électeurs.

Le chef de Syriza, qui a décroché une deuxième place surprise lors des législatives de dimanche, a appelé les dirigeants des deux principaux partis grecs, les conservateurs de Nouvelle démocratie et les socialistes du PASOK, à ne plus soutenir les deux plans de sauvetage qui maintiennent la Grèce à flot.

"Il n'est pas possible de refaire passer en douce ce que le peuple grec a rejeté" lors du scrutin, a-t-il dit, évoquant les douloureuses mesures d'austérité qui ont rogné salaires et pensions et entraîné un chômage record en pleine récession.

"C'est un moment historique pour la Gauche et le mouvement populaire et une grande responsabilité pour moi", a ajouté Alexis Tsipras. Il a dit qu'il essaierait de tenter de former un gouvernement de gauche qui "mettra fin aux accords d'assujettissement" passés avec les bailleurs internationaux du pays.

Alexis Tsipras a été chargé mardi par le président Karolos Papoulias de former un gouvernement après l'échec d'Antonis Samaras, le chef de Nouvelle Démocratie, premier du scrutin avec 18,9% des voix et 108 sièges, qui avait renoncé la veille à parvenir à un accord.

Arrivé deuxième des législatives de dimanche, Syriza est l'un des grands vainqueurs de ce scrutin, marqué par la poussée des extrêmes au détriment des grands partis traditionnels. Ces derniers ont été manifestement sanctionnés pour avoir accepté des mesures d'austérité drastiques en contrepartie des deux plans de sauvegarde de l'Union européenne et du Fonds monétaire international (FMI) accordés à la Grèce depuis mai 2010 pour lui éviter une faillite.

La formation anti-austérité d'Alexis Tsipras a obtenu 16,8% des voix et 52 des 300 sièges du Parlement, devant les socialistes du PASOK, qui gouvernaient avec Nouvelle Démocratie au sein d'un gouvernement intérimaire d'union depuis la fin de l'année dernière. Dans le même temps, le parti d'extrême droite Aube dorée a fait son entrée au Parlement.

"Les partis en faveur des plans de sauvegarde n'ont plus de majorité au Parlement pour voter des mesures destructrices pour le peuple grec", s'est félicité Alexis Tsipras. "C'est une très importante victoire pour notre société."

Aucun parti n'étant en mesure de gouverner seul après les élections, la Grèce attend la formation d'un gouvernement de coalition, qui pourrait se révéler impossible, compte tenu de l'éparpillement des forces.

Si Alexis Tsipras ne parvient pas à former un gouvernement dans les trois jours, la tâche sera confiée au chef du PASOK, Evangelos Venizelos. En cas d'échec, les dirigeants des partis feront une ultime tentative pour obtenir un compromis. Sinon, le pays devra organiser de nouvelles élections en juin, ce qui pourrait compromettre la mise en oeuvre de son plan de réduction des déficits.

Le résultat du scrutin a ainsi soulevé de nouvelles questions sur la capacité du pays à rester solvable et à demeurer dans la zone euro. Ces craintes avaient fait plonger la bourse d'Athènes de près de 7% lundi. tempsreel.nouvelobs


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26 mars 2012 1 26 /03 /mars /2012 06:11

L’austérité à marche forcée... 10 choses que vous devez savoir sur le Pacte budgétaire 

 

Le 1er mars 2012, 25 chefs d’État et de gouvernements ont signé un nouveau traité, qui devrait entrer en vigueur au début de l’année 2013.Ce Pacte budgétaire a été conçu dans l’urgence, et sous de très mauvais auspices : ses promoteurs avaient initialement prévu de l’adopter sous forme de modification des traités existants, mais le véto de la Grande-Bretagne, lors du Conseil européen du 9 décembre, les a obligés à créer un nouveau Traité ad hoc. Cette procédure permettait en outre une adoption plus « souple » et « simple », c’est-à-dire qu’elle garantissait moins d’« interférences » liées à tout débat public et démocratique, en adoptant un traité de l’Union européenne qui n’en était pas vraiment un.


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Ce Pacte budgétaire a pour vocation à obliger les États signataires à appliquer des politiques budgétaires très strictes via un renforcement des règles et contrôles. Entre autres, les dénommés « déficits structurels » devront rester sous la limite de 0,5% du PIB. Si l’adoption du nouveau traité a été chaudement applaudie par le monde des affaires, et notamment la fédération patronale européenne BusinessEurope, elle a été dénoncée de manière univoque par les syndicats, et pour la première fois de son histoire, la Confédération européenne des syndicats (CES) s’est opposée à un traité européen.

 

Pourquoi maintenant ?

« Ce Traité rassure peut-être les amis politiques de la Chancelière Merkel, mais sûrement pas les millions de chômeurs, de travailleurs pauvres et précaires en Europe, qui attendent en vain un véritable soutien de la part des institutions européennes. C’est pourquoi nous y sommes opposés » a expliqué Bernadette Ségol, secrétaire générale de la CES [2].

 

La plupart des commentateurs et analystes s’accordent pour dire que ce traité ne va pas changer le cours de la crise de l’euro, et il n’a pas vocation à le faire. Il vise davantage à orienter les politiques économiques futures de l’Union européenne, ainsi qu’à donner des gages à l’électorat allemand. La Chancelière Angela Merkel a ainsi souhaité exprimer sa fermeté à l’égard des pays surendettés, et montrer que le co-financement du Mécanisme européen de stabilité (MES) sera assorti de strictes conditionnalités – de plans d’austérité drastiques – pour les Etats membres qui souhaiteraient en bénéficier.

 

Trois nouveautés

 

Une analyse rapide du nouveau traité peut donner l’impression qu’il s’agit tout au plus d’un ensemble de nouvelles règles et de mécanismes. Ce texte est en effet rempli de dispositifs qui visent à orienter les politiques économiques dans de nombreux domaines. Si l’on met de côté les déclarations d’autocongratulation sur les « réalisations » passées, la répétition des contrôles déjà prévus dans la législation européenne et les suites à donner à ce Pacte, il reste tout au plus trois nouveautés : une formalisation plus poussée des Sommets de la zone euro, des mécanismes d’intervention plus réactifs à l’égard des pays en déficits, ainsi que le fameux « frein à la dette », qui met en place de manière contraignante des règles pour réduire la dette et les déficits.

 

Dénouer l’enchevêtrement de ces mesures peut s’avérer compliqué. En fait, les principaux éléments de ce traité se résument en 10 points :

 

 1. Un « traité pour l’austérité »

Voici l’aspect central de ce traité : l’obligation pour les États membres de durcir leurs politiques budgétaires – en réduisant voire évitant les déficits – de manière bien plus drastique que ce qui est prévu dans la législation européenne.

Le resserrement des politiques budgétaires n’est bien évidemment pas un élément nouveau des politiques européennes. Le Pacte de stabilité et de croissance (issu du traité de Maastricht), au cœur de l’Union économique et monétaire impose aux États membres de garder leurs déficits sous les 3% du PIB… Avec amendes à la clé, dans le cas des pays de la Zone euro. Dans un premier temps, les gouvernements en faute se voient attribuer un programme pour atteindre un budget équilibré. L’élément clé de ce « programme d’ajustement » est la réduction du « déficit structurel » (voir ci-après), l’objectif étant généralement d’atteindre un objectif de 0,5% du PIB en plusieurs années [3]. Le nouveau traité rend cet objectif obligatoire.

 

Qu’est-ce que le déficit structurel ?

 

Le déficit structurel est censé révéler un problème à moyen-terme dans le budget d’un État qui aurait des recettes insuffisantes et de dépenses trop importantes. Pour obtenir ce déficit, il faut soustraire au déficit annuel de l’État le déficit dû aux variations de l’économie (en temps de crise, les déficits s’accroissent de manière « automatique ») ainsi que les dépenses exceptionnelles des gouvernements, dépenses considérées comme « légitimes » dont la liste est établie. Ce déficit structurel est la base sur laquelle on considère qu’un État doit prendre des mesures pour couper dans les dépenses ou augmenter les taxes. Le « frein à la dette » vise à réduire ce déficit identifié comme cause structurelle d’endettement.

 

On peut ainsi calculer que si le traité était appliqué, les coupes budgétaires (ou hausses fiscales) se seraient avérées considérables : pour le moment, seuls 4 États membres font état d’un déficit en dessous du seuil « magique » de 3% (Luxembourg, Finlande, Suède, Estonie) [4]. Dans de nombreux pays, des mesures dramatiques devraient être prises. En Belgique, par exemple, où sur un déficit total de 4,6%, 4% sont considérés par la Commission comme « déficit structurel ». La Belgique devrait donc, selon le traité, réduire son déficit sous une barre de 1,1% (0,5% de déficit structurel + 0,6% de déficit non structurel).

 

A première vue, les États signataires ne sont pas directement contraints à prendre des mesures de réduction des dépenses sociales. Pourtant, « réduire le déficit structurel » présuppose ici des mesures bien particulières. Les recommandations de la Commission aux États membres sous les coups d’une procédure de déficit excessif – actuellement cela concerne 23 des 27 Etats membres – sont très claires : il faut couper dans les dépenses sociales pour diminuer le déficit structurel [5]. Une limite de 0,5% du déficit structurel va par ailleurs sérieusement réduire les options disponibles pour les gouvernements, notamment en situation de crise. Elle les empêchera de faire les investissements publics nécessaires pour répondre à la crise.

 

Enfin, il faut noter que le traité – ainsi que de nombreuses des règles et procédures européennes actuelles – met particulièrement l’accent sur les dépenses. Cela a été confirmé avec l’adoption du Pacte pour l’euro en mars 2011, qui explique de manière claire que l’« équilibre des finances publiques » présuppose des attaques contre les retraites, les dépenses de santé et allocations sociales [6].

 

 2. Un pilotage automatique

 

Lorsque le « frein à la dette » n’est pas respecté par un gouvernement lors de l’adoption du budget national, des mécanismes au sein même de la législation nationale devraient déclencher des sanctions – suffisamment sérieuses pour remettre le gouvernement sur la voie d’une « réduction des déficits ».

 

Cela pose la question suivante : dans ce cas, qui va se charger de faire rentrer les gouvernements dans le rang, et comment ? Qui va poursuivre les gouvernements et les obliger à changer sa politique économique, et par quel biais ? Le traité nous donne quelques indices. La responsabilité pour définir les « principes communs » des règles budgétaires est dévolue à la Commission européenne, y compris les principes sur « l’indépendance des institutions responsables au niveau européen pour contrôler le respect strict des règles ». En d’autres termes, des instances indépendantes seront mises en place au niveau national, probablement composées d’experts et d’économistes, afin de veiller à l’application de la discipline budgétaire [7].

 

 3. L’austérité à perpétuité

 

Aucune limite temporelle n’est prévue au renforcement des politiques budgétaires.

 

Le texte stipule en effet que les États membres doivent adopter des « dispositions à caractère contraignant, de préférence constitutionnelles, ou bien avec la garantie d’une application et d’une adhésion totale lors du processus d’adoption du budget national ». En d’autres termes, de manière permanente.

 

La préférence de l’Allemagne va pour la procédure constitutionnelle. L’Allemagne a récemment adopté une modification constitutionnelle qui s’apprête à forcer les gouvernements futurs à rester en dessous d’un déficit structurel de 0,35%. C’est ce type de mesure que la Chancelière Merkel souhaiterait voir appliquer dans les autres États membres. Il y a cependant d’autres possibilités, qui doivent néanmoins s’appliquer de manière permanente. Comme l’indiquait la Chancelière :

 

« Le frein à la dette va être contraignant et s’appliquer de manière permanente. Les règles ne doivent en aucun cas pouvoir être changées par une nouvelle majorité parlementaire. [8] »

 

Bien sûr, le texte stipule qu’il faut « respecter totalement les prérogatives des parlements nationaux », mais dans un tel contexte, cela sonne davantage comme un véritable pied-de-nez.

 

Dans certains pays, une modification de la constitution nécessite un referendum, et il s’agit là d’un scénario à éviter à tout prix pour les promoteurs du Pacte budgétaire. Une manière de faire cela, dans le cadre de ce nouveau traité européen qui n’en est pas un, serait de mettre en place une règle permanente, quasi-constitutionnelle, mais en dehors de la Constitution.

 

 4. En cas de doute, la Cour européenne de justice aura le dernier mot

 

Que se passe-t-il si un État membre considère qu’un autre État membre n’a pas adopté de législation suffisamment contraignante pour mettre en œuvre les règles du traité ? Dans ce cas, le plaignant peut porter plainte auprès de la Cour de justice européenne. Cela peut s’avérer quelque peu surprenant : en effet, le rôle de la Cour de justice européenne est de s’assurer du respect de la législation européenne, pas de régler des différends entre États de manière générale ou sur la base de traités hors de l’Union européenne. Pourtant, la Cour de justice européenne pourra à ce titre imposer des amendes à hauteur de 0,1% du PIB.

 

Ce rôle clé dévolu à la Cour de justice européenne pourrait devenir très important dans le futur. Il permettra a tout État membre de porter plainte sur tout aspect de la mise en œuvre du traité dans un autre État membre.

 

 5. Peu ou pas de flexibilité

 

Les signataires devront-ils ramener leur déficit structurel en dessous de 0,5% du PIB dès l’application du traité ?

 

Non, mais cela devra se faire rapidement. Le temps dévolu n’est pas encore clairement défini dans les propositions de la Commission. Dans leurs « efforts » pour réduire les déficits, les signataires auront exceptionnellement la possibilité de dévier du chemin étroit de l’austérité, dans le cas où ils feraient face à une récession ou croissance faible, à condition que cela ne mette pas en danger l’atteinte d’un « équilibre budgétaire à moyen terme ». La même exception figure lorsque l’objectif de 0,5% est atteint.

 

Cette exception reste néanmoins très floue, et pourrait ne jamais entrer en vigueur. La seule véritable disposition permettant une flexibilité concerne les États qui sont peu endettés, pour lesquels un déficit de 1% du PIB est toléré. Mais peu de signataires pourront profiter de cette exception dans les prochaines années [9]. Même en temps de crise, les signataires qui souhaiteraient mettre en place des politiques budgétaires ambitieuses et des investissements publics se verront opposer des obstacles importants. Il s’agit de tuer dans l’œuf toute tentative de réponse keynésienne à la crise, réponse qui a pourtant prouvé son efficacité dans le passé quand bien même elles auraient provoqué d’importants déficits.

 

« Quand tout va bien, de tels resserrement budgétaires sont inutiles. Quand tout va mal, ils ont des conséquences néfastes. Ce n’est pas un signe de mauvaise gestion que de présenter des déficits en temps de crise » comme l’explique l’économiste Jesper Jeffersen [10].

 

Ce traité s’apprête donc à graver dans le marbre une réponse à la crise qui s’avère inadaptée, et à faire en sorte que, en temps de crise, ce soient les dépenses publiques qui soient systématiquement désignées comme responsables – même si, comme c’est le cas aujourd’hui, les causes de la crise se trouvent davantage dans le fonctionnement du secteur privé.

 

Mauvais diagnostic… mauvais remèdes.

 

 6. La méthode de calcul est biaisée, et stigmatise les dépenses sociales

 

Les détails du calcul du « déficit structurel » sont trop compliqués pour être compréhensibles et transparents vis-à-vis du grand public. En fait, il n’y a pas de consensus au plan international, ni même à l’échelle européenne, sur la méthode de calcul. Le FMI, l’OCDE, la Banque centrale européenne et la Commission européenne, chacun utilise sa propre approche.

 

Pourtant, la méthode utilisée joue un rôle crucial. Ce chiffre de 0,5% peut déterminer à maints égards l’avenir de nos droits sociaux. Déterminer si un État se trouve d’un côté ou de l’autre de ce seuil dépend dans une large mesure de la méthode de calcul.

 

Un exemple : en 2011, la Commission a calculé que le déficit structurel du Danemark était de 3%. Le gouvernement danois, quant à lui, a avancé le chiffre de 1%. Si c’était le chiffre de la Commission qui devait être utilisé, le pays devrait faire en termes d’efforts budgétaires le double des économies qu’il a réalisées en « réformant » son système de retraite (c’est-à-dire en réduisant les pensions).

 

Pour la Banque nationale danoise, et le Ministre des finances du Danemark, la méthode employée par le gouvernement reflète mieux la réalité de l’économie danoise, tandis que la méthode de la Commission comprend des biais à l’égard des pays qui disposent d’une importante protection sociale [11]. Pourtant, c’est bien la Commission qui sera en charge des principes communs de calculs des déficits structurels, et il y a fort à parier qu’elle propose les mêmes méthodes qu’elle utilise actuellement.

 

Les méthodes employées par un État pourront par ailleurs être portées devant la Cour de justice européenne si elles sont considérées comme inadaptées. Là encore, tout porte à croire que la Cour soutiendra les méthodes employées par la Commission depuis des années. Ainsi les méthodes nationales de calcul risquent de ne pas faire long-feu : la Commission devrait faire de l’adoption de règles uniformes une priorité ; ces règles pourraient s’avérer un outil politique de premier choix pour imposer la discipline budgétaire.

 

 7. Il s’agit d’un outil politique – les calculs sont peu fiables, voire dangereux

 

La Commission aura donc un rôle considérable vis-à-vis de l’établissement de ces règles de calcul. Elle a pourtant, à plusieurs occasions, fait preuve d’une certaine forme de partialité dans ses fameux calculs. Le cas de l’Irlande est particulièrement parlant : fin 2008, la Commission avait ainsi prévu de très bonnes perspectives pour l’économie irlandaise, qui s’est pourtant effondrée en 2009. Plus étonnants, sans doute, sont les calculs que la Commission a réalisés après l’arrivée de la crise. Selon ces calculs, l’Irlande, qui subit actuellement une crise économique majeure, serait pourtant proche d’un optimum de performance [12].

 

On se doute bien que la Commission ne dispose pas de boule de cristal. Et quand bien même, le calcul du « déficit structurel » comporte tant d’impondérables [13] que cet indicateur n’est pas vraiment pertinent pour juger de l’état d’une économie. Dans le cadre du Pacte budgétaire, il est davantage utilisé comme un outil pour jeter l’opprobre sur les dépenses publiques comme des maux, et pousser les États à réformer leurs économies.

 

 8. La zone euro est aux manettes

 

Au-delà du « frein à la dette », le traité comporte deux sections importantes.

 

La première reprend la décision prise en octobre de tenir deux sommets la zone euro par an. Ces sommets seront présidés par un nouveau président du sommet de la zone euro qui sera « désigné par les chefs d’État et de gouvernements des parties contractantes dont la monnaie est l’euro à la majorité simple, en même temps que le Conseil européen élit son Président, et pour la même durée ».

 

Cette partie du traité a prêté à controverse, en effet plusieurs pays en dehors de la zone euro, la Pologne en tête, ont exprimé leurs craintes que les décisions importantes soient prises au sein du club de l’euro (à la majorité qualifiée), club duquel ils seraient écartés. Le traité prévoit en l’occurrence que les pays hors de la zone euro puissent assister aux Sommets comme participants, ainsi que la tenue d’un Sommet des signataires du Pacte budgétaire.

 

 9. Soumission et mise à l’amende des pays en déficit

 

La seconde section concerne les règles à l’égard des pays en déficits, qui sont elles aussi modifiées. Dans le cadre des traités européens, il existe une « procédure de déficit excessif » qui vise à obliger les États membres à rester sous le seuil de 3% de déficit. Cette procédure comprend plusieurs étapes : tout d’abord, la décision de lancer la procédure doit être prise par Conseil européen sur proposition de la Commission, puis l’État membre concerné doit produire un rapport sur les mesures qu’il considère de prendre pour résorber le déficit, enfin en cas d’absence de résultats, il peut recevoir un avertissement ou une amende s’il appartient à la zone euro.

 

Cette procédure est considérablement renforcée avec le Pacte budgétaire. En effet, les décisions seront désormais prises à la « majorité inversée », y compris pour le lancement de la procédure. Le traité prévoit en effet qu’il faudra une majorité qualifiée des membres de la zone euro pour s’opposer au lancement des poursuites contre un État membre.

 

Aujourd’hui, seuls quatre membres de la zone euro ne sont pas sous le coup d’une procédure de déficit excessif [14], mais le mode de vote rendait la procédure lente voire la bloquait. La majorité qualifiée étant difficile à obtenir, ce sera désormais plus simple d’infliger des amendes. En 2011, la France s’était opposée à la majorité inversée… Ce sera désormais la règle avec le nouveau traité.

 

 10. Le traité va entrer dans la législation européenne

 

Le traité n’est pas un traité européen. Pourtant, il donne des tâches et responsabilités très importantes à la Commission, et confère à la Cour de justice européenne un pouvoir considérable. Il est néanmoins prévu qu’il intègre, d’ici 5 ans, la législation européenne. Vu l’état des discussions, ce scénario est tout à fait probable. La République Tchèque et le Royaume-Uni ne sont pour le moment pas signataires, mais des arrangements sont en bonne voie d’être trouvés, et le Royaume-Uni pourrait bien bénéficier d’exemptions à certaines clauses dans le cadre d’un traité de l’UE.

 

Un danger pour la société et la démocratie

 

D’ici à ce qu’il soit intégré à la législation européenne, cela ne fera pas de différence. Le vrai changement sera sur le court-terme. Déjà l’an dernier, les règles concernant la surveillance des budgets en déficit ont été considérablement renforcées, avec un resserrement des délais, des exigences plus pressantes et plus contraignantes pour la mise en place de mesures d’austérité, des amendes plus élevées… Avec le Pacte pour l’euro et les réformes de la gouvernance économique (« six-pack »), cette tendance s’est accrue. Le « traité d’austérité » resserre un cran de plus les vis d’un édifice institutionnel complexe qui fait de l’austérité l’alpha et l’oméga des politiques économiques européennes… Et qui s’apprête à heurter de plein fouet les droits sociaux et la protection sociale.

 

Néanmoins, tout n’est pas encore joué. Le fait que 25 chefs d’État et de gouvernement aient paraphé le texte ne signifie pas que tout est terminé. Pour commencer, le traité doit être ratifié, et malgré le fait qu’il ait été tout particulièrement pensé pour éviter de susciter le débat démocratique, le gouvernement irlandais a d’ores et déjà été forcé de tenir à un référendum en fin d’année. Et quand bien même il serait ratifié et mis en œuvre, ce traité sera sans doute la cible d’une résistance sociale massive, lorsque ses conséquences deviendront claires.

_____________________ 

Traduction par Frédéric Lemaire

Source : Les dessous de Bruxelles

[1] Pacte budgétaire, ou Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance de l’Union économique et monétaire » T, http://www.european-council.europa....

[2] Communiqué de presse de la CES, 31 janvier 2012, http://etuc.org/a/9605

[3] Réglement 1466/97, article 5,http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ...

[4] Statistiques Eurostat, http://epp.eurostat.ec.europa.eu/tg...

[5] European Economy, Occassional Papers 65, 2010, http://ec.europa.eu/economy_finance...

[6] Pacte Europlus, page 19 des conclusions du Conseil, 24, 25 mars 2011,http://www.consilium.europa.eu/uedo...

[7] Cela fait longtemps que l’idée de telles instances indépendantes, disposant d’un rôle important est débattue au sein les institutions européennes, et de nouvelles propositions législatives dans ce sens devraient être faites bientôt.

[8] The Guardian, 30 janvier 2012, http://www.guardian.co.uk/business/...

[9] Dépêche Eurostat, 6 février 2012, http://epp.eurostat.ec.europa.eu/ca...

[10] Professeur Jesper Jespersen, interview, 24 février 2012.

[11] Commission européenne, European Economy no 3, 2006,http://ec.europa.eu/economy_finance...

[12] Exemples tirés de Pat McArcle ; “The Euro Crisis : The ‘Fiscal Compact’ and Fiscal Policy”, Working Paper 6, Institute of International and European Affairs, 2012, page 13.http://www.iiea.com/publications/th...

[13] A critique argumentée de la méthode de la Commission européenne a été élaborée par la Banque Nationale danoise (département économie) : Ann-Louise Winther ; “Konjunkturudsving og offentlige finanser”, Kvartalsoversigt, 1. Kvartal 2011 del 1, Danmarks Nationalbank, 2011, pp. 71- 91.https://www.nationalbanken.dk/C1256...

[14] Suède, Finlande, Estonie et Luxembourg, lire http://ec.europa.eu/economy_finance...

Corporate Europe Observatorymichelcollon


 

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Manifestations anti-austérité en Grèce, en marge de défilés

 

Les forces de police grecques ont tiré dimanche des gaz lacrymogènes pour disperser des manifestants anti-austérité dans trois villes du pays, en marge des défilés organisés à l'occasion de la fête nationale.

Le défilé militaire annuel commémorant le soulèvement de 1821 contre les Ottomans a eu lieu sur fond de mesures de sécurité sans précédent à Athènes, afin d'éviter que se reproduisent les heurts qui avaient eu lieu lors de précédentes célébrations. Le défilé a pu se tenir dans le calme, mais, hors des officiels, peu de personnes ont pu s'en approcher pour y assister.

Les manifestations qui ont eu lieu en marge des défilés officiels reflètent la colère d'une frange de la population contre les mesures d'austérité imposées par le gouvernement en échange de l'aide financière octroyée par le FMI et l'Union européenne.

A Athènes, certaines avenues avaient été bouclées et 4.000 policiers mobilisés dans le centre. Des agents des forces de sécurité avaient même été postés sur le toit du parlement et d'autres bâtiments de la place Syntagma, où ont eu lieu de violentes manifestations contre l'austérité l'an dernier.

A Patras, ville portuaire de l'ouest du Péloponnèse, une cinquantaine de manifestants ont bombardé les policiers de bouteilles et de pierres, après avoir été empêchés d'approcher de la tribune où des personnalités assistaient à un défilé étudiant.

La police a également fait usage de gaz lacrymogènes contre 200 manifestants qui tentaient de perturber des défilés étudiants à Héraklion et La Canée, en Crète. 

La police a fait état de 39 arrestations dans l'ensemble du pays. 

George Georgiopoulos, Eric Faye pour le service français  tempsreel.nouvelobs

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14 mars 2012 3 14 /03 /mars /2012 07:17

On dit que c’est au pied de l’Acropole que la démocratie a vu le jour. Aujourd’hui, les ruines du sanctuaire sont couvertes de banderoles dénonçant la dictature des marchés. Comment le berceau de la démocratie s’est-il transformé en un laboratoire de la finance internationale ? Fotoula Ioannidis, militante grecque vivant en Belgique, nous raconte le calvaire de son peuple mais aussi ses actes de résistance. De la révolution de la patate aux compteurs d’électricité rebelles, la Grèce n’entend pas plier face aux esthètes budgétaires de la Troïka.

 

INTERVIEW : Grégoire Lalieu

La dette grecque a été restructurée (107 milliards effacés des ardoises) et la Troïka a octroyé un nouveau prêt de 130 milliards. Une bonne nouvelle qui va permettre à la Grèce de respirer ?

Pas du tout. Tout d’abord, ce nouveau prêt est uniquement destiné à payer la dette et soutenir les banques. De plus, on ne peut pas dire qu’il va alléger la dette puisqu’il va essentiellement permettre de payer des intérêts. Enfin, la restructuration de la dette profite surtout aux créanciers. Grâce à un montage complexe, ils s’octroient des titres plus sûrs et écartent la catastrophe tant redoutée : un défaut de paiement de la Grèce. Encore une fois, c’est un plan qui sauve plus les banques que les citoyens grecs. Ces derniers vont encore devoir supporter tous les efforts avec de nouvelles mesures d’austérité. Tous les plans de « sauvetage » et les prêts octroyés depuis le début de la crise ont endetté le peuple grec pour 250 ans au moins. Plusieurs générations sont condamnées à porter ce fardeau.

 

Ces mesures d’austérité sont-elles efficaces ? Quel impact pour les citoyens ?

Les mesures d’austérité constituent en fait une attaque généralisée contre les droits des travailleurs et l’Etat-providence. Pour 2012, 15.000 fonctionnaires seront licenciés et 150.000 autres devraient passer à la trappe d’ici 2015. Jusqu’à cette même date, les salaires vont être gelés. Et le salaire minimum va diminuer de 22%. En même temps, le chômage ne cesse d’augmenter : 21% et 43% chez les jeunes. Rien qu’à Athènes, 50.000 commerces ont dû fermer en 2011. Près de 40% des lits on été supprimés dans les hôpitaux et les médicaments ne sont pratiquement plus remboursés. La TVA est passée de 11 à 23% et le ticket de transport en commun a augmenté de 50%. C’est catastrophique. Les mesures d’austérité ne permettent pas une relance économique. Le pouvoir d’achat des Grecs ne cessent de diminuer.

 

Alors, pourquoi le gouvernement poursuit-il sur cette voie ?

Tous les manifestants le disent : la Grèce est à nouveau une dictature. Les marchés financiers ont remplacé les colonels. En effet, l’actuel gouvernement n’a pas été élu par le peuple. Le Premier ministre Loukas Papadimos a été imposé. C’est un ancien banquier qui a travaillé pour Goldman Sachs.

D’ailleurs, les conditions dans lesquelles le parlement a voté les nouvelles mesures d’austérité au mois de février en disent long. Il y a eu une énorme mobilisation populaire avec plus de 100.000 manifestants dans tout le pays. Et 3000 policiers surveillaient les accès au parlement. Les médias européens ont beaucoup parlé des actes de violence. En fait, il y avait quelques anarchistes un peu allumés. Mais vous aviez aussi des policiers déguisés en casseurs. Leur objectif était de décrédibiliser le mouvement de protestation et de faire peur aux gens. 

Autre signe du déficit démocratique : quarante-trois députés ont refusé de voter le nouveau programme d’austérité en février ; ils ont été immédiatement exclus de leur parti.

 

 

Si l’austérité n’est pas la solution, à qui profite le crime ?

Aux banques qui continuent à faire de l’argent sur le dos du peuple et aux multinationales qui disposent d’une main-d’œuvre bon marché et corvéable à merci. Entre 2004 et 2009, les avoirs des banques sont passés de 275 milliards à 579 milliards d’euros. Lorsque la crise éclate en 2009, les sociétés cotées en Bourse venaient de réaliser presque douze milliards de bénéfices. Et entre 1990 et 2007, le profit des entreprises a été multiplié par 28 !

 

Il y avait de l’argent donc. Où est-il parti ? Les Grecs ont-ils vécu au-dessus de leurs moyens ?

C’est une idée-reçue totalement fausse. Pendant ces années où les entreprises réalisaient des profits énormes, les salaires grecs étaient maintenus à 60% du salaire moyen européen alors que le taux de productivité des travailleurs s’élevait à 93,5% de la moyenne européenne. Ce qui a fait dire à l’économiste Michael Burke : « La Grèce est de loin l’économie la plus exploiteuse de la zone euro ».

L’argent est honteusement parti de diverses manières. Dans l’armement tout d’abord. Le gouvernement est aujourd’hui incapable de payer les pensions mais il a dépensé des milliards dans l’achat de sous-marins et d’avions de combat. La Grèce, un si petit pays, est devenue le premier importateur d’armes dans le monde ! C’est une catastrophe.

D’autre part, l’évasion fiscale est très importante. Les armateurs grecs comptent parmi les plus grosses fortunes du pays mais ils ne paient pratiquement pas d’impôts. Ils placent leurs capitaux dans des paradis fiscaux comme le Lichtenstein, Malte ou Chypre. Ils investissent également dans les pays du Golfe où ils participent à la construction d’hôtels démesurés destinés à accueillir les plus riches touristes de la planète. La fraude fiscale est estimée à plus de quinze milliards d’euros par an. Si bien que l’ancien ministre des Finances a déclaré que la crise grecque enrichissait les banques suisses.

 

Les Grecs sont-ils bien informés sur la crise ?

Oui. Il y a énormément de télévisions en Grèce : la publique, les privées, les régionales, les locales, etc. Si le privé tend à présenter les mesures d’austérité comme un mal nécessaire, la télévision publique a par contre fait du bon travail. Il faut dire que les journalistes du service public n’ont pas été épargnés par les mesures du gouvernement. Ils ont donc fait grève tout en informant correctement les téléspectateurs sur les motivations de leur action.

Une autre particularité grecque : le parti communiste. Contrairement à d’autres partis communistes en Europe, le KKE est très bien implanté en Grèce. C’est le troisième parti politique du pays. La dictature des colonels a pris fin seulement au milieu des années 70. Or, les communistes ont joué un rôle très important dans la résistance. Ca explique leur popularité en Grèce. Le KKE possède donc sa propre télévision, son quotidien et sa radio. Ces médias disposent de moyens et d’une large audience. Par exemple, lorsque le parlement a voté le nouveau mémorandum les 12 et 13 février, la télévision du KKE a très bien suivi les événements. Dans le parlement, elle avait trois journalistes spécialisés sur les questions institutionnelles. A l’extérieur, ils étaient six à couvrir la manifestation autour du Conseil.

D’autres mouvements de gauche ont aussi leurs chaines de télévision. Même s’ils manquent de moyen par rapport au privé, ils touchent un large public. A travers ces médias donc, les Grecs peuvent avoir des informations critiques sur le gouvernement.

 

Comment s’organise la résistance au niveau des partis politiques, des syndicats, des citoyens ?

Le KKE est le principal parti d’opposition. Comme je l’ai dit, il est très bien implanté. Avec son syndicat, la Pame, il a une grande capacité de mobilisation. De plus, il travaille en partenariat avec des associations de paysans, de femmes, d’étudiants, de petits commerçants, etc.

L’action des syndicats est très importante. Elle a déjà un impact sur le moral des gens. L’année passée, le taux de suicide a connu une hausse de 42% en Grèce ! Mais quand on se retrouve au sein d’organisations militantes, qu’on s’entraide et qu’on unit nos efforts, les problèmes paraissent moins insurmontables. De plus, l’action des syndicats a aussi un effet pratique sur les petites choses du quotidien. L’électricité par exemple : les factures ont grimpé depuis que le gouvernement y a intégré une taxe immobilière. Beaucoup de gens n’ont pas pu payer. La Compagnie d’Electricité leur a donc coupé le courant. Mais les syndicats ont mobilisé leurs travailleurs au sein de la compagnie pour qu’ils ouvrent à nouveau les compteurs des familles pénalisées.

 

Vous parlez des communistes mais il y a aussi l’extrême-droite. Ne risque-t-elle pas de profiter du discrédit des partis traditionnels et du mécontentement général ?

En effet, le Laos, parti d’extrême-droite formé assez récemment, est d’abord monté au gouvernement de Papademos en novembre 2011. Ce parti est appuyé par le puissant lobby des armateurs grecs. D’ailleurs, les deux ministres du LAOS étaient respectivement en charge du Transport et du Commerce maritime.

Depuis le vote du nouveau mémorandum en février, le LAOS a quitté le gouvernement. Je ne pense pas cependant qu’il pourra créer la surprise aux prochaines élections et que la Grèce renouera avec ses vieux démons. Ces démons ne sont pas si vieux d’ailleurs. Beaucoup de Grecs ont encore le fascisme en mémoire.

 

Et au niveau des initiatives citoyennes ?

Il y en a beaucoup. Un mouvement d’intellectuels, regroupant notamment des professeurs de droit, réclame des changements. Ils jugent que l’intronisation de Papademos et les programmes d’austérité violent la Constitution.

Il y a aussi le mouvement des Indignés. Même s’il ne débouche pas vraiment sur des solutions concrètes, il joue un rôle important dans la mobilisation des jeunes.

Certains réclament aussi un audit citoyen sur la dette : une grande part de celle-ci serait illégitime et le peuple grec ne devrait pas la payer.

Récemment, des agriculteurs ont décidé de contourner les grands distributeurs pour vendre leurs produits directement aux consommateurs. C’est le Mouvement des patates ! Les agriculteurs disent qu’il en coûte environ 20 cents pour produire un kilo de pommes de terre. Mais les grossistes les achètent à 10-12 cents pour ensuite fournir les supermarchés, qui les vendent pour environ 60-70 cents le kilogramme.

Enfin, on voit de plus en plus d’actions de désobéissance civile. Les Grecs refusent de trinquer et de subir les mesures illégitimes du gouvernement. Un exemple : la privatisation des routes. Aujourd’hui, pour aller d’Athènes à Salonique, il vous en coûte cinquante euros. Lorsque vous gagnez à peine six-cents euros par moi, ce n’est pas possible. Si bien que des milliers de personnes font régulièrement le trajet sans payer. Idem dans les hôpitaux : de nombreux malades refusent de payer les nouvelles taxes.

 

 

Les mouvements de protestation se content-ils de rejeter la politique du gouvernement ou proposent-ils d’autres pistes pour sortir de la crise ?

Non, les positions du peuple grec se radicalisent et le niveau de conscience politique augmente. Il ne s’agit plus seulement de rejeter les mesures d’austérité. Les Grecs ont compris que cette dette qui les étouffe est illégitime, qu’elle n’est pas la leur et qu’elle est la conséquence logique du système capitaliste. On l’entend partout dans les manifestations aujourd’hui : les Grecs rejettent ce système.

La société grecque est maintenant traversée par un rapport de force très violent. Soit c’est le néolibéralisme qui gagne, au risque de voir ressurgir un Etat fasciste. Soit c’est le peuple qui l’emporte, pour maintenir une forme de bien-être et tous les acquis sociaux arrachés ces dernières décennies.

Vous savez, en tant que Grecque, je suis évidemment touchée par ce qui se passe. Mais la citoyenne que je suis également est profondément attristée. Tout le monde devrait s’inquiéter de la situation en Grèce. Ce pays de l’Union européenne est devenu un laboratoire. Le néolibéralisme y est poussé à l’extrême. Les attaques contre les droits sociaux sont virulentes. Mais c’est aussi une expérience au niveau démocratique : jusqu’où peut-on bafouer les droits les plus élémentaires des citoyens pour répondre aux exigences de la finance internationale ?  michelcollon


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9 mars 2012 5 09 /03 /mars /2012 06:58

Peter Mertens : en Grèce, deux mondes entrent en collision

 

Dans le livre « Comment osent-ils ? La crise, l'euro et le grand hold-up », Peter Mertens (en collaboration avec David Pestieau) aborde, entre autres, la face cachée de la crise grecque. Mertens et les éditions Aden nous offrent à lire le chapitre complet du livre consacré au drame grec. Le livre est sorti le 1er mars et est en vente dans les bonnes librairies à partir du 10 mars 2012.

 

 Lorsqu’apparut l’aurore aux doigts de rose, 

Thésée, fils d’Egée, arpenta le rivage.

Il y rencontra un groupe de gens

 Pleurant et se lamentant pitoyablement.

Il vit sept jeunes filles et sept jeunes hommes

 Emmenés à bord d’un navire aux voiles noires,

Les mains attachées par des liens épais.

Thésée demanda d’une voie claire :

« Qui sont ces jeunes gens ? »

« Un rapide vaisseau les emmène en Crète.

Nous avons pitié d’eux. »

« Pourquoi ? », demanda Thésée.

« Ne le sais-tu pas ?

Ils sont livrés en pâture au Minotaure,

La bête cruelle qui vit dans le labyrinthe du roi Minos,

 

La Grèce et la mer. Entourée par la mer Ionienne à l’ouest et la mer Egée à l’est, la péninsule est depuis toujours un pays de navigateurs. Lorsque le vaisseau de Thésée, vainqueur du Minotaure, retournait vers la Grèce et approchait du port d’Athènes, il arborait des voiles noires. Thésée avait oublié qu’il avait promis à son père, Egée, de faire hisser des voiles blanches si l’expédition avait réussi, et noires en cas d’échec. Apercevant la voilure noire, Égée crut que son fils avait péri et, de douleur, il se jeta dans la mer qui porte son nom depuis lors.

 

Le port du vieil Athènes, à l’époque juste quelques quais, est aujourd’hui le grand complexe du Pirée. La Grèce contemporaine compte quelque cent vingt-trois ports. Le Pirée est le plus grand, avec son grouillement de cargos, de ferries, de navires de croisière, de pétroliers, de catamarans et de bateaux de pêche. Vient ensuite Thessalonique, au nord-est, face à la mer Noire et à l’Asie.

 

Les armateurs grecs ont la main sur la plus grande flotte marchande au monde : au total quelque quatre mille cent navires, soit environ 16 % de la flotte marchande mondiale. C’est plus que les Japonais et les Chinois. Les compagnies maritimes grecques gagnent plus que l’ensemble du secteur touristique. En 2010, les grands armateurs ont vu leurs recettes augmenter jusqu’à 15,4 milliards d’euros, alors que le tourisme générait 9 milliards de rentrées. Cependant, presqu’aucun centime de leur pactole n’entre dans les caisses de l’État. Car les armateurs jouissent depuis des lustres d’une exemption d’impôt de fait, grâce à un arsenal de mesures fiscales qui leur sont très favorables. Le fisc ne met pas le nez dans leur comptabilité. Chaque famille de millionnaire grec ayant des participations dans un consortium maritime – en tout un millier de familles – est ainsi exemptée. Un excellent paradis fiscal, fiable et bien huilé. Les armateurs placent leur argent en Suisse ou à Chypre, au Liechtenstein ou à Londres.

 

Le plus riche d’entre eux est Spiros Latsis, le fils du magnat de la navigation John Latsis. La famille Latsis est aussi active dans les chantiers navals et le monde bancaire. Spiros-fils est en outre le plus grand actionnaire de Hellenic Petroleum. Il est n°68 sur la liste des multimilliardaires mondiaux. Il a étudié à la London School of Economics, en même temps que José Manuel Barroso. En juin 2004, Barroso accède au poste de président de la Commission européenne. Deux mois plus tard, il était invité pour une semaine de vacances sur un luxueux yacht de la famille Latsis. Latsis venait de créer PrivatSea, un yacht-club exclusif promettant à ses membres « une expérience hors du commun à bord d’un des yachts les plus spectaculaires au monde ». Notamment l’Alexandria qui, avec ses cent vingt-deux mètres de long, est le quatrième plus grand yacht du monde, et probablement le plus luxueux. Là où Egée s’est jeté dans la mer, Barroso et Spiros Latsis ont enfilé ensemble leur maillot de bain. Un mois plus tard, la Commission européenne approuvait 10,3 millions d’euros de subsides de l’État grec aux chantiers navals de la famille Latsis. Coïncidence ?

 

« Savez-vous planquer vos sous, à la mode de chez nous ? »

 

Alors qu’au début de l’automne 2011, de nombreux Grecs fouillent dans les poubelles à la recherche de nourriture – « Ce sont des gens corrects, mais ils sont bien obligés de chercher à manger dans les déchets », confie un éboueur –, certains Grecs, eux, ne manquent pas d’argent. Ils en ont même beaucoup, voire énormément. Au plus fort de la crise, la Grèce reste un paradis fiscal pour les armateurs, pour six mille grandes entreprises et pour l’Église orthodoxe grecque.

 

La religion était encore mentionnée sur les passeports grecs jusqu’en 2001, quand une plainte auprès de la Cour de justice européenne pour les Droits de l’Homme à Strasbourg a fait abolir cette pratique. L’Église orthodoxe grecque est puissante, c’est sûr. Avec le clergé, elle domine encore une bonne partie de la vie morale, politique mais aussi économique du pays. Après l’État, c’est l’Église orthodoxe qui détient les plus grands moyens financiers. Elle possède plus de neuf millions d’actions dans la banque nationale grecque, des hôtels, parkings, entrepôts, entreprises, et quelque trois cent cinquante centres touristiques. L’institution est aussi, avec ses cent trente mille hectares de bois, champs, montagnes et plages, le plus gros propriétaire terrien du pays. Cela rapporte chaque année à l’Église des millions d’euros, et cet argent était jusqu’il y a peu non taxé. En 2010, quand une taxe a quand même été imposée, certains monastères ont refusé de la payer. Choqués, des fidèles sont alors allés manifester devant la plus grande église d’Athènes, avec des calicots affichant : « Jésus a dit qu’il faut partager. »

 

Partager ? Voilà qui n’est certes pas dans la mentalité des millionnaires grecs. L’argent gagné en Grèce disparaît de plus en plus vite à l’étranger. Surtout vers les coffres-forts sécurisés des banques suisses, où l’on ne pose pas de questions. Les millionnaires grecs mettent leur fortune en sécurité à Zürich et dans d’autres places étrangères. Ce sont 280 milliards qui sont ainsi mis à l’abri uniquement dans la muette Confédération helvétique. Un exode fiscal total évalué à quelque 560 milliards d’euros : soit le double du produit national brut (PNB) de la Grèce, la richesse produite annuellement par le pays[1]. Que beaucoup de compatriotes ne puissent plus payer leurs soins médicaux ou leur l’électricité, que de plus en plus de gens aient faim n’empêchent pas ces Crésus de dormir. On assiste donc à une situation surréaliste : à la porte d’entrée, le gouvernement grec implore l’Europe de lui octroyer de nouveaux prêts et garantit qu’elle pressera le monde du travail comme des citrons pour la rembourser jusqu’au dernier centime. Et, dans le même temps, les millionnaires évacuent par la porte de derrière la richesse du pays.

 

Car la Grèce est en principe un pays riche. En 2007, cinq fois plus de richesses ont été produites qu’en 1990. Mais, pendant que le PIB était multiplié par 5, les profits se multipliaient par 28 ! Les réformes néolibérales des impôts ont fait en sorte que ces profits échappent en grande partie au fisc. Un tiers à peine de la richesse grecque atterrit chez les salariés : seulement 36,3 % du PIB est consacré à leurs paies. C’est de loin le pourcentage le plus bas de l’Union européenne. Le niveau des salaires se situe aussi à un maigre 60 % de la moyenne européenne. La richesse créée par la société grecque ne revient pas à la population, elle est captée par ses couches les plus riches. Dire que « les » Grecs auraient pendant des années vécu au-dessus de leurs moyens est donc un concentré d’ineptie.

 

Au plus fort de la crise, 7,9 milliards d’euros pour l’armement

 

L’été 2009 est le théâtre d’un événement inouï : la Grèce débourse 2,5 milliards d’euros pour six frégates françaises, 400 millions pour quinze hélicoptères de combat Puma du géant de l’armement EADS, et 5 milliards d’euros pour six sous-marins de l’allemand ThyssenKrupp. Roulement de tambour : 7,9 milliards d’euros pour l’armement français et allemand en pleine crise…

 

Merkel et Sarkozy débordent d’inventivité dans l’élaboration de plans pour que la Grèce soit en mesure de rembourser ses emprunts aux banques allemandes et françaises. Le duo produit recommandation sur recommandation sur ce que le peuple grec doit faire mais, en ce qui concerne le petit commerce de l’armement, motus et bouche cousue. Le magazine allemandDer Spiegel dresse l’inventaire du shopping grec en Allemagne, et c’est sacrément impressionnant. Sous-marins, chasseurs bombardiers, tanks... La petite Grèce, avec ses onze millions d’habitants, occupe la cinquième place au palmarès mondial des plus grands acheteurs d’armes conventionnelles. Elle octroie à sa défense des moyens exorbitants : 3,1 % de la richesse nationale. Des grands pays européens comme la France et le Royaume-Uni consacrent respectivement 2,3 et 2,4 % à la défense. Dans le monde occidental, seuls les États-Unis font mieux avec 4 %.

 

Crise ou pas, les grands frères européens mettent la pression sur les Grecs pour qu’ils poursuivent leurs achats d’armement, sous peine de resserrer les cordons de la bourse quand Athènes sollicite un prêt. L’agence de presse AP cite un conseiller de l’ancien Premier ministre Papandréou : « Personne ne dit ouvertement : "Achetez nos navires de guerre ou nous ne vous aiderons pas pour votre dette." Mais le message sous-entendu est que nous recevrons davantage d’aide si nous répondons à leurs desiderata en matière d’armement. » Et un magazine pacifiste précise : « Le président Sarkozy aurait, en février 2010, exercé des pressions sur Papandréou lorsqu’il était en visite en France pour obtenir du soutien face aux périls financiers de son pays. Le jour où Papandréou se rendait à Paris, les Grecs annonçaient qu’ils ne renonceraient pas à l’achat planifié de six frégates françaises Fremm d’une valeur de 2,5 milliards d’euros, malgré le précipice financier face auquel ils se trouvaient. »[2]

 

La Grèce est un allié de l’Otan tiré à quatre épingles. Située au carrefour de trois continents, elle occupe une place stratégique. Surtout maintenant, alors que l’Otan et les stratèges américains portent toute leur attention sur l’Afrique du Nord, le Moyen-Orient, l’Iran, les Balkans, les pays d’Europe de l’Est et la Russie.

 

Les États-Unis, l’Allemagne et la France jouent habilement de la rivalité entre la Grèce et la Turquie. Les fabricants d’armes mangent à deux râteliers en tant que fournisseurs des rivaux historiques. La Grèce commande de nouvelles armes ? Les fabricants attendent un peu, puis les Turcs se présentent pour le même business. Cela ressemble à la Guerre froide en miniature. Si ce matériel de guerre n’est pas adéquat pour une confrontation entre Grecs et Turcs, c’est autant de gagné pour la stratégie de l’Otan et pour aider à créer de nouveaux rapports de force au Proche et au Moyen-Orient favorables à Washington. Pourquoi, autrement, se tairait-on dans toutes les langues à Washington, Bruxelles ou Francfort, sur le fait que le gouvernement grec économise sur tout, sauf sur le matériel de guerre ?

 

Quand les faits n’ont plus d’importance ou comment bétonner un cliché

 

Sur l’île grecque d’Hydra, aux maisons d’un blanc éclatant face à une mer turquoise, vit la journaliste néerlandaise Ingeborg Beugel. Elle couvre comme journaliste l’actualité grecque depuis des années. Elle décrit de manière passionnante les dessous de la politique grecque et de l’élite économique. « Je trouve intéressant, raconte-t-elle, que l’Union européenne pose à la Grèce des tas d’exigences en tout sens, arrogantes et impitoyables, alors que Bruxelles ne met pas la pression sur le gouvernement grec pour s’attaquer aux politiciens corrompus. La Commission ne s’en soucie pas du tout. Plus fort encore, elle reste muette comme une carpe parce que, autrement, elle se verrait obligée de dénoncer pas mal de pratiques louches en rapport avec l’Europe. Siemens, par exemple, a distribué des pots-de-vin à tour de bras en échanges d’une position de monopole lors des Jeux olympiques d’Athènes, en 2004. Des milliards d’euros y sont passés. Mais, si l’on levait le voile, on s’en prendrait à une entreprise allemande. Et ça Berlin préfère l’éviter. Il existe aussi beaucoup de bakchichs pour les coûteux sous-marins allemands. Or la Grèce les a achetés pour deux fois le prix facturé à la Turquie. De son côté, la France a obligé la Grèce, en échange d’une "aide", à acquérir des avions de combat d’un prix exorbitant. Les politiciens de droite mentent à tire-larigot : rien n’est donné à la Grèce et, en revanche, eux ont gagné beaucoup d’argent avec ce prétendu soutien. »[3]

 

« Les tricheurs de Grecs mettent à mal notre euro », titre crânement à la Une le quotidien allemand Bild Zeitung. Et le très libéral ex-commissaire européen Frits Bolkestein n’a pas peur d’affirmer : « Une grande partie de la population grecque est paresseuse. »[4] Angela Merkel n’est pas en reste. Selon elle, les Grecs prendraient trop de vacances et partiraient trop tôt à la pension. « Nous ne pouvons pas partager une monnaie alors que l’un a beaucoup de vacances et l’autre très peu. À la longue, ce n’est pas compatible », avertit la chancelière allemande, citée par l’agence de presse DPA[5]. Ces Européens du Sud, quand même ! Partir sans cesse en vacances, toucher des pensions de luxe, et puis venir frapper à la porte pour un soutien financier depuis leur terrasse ensoleillée où ils ne fichent rien de toute la sainte journée ! Et peu importe que tous ces préjugés soient pure fiction. Cela s’appelle de la politique fact-free. Traduction : qui ne se base pas sur les faits.

 

Les Européens du Sud raccrochent-ils leur tablier plus tôt que les autres citoyens européens, pour jouir des douceurs de la Méditerranée ? Pas du tout. Les chiffres de l’OCDE pour 2011 indiquent qu’en Grèce, les hommes arrêtent de travailler en moyenne à l’âge de 61,9 ans, soit un mois plus tard qu’en Allemagne. Les femmes, elles, arrêtent certes plus tôt : 59,6 ans, pour 60,5 dans l’« exemplaire » État allemand.

 

En 2007, également d’après l’OCDE, la pension moyenne des Grecs était de 617 euros. Ingeborg Beugel évoque les habitants d’Hydra qui, à leur pension, doivent immédiatement chercher du travail pour joindre les deux bouts. « Ma voisine du dessous a 94 ans ; elle est veuve et touche une pension de 400 euros par mois. Ce n’est pas assez pour ses médicaments et ses couches d’incontinence. Dans des circonstances extrêmement pénibles, elle y arrive tout juste grâce à sa famille et à ses voisins. Je ne connais pas un seul Néerlandais qui arriverait à combiner trois jobs, mais bien des dizaines de Grecs qui le font pour survivre. Oui, il existe des Grecs avec une pension précoce et élevée. Mais c’est une exception, en aucun cas la règle. D’ailleurs, à Hydra, habite une ex-enseignante néerlandaise qui a pris sa pension à 50 ans, ne doit plus jamais travailler et qui, sans aucune gêne financière, peut profiter de la Grèce le restant de ses jours. Aucune collègue grecque ne peut en faire autant. »[6]

 

Quand elle évoque « des Grecs toujours en vacances », Angela Merkel est complètement à côté de la plaque. Selon l’agence officielle européenne Eurofound, les Grecs ont en moyenne vingt-trois jours de vacances par an. Les Allemands en bénéficient de trente. Nous ne nous prononcerons pas sur le nombre de jours de loisirs d’Angela Merkel. Mais son pécule de vacances est certainement un peu plus élevé que la moyenne...

 

Peut-être les Grecs travaillent-ils tout simplement moins ? Non plus. D’après les chiffres de l’OCDE, les Grecs ont, en 2008, travaillé en moyenne 2 120 heures, soit 740 de moins qu’aux Pays-Bas, mais 470 de plus que les Britanniques.

 

De toutes ces allégations sur les Grecs paresseux et éternels vacanciers – et, par extension, les Portugais, les Espagnols et autres habitants des « pays de l’ail », comme les qualifie le toujours délicat Geert Wilders, politicien néerlandais en vue, islamophobe et d’une droite garantie sans additifs –, rien n’est exact. Mais le mal est fait. Les déclarations de Merkel ont fait la Une. Et le cliché est bien ancré : les profiteurs méditerranéens gaspillent notre bel argent aux dépens des irréprochables contribuables du Nord de l’Europe. Comme le disait Einstein : la fission d’un préjugé est plus difficile que celle de l’atome.

 

Ouzo, mezze, Rousfeti et Fakelakia

 

Au xxe siècle, la Grèce a connu deux dictatures, une occupation étrangère et une guerre civile. Après la dictature de droite des colonels en 1975 est enfin née une république parlementaire. Le pays n’avait, jusqu’alors, jamais connu de sécurité sociale. L’aide sociale pour les malades, les pensionnés, les invalides et les chômeurs n’existait quasiment pas. Il y avait le soutien de la famille et des amis ou – pour qui pouvait se le permettre – un petit bas de laine, un point c’est tout. Donc, tout ce qui concernait les questions sociales restait à élaborer.

 

En 1981, le parti social-démocrate Pasok est arrivé au pouvoir et a créé l’amorce de tout un système de clientélisme politique, principalement dans le secteur public. Sans carte de parti, pas de job, pas de protection sociale, pas d’allocations. Cette politique de clientélisme porte un nom : Rousfeti. Le Pasok et le parti de droite Nouvelle Démocratie sont des maîtres en la matière. On connaît bien sûr le phénomène, qui n’est d’ailleurs pas vraiment inconnu dans notre pays.

 

Une politique de copinage pour chacun, mais surtout pour les grandes entreprises. Le système de pots-de vin porte, lui, le nom de Fakelakia. Avec, probablement comme sommet, les contrats pour les Jeux olympiques, où l’État grec a, in fine, perdu quelque huit milliards d’euros. Pour obtenir les contrats du système de sécurité ultrasophistiqué des Jeux olympiques, par exemple, Siemens a acheté divers politiciens, des hauts fonctionnaires et des hauts gradés de l’armée. Tant la Nouvelle Démocratie que le Pasok sont passés à la caisse. Un ancien cadre du Pasok a avoué qu’il avait touché quatre cent vingt mille euros d’un dirigeant de Siemens, peu avant les élections de 2000. Un geste de bonne volonté, disons, même si le geste en question a coûté près d’un demi-million d’euros. « Mais, s’est justifié le monsieur en question, j’ai reversé cet argent au parti sans informer la direction de sa provenance. » Quoi qu’il en soit, Siemens a obtenu le contrat. Une histoire qui fleure bon l’affaire Agusta-Dassault. La corruption existe donc bel et bien en Grèce.

 

La fraude fiscale de six mille des plus grandes entreprises est estimée à quinze milliards d’euros par an. En comparaison, la fraude fiscale en Belgique est évaluée à vingt milliards d’euros. Et chacun se souvient de l’argent noir luxembourgeois de la KBC, resté intouché à cause d’erreurs de procédure. Ou que l’État belge a même dû dédommager le baron du textile Roger De Clerck, accusé de fraude avérée, parce que son procès avait duré... trop longtemps. Le clientélisme politique et la corruption ne sont donc pas des spécialités typiquement grecques, ni belges d’ailleurs. Elles sont propres au capitalisme, au jeu de coudes pour s’emparer de la plus grosse part du marché et réaliser des rendements à plusieurs chiffres.

 

« C’est une épine dans le pied des Grecs que le Premier ministre Papandréou n’ait toujours pas dénoncé de politicien corrompu, ni sanctionné d’entrepreneur ou d’armateur, et qu’aucun centime ne soit récupéré des milliards d’euros disparus dans ces poches », insiste Ingeborg Beugel. Avant sa démission en novembre 2011, le gouvernement socialiste de Papandréou est conspué. Là où se rend le Premier ministre, on hisse les drapeaux noirs. Quand son ministre de l’Intérieur se rend au cinéma et que les étudiants le reconnaissent dans la salle, il est arrosé de yaourt et d’eau. Puis expulsé sous les quolibets.

 

« Un gouvernement de voleurs. » C’est ainsi que, dans son analyse, le professeur de sociologie James Petras qualifie le gouvernement Pasok : « Le Pasok s’est construit autour d’une élite et d’une base qui ne payaient jamais d’impôts mais profitaient des caisses de l’État et de cadeaux des pouvoirs publics. De richissimes armateurs ont éludé l’impôt en navigant sous pavillon étranger (Panama). Mais ils acceptaient d’engager des capitaines grecs et alimentaient volontiers les caisses du parti. Des juristes, médecins et architectes déclaraient à peine des revenus, mais recevaient sous la table des sommes d’argent noir dépassant de loin n’importe quel salaire. Des chefs d’entreprises, spéculateurs immobiliers, banquiers et importateurs graissaient la patte des dirigeants du parti pour s’assurer des abattements fiscaux et sécuriser leurs prêts de l’Union européenne, qu’ils recyclaient en propriétés touristiques et en comptes en banque à l’étranger. Ainsi le parti et le gratin des affaires ont formé un réseau organisé de kleptocrates : ils pillaient le Trésor public et envoyaient la facture aux travailleurs salariés, les impôts de ceux-ci étant prélevés à la source. Pour un salarié, la Grèce est le pire pays au monde, puisque le salariat est bien le seul segment de la société à être, tout à la fois, exploité et imposé. »[7]

 Partie II

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9 mars 2012 5 09 /03 /mars /2012 06:32

Partie II

Goldman Sachs International et le traficotage des chiffres

 

Le fait que la richesse produite au cours des années ait été monopolisée par l’élite alors que le pouvoir d’achat de la population restait à la traîne a rendu la Grèce structurellement instable. D’autant plus que les revenus du plus grand nombre ont été affectés, en grande partie, à l’acquisition de biens de consommation produits à l’étranger. Le versant sud de l’Europe a servi de débouché pour les économies d’exportation, Allemagne en tête. C’est pour cela que le Sud a reçu sans trop de difficultés des crédits, entre autres de… l’Allemagne. Ainsi, l’argent emprunté à l’étranger retournait derechef au généreux prêteur.

 

Durant la période 1975-1980, la balance commerciale de la Grèce affichait encore un excédent de 1,5 % : il y avait plus de marchandises et de services exportés qu’importés. Dans les années 1990-2000, cette balance a basculé vers un déficit de 3 %. Et les résultats ont empiré vers une balance négative de 10 à 13 % depuis l’introduction de l’euro. La Grèce a dû importer des marchandises qu’elle produisait auparavant.

 

Avec la crise financière, la dette publique a grimpé à toute allure : de 115 % du PIB en 2007, elle est passée à 143 % en 2010. Il en résulte que les taux d’intérêt afférents à cette dette ont aussi grimpé très vite, par réaction en chaîne. En effet, quand un pays devient lourdement endetté, ses créanciers et les organismes prêteurs commencent à se méfier. Ils n’acceptent plus de lui prêter de l’argent que moyennant un taux d’intérêt plus élevé, en contrepartie du risque accru de ne pas être remboursés.

 

Cette charge d’intérêts sans cesse croissante a lourdement plombé l’économie : il y a une décennie, les Grecs devaient rembourser annuellement neuf milliards d’euros pour payer les intérêts sur les prêts en cours. En 2010, cette charge dépassait les quinze milliards !

 

Tout a explosé en octobre 2009, lorsque les « deux Papas » de la social-démocratie grecque, le Premier ministre Georges Papandréou et son ministre des Finances, Georges Papakonstantinou, ont révélé que leurs prédécesseurs du parti de droite Nouvelle Démocratie avaient systématiquement présenté des chiffres faux, bien trop flatteurs sur la dette de l’État. En 2009, le déficit budgétaire de la Grèce se serait élevé à 12,7 %, au lieu de 3,7 % annoncés ! Les collègues Premiers ministres et ministres des autres pays européens ont prétendu que les Grecs avaient trompé presque tout le monde en Europe. Didier Reynders, de mémoire d’homme notre ministre des Finances, a, plus tard, humblement reconnu dans le journal financier françaisLa Tribune : « Dès l’entrée de la Grèce dans la zone euro en 2001, on savait que ses statistiques étaient faussées. »[8] Le New York Times a déclaré que deux grandes banques américaines, JPMorgan et Goldman Sachs, ont aidé pendant dix ans, et très « professionnellement », à dissimuler la véritable dette de la Grèce[9]. Et qui était, à cette période, vice-président et managing director de Goldman Sachs International ? Monsieur Mario Draghi, aujourd’hui président de… la Banque centrale européenne (BCE) ! Malgré le traficotage des chiffres grecs – dont Draghi avait dû être au courant (c’était sa banque, après tout…) –, Merkel, Sarkozy et d’autres dirigeants européens n’ont pas hésité à appuyer la nomination de Draghi à la nouvelle présidence de la BCE. Ils sont donc, clairement, des champions de la double morale. D’une main, ils agitent un index réprobateur pour faire la leçon aux falsificateurs des chiffres budgétaire de la Grèce. De l’autre, ils amènent en grande pompe à une des fonctions européennes les plus stratégiques le dirigeant majeur qui a contribué à cette falsification.

 

La volonté de la troïka fait loi

 

Après les révélations des deux Papas du Pasok, fin 2009, les marchés financiers se sont rués sur la Grèce comme le Minotaure sur la jeunesse athénienne. Immédiatement, les agences de notation ont abaissé la cote de solvabilité de la Grèce, de sorte que, pour Athènes, il est devenu plus cher d’emprunter de l’argent. L’intérêt sur ces emprunts a grimpé de plus en plus. Les spéculateurs visaient aussi la faillite de la Grèce. Ils ont acheté à grande échelle des credit default swaps, une sorte d’assurance qui rapporte beaucoup si la Grèce n’est plus en mesure de rembourser ses emprunts d’État.

 

Le 15 janvier 2010, Papandréou, dans ses petits souliers, introduit un premier plan auprès de la Commission européenne. C’est le plus grand plan d’austérité depuis les années 1950. Le Pacte de stabilité et de croissance de l’Union européenne détermine en effet que le déficit budgétaire de chaque pays-membre doit être limité à 3 %, et Papandréou se plie à cette norme. Il augmente la TVA, recule l’âge de la pension et coupe radicalement dans les services publics. Il promet aussi de s’attaquer à l’évasion fiscale. Les instances européennes donnent leur accord mais, en même temps, la Grèce est placée sous étroite surveillance de l’Union.

 

Le 3 mars 2010, le peuple grec riposte au plan de Papandréou. Ce jour-là, toute la Grèce est en ébullition. Les ports, les aéroports, les banques, la radio et la télévision, les écoles, les transports publics... tout est à l’arrêt. La Grèce descend dans la rue. Le Parlement doit, ce jour-là, approuver le plan. La Commission européenne, la Banque centrale européenne et le Fonds monétaire international menacent. La volonté de cette « troïka » fait loi. Sinon, pas d’aide. Georges Papakonstantinou conjure l’hémicycle de voter le plan draconien d’économies pour « regagner notre crédibilité sur les marchés ».


Partout en Europe, les gens en « costards chics taillés sur mesure » applaudissent avec enthousiasme. La nouvelle Dame de fer, Angela Merkel, est aux anges : « Nous sommes enchantés des mesures prises aujourd’hui par le gouvernement grec. C’est un signal très important pour que les marchés reprennent confiance en ce pays, mais aussi en l’euro. »[10]


L’Allemagne, les Pays-Bas et d’autres auraient préféré laisser la Grèce faire faillite. La population avait dans ce but été bien préparée : « 61% des Allemands sont contre tout soutien à la Grèce », annonce, en ce mois de mars 2010, la presse qui nage dans le sens du courant. Comment en irait-il autrement quand on serine pendant des semaines que le sauvetage de la Grèce coûtera des centaines d’euros aux familles allemandes ?


Mais les banques allemandes et les autres restent avec des milliards de reconnaissance de dettes grecques sur les bras. Non seulement les banques sont vulnérables, mais les assureurs et les fonds de pension aussi, dont beaucoup sont également exposés au « risque grec » en raison de leurs placements. Il y a, en outre, le risque d’un effet domino qui pourrait faire tomber à leur tour d’autres pays européens comme l’Irlande, le Portugal ou l’Espagne, voire l’Italie. Ce serait une catastrophe. Et, par conséquent, les plans de sauvetage européens se multiplient.


Le printemps 2010 n’apporte pas de changement. La position de la Grèce sur le marché des capitaux continue à empirer. Fin avril 2010, Georges Papandréou envoie un signal d’alarme depuis son île de vacances, Kastelorizo. La situation est si pénible qu’il implore à genoux l’Union européenne d’accorder de nouveaux crédits à son pays. Jean-Claude Trichet, encore président de la Banque centrale européenne, Dominique Strauss-Kahn, à l’époque toujours directeur du Fonds monétaire international (FMI), et José Manuel Barroso, président de la Commission européenne, exigent davantage de mesures d’économies draconiennes. « Faites payer les frais aux Grecs » est l’exigence de la troïka. Le réseau de la famille Latsis et d’autres richissimes Hellènes n’y sont probablement pas étrangers.

 

Entre-temps, les fonctionnaires du FMI, de l’Union européenne et de la BCE s’envolent vers Athènes pour concrétiser cette surveillance concurrentielle. Le 2 mai, Papandréou présente un nouveau paquet de mesures d’austérité. Un paquet de larmes et de sang. Les salaires des services publics sont diminués en moyenne de 10 %. La TVA est encore augmentée. Les rétributions des heures supplémentaires subissent une cure d’amaigrissement, tout comme les primes de Pâques, de Noël et les jours de congé, également pour tous les pensionnés. Il faut désormais avoir cotisé pendant 40 ans, au lieu de 37, pour avoir droit à une pension complète. La pension est dorénavant calculée sur la base des dix dernières années de carrière, au lieu des cinq années les mieux rémunérées. Pour la plupart des gens, la pension diminue fortement. Le salaire minimum tombe à 592 euros par mois. Trois jours plus tard, le 5 mai, les syndicats organisent une grève générale, la troisième en quelques mois. Papandréou fait le gros dos.

 

Irini en ressent très vite les conséquences. Elle a 29 ans et est enseignante. « Aujourd’hui, mon salaire a été versé sur mon compte, explique-t-elle. Pour la première fois, c’est un autre montant, à cause des mesures de Papandréou. J’ai calculé que j’aurai plus d’un mois de salaire en moins par année. C’est incroyable que l’enseignement soit à ce point touché. Pourquoi Papandréou ne s’en prend-il pas à d’autres secteurs ? Les riches armateurs, par exemple ? Ceux-là ne doivent-ils pas également contribuer ? »

 

Faire payer par les institutrices maternelles, les hôtesses de l’air, les agriculteurs, les employés de banque, les ouvriers du bâtiment, les vendeurs et vendeuses, les pensionnés une crise qu’ils n’ont pas provoquée, pour restaurer le confiance des marchés ? Pour beaucoup, la coupe est pleine. Ingeborg Beugel a fait le calcul : « Un enseignant gagne encore en moyenne, après la première vague d’économies de 2010, 800 euros par mois. De cela, 500 euros vont au loyer et autres charges fixes. Il reste 300 euros pour vivre. Comme enseignant, on ne peut presque pas se permettre de fonder une famille. Et comment une institutrice maternelle ou une hôtesse de l’air peuvent-elles se débrouiller avec un salaire de 650 euros par mois ? »[11]

 

La Deutsche Bank gagne du temps

 

Et pourtant, malgré le massacre social, l’attaque des marchés financiers sur la Grèce se poursuit. L’ambiance à Bruxelles est fébrile, début mai 2010. Réunions et de coups de téléphone pullulent. « Nous sommes dans une situation semblable au lendemain de la chute de Lehman Brothers » : cela sonne comme un cri d’alarme, ce vendredi 7 mai, au sommet européen des chefs d’État et Premiers ministres. « Il nous faut un accord avant l’ouverture des bourses asiatiques lundi matin. » Le sommet en fixe les grandes lignes le soir même. Une réunion extraordinaire des ministres des Finances européens doit encore en peaufiner les mesures d’exécution concrètes pendant le week-end. In extremis, un peu avant deux heures du matin, le lundi 10 mai, le résultat sort de la boîte.

 

Malgré la fatigue, le président de la Banque centrale européenne, Jean-Claude Trichet, reste droit comme un « i », ce lundi matin à trois heures et quart. Dans une déclaration concise, il fait savoir que la BCE procédera à l’achat massif d’obligations d’État des « pays à problème ». Pour les ultralibéraux, c’est un péché mortel. Ils sont d’avis que les banques centrales ne peuvent intervenir dans des problèmes budgétaires, pas même la BCE. Cela se passe quand même.

 

La BCE n’achètera pas directement auprès des pouvoirs publics de douteuses reconnaissances de dette des « pays à problème », mais bien sur le « marché secondaire », donc auprès des banques. Ainsi, celles-ci peuvent se débarrasser de leurs obligations pourries en échange de l’argent que la BCE fait imprimer. La BCE devient ainsi une bad bank, comme la Fed américaine l’est déjà.

 

La deuxième conclusion du sommet de mai consiste en la création par les pays de l’Union d’un fonds commun, le Fonds européen de stabilité financière (FESF). Ce FESF a le droit d’octroyer aux pays en difficulté des prêts qu’ils ne peuvent plus obtenir à des conditions acceptables sur les marchés financiers. Le FESF apportera ces prêts sous forme d’obligations sur le marché. Le mot « euro-obligation » ne peut être utilisé car les États-membres n’accordent pas de crédit direct aux pays en difficulté. C’est le FESF qui s’en charge. Les États-membres se portent garants de ces crédits. La Commission et la BCE présentent le FESF comme s’il était un instrument de dépannage pour les « pays en difficulté ». En fait, le FESF doit surtout empêcher que ces pays ne fassent trop vite faillite, parce qu’alors, les grandes banques subiraient d’énormes pertes par les obligations pourries de ces pays.

 

Début mai, l’Union européenne met aussi au point le « plan de sauvetage grec » de cent dix milliards d’euros. Une condition à l’octroi de ce paquet : le pouvoir de décision est transféré d’Athènes à la triple tutelle de la Commission européenne, de la BCE et du FMI, qui contribue également au financement. Quatre fois par an, cette troïka publie un rapport sur l’état d’avancement des réformes et des économies. Sans progrès satisfaisants, finis les prêts.

 

À côté de Jean-Claude Trichet, en ces jours de mai 2010, un autre banquier joue aussi, en coulisses, un rôle majeur : Josef Ackermann, PDG de la Deutsche Bank. Pour que ce soit clair, il s’agit d’une banque privée. Une des plus grandes au monde. Ackermann vise toujours des « rendements à deux chiffres » pour sa banque. La Grèce a beaucoup de dettes auprès des banques européennes, surtout en France et en Allemagne. Pour elles, ces créances douteuses et dangereuses se chiffrent en milliards d’euros. Si la Grèce fait faillite, elles ne reverront pas la couleur de leur argent. Et, donc, elles poussent activement à un plan de sauvetage. Mieux encore, elles rédigent ce plan elles-mêmes. Ackermann a pris cette tâche sur lui. C’est une « course contre la montre », écrit la chaîne publique allemande ARD sur son site Internet.

 

La chaîne annonce un reportage télé marquant de Monitor, le Questions à la Une allemand. Le titre : « Sauvetage grec coûteux, un habile coup de la Deutsche Bank ? » Le téléspectateur allemand peut jeter un petit coup d’œil derrière le décor[12].

 

Naturellement, durant la tempête de la crise financière de 2008, tout le monde avait promis que « les choses allaient changer ». Les pouvoirs publics gouverneraient à nouveau de manière indépendante, sans se sentir obligés de danser comme sifflent les banquiers et les spéculateurs. Mais, une fois la tempête calmée, la vie habituelle reprit son cours normal. Et, dans cette vie « normale », ce sont les Ackermann qui dictent les règles. Concernant la faillite grecque qui menace au printemps 2010, il importe surtout de gagner du temps. Ackermann fait la navette entre Berlin, Francfort et Athènes. Il s’entretient aussi régulièrement avec le ministre allemand des Finances Wolfgang Schäuble, pour mettre un plan de sauvetage à flot. C’est donc un directeur de banque qui donne la leçon au ministre des Finances. La Démocratie, c’est bien beau, mais pour les affaires sérieuses, c’est la Deutsche Bank qui fait la loi. Monitor montre qu’Ackermann a eu la main très lourde dans le « plan de sauvetage grec ». Ce plan devait d’abord et avant tout servir à gagner du temps. Temps pendant lequel les banques européennes et les assureurs pouvaient se débarrasser massivement de leurs intérêts grecs. L’émission de l’ARD concluait que le plan de sauvetage avait été « principalement utilisé pour rembourser les banques européennes, et pas pour maintenir la Grèce debout ».

 

Que la BCE achète désormais des obligations sur le marché secondaire – auprès des banques, donc – est un fameux coup de pouce ! Les représentants des banques à la City de Londres annoncent, le lendemain du sommet, le lundi 10 mai, que les institutions financières se débarrassent des obligations pourries – surtout grecques, portugaises et irlandaises – sur les banques centrales d’Allemagne et de France, en échange d’achat d’emprunts d’État sains, allemands ou britanniques[13].

À la fin avril 2010, les banques allemandes détenaient encore pour 16 milliards de prêts grecs. En février 2011, ce montant était réduit à 10 milliards. Dont seulement 1,6 milliard dans le portefeuille de la Deutsche Bank. Les banques françaises étaient moins rassurées : en février 2011, elles avaient encore presque 17 milliards de prêts grecs sur les bras. En Belgique, c’est surtout Dexia qui est resté exposé au risque grec, à concurrence de 5 milliards d’obligations pourries.

 

Le chantage printanier du big business

 

Le bon sens prédirait que la crise ne peut qu’aller en s’aggravant si d’énormes économies sont effectuées pour rembourser la dette de l’État grec. Il ne faut pas être docteur en économie pour comprendre que, quand on paralyse l’État, on appauvrit le peuple qui, à son tour, dépense moins et contribue involontairement à l’anémie de la machine économique. Les investisseurs se sont enfuis. En 2010, les importations grecques ont brusquement dégringolé d’un cinquième par rapport à l’année précédente, ce qui a également déprimé l’activité des pays fournisseurs de la Grèce. Par exemple, depuis 2008, les exportations belges vers la Grèce ont diminué d’un quart[14].

 

Entre-temps, la résistance en Grèce a continué d’enfler. En 2009, le gouvernement grec avait confié l’exploitation des routes nationales à des entreprises privées. Elles ont instauré des taxes routières très chères alors que, très souvent, il n’existait pas de routes parallèles alternatives. Le parcours entre Athènes en Thessalonique, par exemple, coûte désormais 45 euros. Les gens ont réagi avec colère et des comités « Nous ne payons pas ! » ont vu le jour. Les activistes de ces comités populaires ont enfilé des gilets de sécurité orange fluorescents, sont allés aux péages, y ont ouvert les barrières et ont laissé passer les automobilistes. Leur veste affichait l’inscription : « Désobéissance totale ». Sur leurs calicots : « Nous ne payons pas ! » et « Nous ne donnons pas d’argent aux banquiers étrangers ». Reconnaissants, les automobilistes passaient en levant le pouce. Début 2011, quatre automobilistes sur dix refusaient de payer la taxe routière et, à certains endroits, ils étaient huit sur dix[15].

 

Ainsi a commencé l’année 2011. Alors que les gens s’organisaient, les agences de notation ont dévalué la cote de solvabilité de la Grèce jusqu’au zéro absolu. Ils partent du principe que la Grèce ne sera pas en état de rembourser ses emprunts. Réduire les dépenses, ratiboiser les pensions, saigner les services publics, démanteler les emplois fixes, rogner sur les pécules de vacances et augmenter la TVA... Rien n’y fait. Les prêts à la Grèce deviennent encore plus chers, en raison des décisions des agences de notation. Nouvelle panique sur les marchés financiers. Les banques allemandes et françaises ont déjà pu se débarrasser d’un gros volume de « papier » grec, mais il leur en reste un bon paquet qui, désormais, ne vaut plus un clou.

 

Le 13 juin, le Financial Times annonce qu’un consortium de grandes banques insiste pour que, au prochain sommet européen, il faille obliger l’Union européenne à un buy-back, un rachat de la dette grecque, grâce à l’injection d’argent public par milliards. « Sans une action rapide, avertit le consortium, des pays comme l’Espagne et l’Italie pourraient plonger aussi. » Lisez bien : pour les grandes banques, il ne s’agit plus seulement de la Grèce, mais, surtout, d’enrayer l’effet domino que pourrait causer une faillite grecque.

 

Trends écrit : « En fait, les banques font du chantage auprès des pouvoirs publics : rachetez-nous les dettes, ou bien nous sèmerons la pagaille, et alors c’en sera fini de l’euro. »[16] Ces grandes banques n’hésitent pas à prendre toute l’Union européenne en otage. Lorsque, en 2008, nombre de banques européennes se sont retrouvées en difficulté parce qu’elles étaient exposées aux risque issus de la crise américaine des subprimes, les pouvoirs publics nationaux ont dû venir à leur secours. En 2011, avec les difficultés financières des États grec, portugais, italien, irlandais et espagnol, ces mêmes grandes banques appellent à nouveau à l’aide les pouvoirs publics – et, donc, le contribuable – à reprendre ces obligations d’État.

 

Le 21 juillet 2011, jour de notre pluvieuse fête nationale, le Conseil de l’Europe se réunit avec, en coulisses, la fine fleur des banquiers européens. Ce sommet parvient à un vague accord. Il y aura 109 milliards d’euros pour un nouveau financement « de la Grèce », plus un allongement de l’échéance de ces prêts de quinze à trente ans. Les banques contribueront « sur une base volontaire, pour 37 milliards d’euros ». En échange, la mainmise de la troïka sur le pays est encore renforcée : une taskforce se profile pour « donner une nouvelle impulsion à l’économie grecque ».

 

Soldes sur la mer Egée : on liquide !

 

En échange du nouveau « plan de sauvetage », à l’été 2011, la Grèce est contrainte à une vente massive de ses propriétés publiques. Les Grecs peuvent seulement garder l’Acropole, jusqu’à nouvel ordre. À part la vente des billets d’entrée, car ces rentrées sont privatisées. Comme tout le reste. À des prix cassés, le couteau sur la gorge. Le Pirée est stratégique comme port de marchandises, principalement pour les produits chinois. La troïka oblige la Grèce à mettre le port en vente en grande partie. Pour les entreprises allemandes et chinoises, il y a maintenant de bonnes affaires en Grèce : c’est la période des soldes. Les Grecs sont obligés d’organiser une braderie où des biens publics sont mis en vente pour quelque cinquante milliards d’euros. Le FMI envoie des conseillers à Athènes pour chaperonner le processus. L’affaire doit être bouclée en trois ans.

 

Une vingtaine d’entreprises publiques sont immédiatement mises en vente. La liste est discutée avec la troïka. La Deutsche Telekom AG en récolte le plus gros morceau. Elle va à nouveau acheter 10 % de participations dans l’OTE, la plus importante entreprise grecque de télécoms. Cela coûte à Deutsche Telekom quatre cents millions d’euros, un prix dérisoire. Les Allemands contrôlent ainsi quelque 40 % d’OTE. L’État grec ne possède plus que 10 % des participations. Les Allemands sont surtout intéressés par les réseaux mobiles d’OTE en Roumanie, Bulgarie et Albanie. Et par les 20 % de participations d’OTE dans les télécoms serbes. Deutsche Telekom fait ainsi une affaire en or dans sa conquête des Balkans.

 

Des parties de l’aéroport d’Athènes sont à vendre pour trois cent cinquante millions d’euros. Les grandes entreprises allemandes et chinoises sont en forte concurrence pour conclure cet achat et, de cette manière, contrôler l’aéroport jusqu’en 2046. Un quart du port du Pirée est à vendre, tout comme un quart du port de Thessalonique, un tiers de la Banque postale hellénique, 40 % de la compagnie des eaux de Thessalonique, la moitié du distributeur de gaz DEPA, un tiers du distributeur de gaz DESFA et 99,8 % du fabricant d’armes Hellenic Defense Systems. La Loterie nationale sera vendue à 100 %, tout comme les courses hippiques et la compagnie de chemin de fer TrainOSE.

 

En 2012, la poste grecque sera aussi en grande partie offerte à la vente, de même qu’un plus grand nombre de ports et les compagnies des eaux athéniennes. Idem pour la Banque agricole grecque, la compagnie pétrolière nationale, les aéroports régionaux et, probablement, les autoroutes, qui devraient être vendues dans les prochaines années.

Mais c’est compter sans la résistance. Dans quasiment tous les secteurs publics, les gens s’organisent avec les syndicats pour arrêter cette liquidation. Le service aux voyageurs du ministère belge des Affaires étrangères avertit même de ces actions : « Actuellement, des grèves et des manifestations ont régulièrement lieu, surtout dans les villes d’Athènes et de Thessalonique. Étant donné que les manifestations peuvent entraîner de la violence, il est déconseillé de se rendre dans les quartiers athéniens où celles-ci se déroulent, habituellement aux alentours du Parlement, Syntagma, Omonia ou Exarchia. Ces actions peuvent affecter les transports publics, sporadiquement le trafic aérien, les taxis, les hôpitaux, les pharmacies. »[17]

 

Les travailleurs, usagers et syndicats grecs refusent massivement la vague de privatisations, mais le Parti socialiste européen (PSE), dont font partie le PS et le sp.a, la soutient tenacement. Le président du PSE, Poul Nyrup Rasmussen, se déplace jusqu’à Athènes pour répéter qu’il n’y a pas d’autre solution. Les sociaux-démocrates doivent, selon lui, construire des ponts pour le futur. « Nous devons réaliser que nous devons construire des ponts avec l’avenir, sinon les autres décideront de l’avenir à notre place. »[18] Des ponts avec l’avenir ? Pas vraiment la métaphore adéquate lorsque le réseau routier grec est à vendre.

 

Pour défendre l’impulsion de la troïka et du Premier ministre Papandréou, certains sociaux-démocrates vont parfois très loin. La parlementaire du Pasok Elena Panaritis avance fièrement : « Margaret Thatcher a eu besoin de onze ans pour mener à bien ses réformes dans un pays qui connaissait de moins grands problèmes structurels. Notre programme a été mis sur pied il y a seulement quatorze mois ! »[19] Autrement dit : Papandréou fait mieux que Thatcher. Et pourtant, Philippe Moureaux, vice-président du PS, donne « 8/10 » à l’action de Papandréou quand il répond à Pascal Vrebos sur les plateaux du JT de RTL. Après que son camarade, le député européen Marc Tarabella, eut aussi vigoureusement pris la défense du Premier ministre grec, rejetant la responsabilité du marasme grec sur la seule droite de la Nouvelle Démocratie[20]. On peine à voir ce qu’il y a de socialiste dans cette politique.

 

« Chaque jour, des gens désespérés manifestent dans le centre d’Athènes, témoigne Ingeborg Beugel. Non, ils ne se dorent pas la pilule sur la plage en sirotant de l’ouzo. Le marché implose. Les revenus en baisse et les hausses d’impôts ne donnent rien : d’une vache tarie, il n’y a plus de lait à tirer. Tous les secteurs publics grecs doivent être privatisés, pas tellement pour aider les Grecs, pour rendre les institutions qui fonctionnent mal plus efficaces, mais parce qu’ils peuvent servir de garantie pour les banques européennes. Des revenus fortement rabotés et des impôts augmentés en combinaison avec des prêts extrêmement lourds ne mettent pas seulement une économie par terre, mais aussi la cohésion d’une société. »[21]

 

Le chômage des jeunes : 43 %

 

Les trois quarts des Grecs en dessous de 30 ans habitent de nouveau chez leurs parents. Hôtel Maman. « Cela marque toute une génération », observe Oreste Xanidis, un enseignant de 29 ans. Il habite encore chez ses parents. Il reçoit la visite d’une amie. Sa mère est à table avec eux. Oreste confie que, vu qu’il ne peut envisager d’avoir son propre logement, c’est une chance qu’il s’entende bien avec ses parents. « J’ai calculé, et ce n’est absolument pas possible, explique-t-il. Mon salaire est trop bas. Quelques amis ont bien essayé mais, à la fin du mois, ils étaient plus qu’à sec. Aussi longtemps que vous habitez chez vos parents, vous êtes leur enfant. Bien sûr, cela dépend d’une famille à l’autre, mais rester à la maison empêche beaucoup de jeunes de s’épanouir. Beaucoup de relations en souffrent aussi. Cela a également beaucoup à voir avec le fait que tant de gens n’ont pas d’emploi fixe. Alors, on a 30 ou 35 ans, mais on se sent comme si on en avait 22, l’âge des amourettes de vacances. Ces jeunes adultes n’ont tout simplement pas le sentiment qu’ils peuvent construire leur propre ménage et prendre vraiment leur vie en mains. »

 

Le syndicaliste Georges Skiadiotis raconte : « Toutes les lois qui protégeaient les travailleurs des secteurs public et privé sont en train d’être abolies. L’obligation d’accorder un salaire minimum a été, par exemple, supprimée. Depuis cette année, les employeurs peuvent embaucher des jeunes travailleurs pour 500 euros par mois, bien en dessous du salaire minimum, qui est de 750 euros. »[22]

 

Le nombre de suicides en Grèce a été multiplié par quatre en deux ans. En 2011, Un Grec sur quatre vivait en dessous du seuil de pauvreté, un sur cinq gagnait moins de 6 480 euros par an. Chez soixante mille familles, l’électricité a été coupée parce qu’elles ne pouvaient plus payer leur facture.

 

Beaucoup d’Albanais et de Bulgares qui travaillaient dans la construction sont retournés dans leur pays avec l’espoir d’y trouver de meilleures conditions de vie. Des milliers de jeunes diplômés grecs pensent déménager à l’étranger, en Allemagne, au Canada, en Australie, à Londres..., en quête d’un véritable avenir. Les médias parlent beaucoup de cette fuite des cerveaux, des rêves de départ de la jeunesse. Mais, entre le rêve et la réalité, il y a de la marge. Comme, par exemple, savoir qu’ailleurs non plus, on ne trouvera pas le paradis.

 

Le chiffre officiel du chômage en Grèce est de 16,5 %. En 2012, il grimpera à 22 %, selon les prévisions. Pour les moins de 25 ans, ce chiffre est même de 43,1 %.

 

En 2010, l’économie grecque s’est contractée de 4,5 %. En 2011, elle a encore perdu quelque 5 %, et une baisse supplémentaire de 2,5 % est attendue en 2012. « Il n’est pas nécessaire de connaître le mythe de Sisyphe pour voir que des mesures qui conduisent à -7 % de croissance ne réduisent pas le déficit. Il ne faut pas avoir lu Platon pour comprendre que diminuer de moitié les salaires et les pensions signifie que les gens ne seront plus en mesure de payer des taxes et des impôts exorbitants », écrit The Guardian[23].

 

La troïka étrangle la Grèce : une crise humanitaire

 

Celui qui, aujourd’hui, se promène dans Athènes, doit se frayer un chemin entre des milliers de pancartes rouges et vertes : « Enoikiazetai », à louer. Un tiers des 165 000 commerces ont déjà fermé. Beaucoup de ménages à deux revenus, qui, auparavant, pouvaient compter sur presque 3 000 euros mensuels, n’ont plus que deux fois 400 euros d’allocations de chômage, souvent payées avec des mois de retard. Le personnel hospitalier ne reçoit plus de salaire depuis des mois, et on le calme en promettant « l’année prochaine ». En septembre 2011, les personnes qui travaillent à l’Acropole n’avaient plus été payées depuis vingt-deux mois ! Lorsqu’elles ont protesté, ce n’est pas leur salaire qu’elles ont reçu, mais une autre rétribution : du gaz lacrymogène. Dans le privé également, les salaires tardifs s’accumulent. « Ils me doivent encore 3000 euros d’arriérés », s’énerve Margarita Koutalaki, qui travaille à temps partiel comme serveuse, pour 6,5 euros l’heure. Elle est divorcée et élève une fille de 11 ans.

 

Aux murs des écoles publiques, on trouve des affiches pour des réunions de parents sur le manque de livres scolaires. La plupart des écoliers n’ont plus que deux ou trois manuels. L’enseignement public n’en reçoit plus parce que les écoles ne peuvent plus en payer l’impression. Dans certains cas, les élèves disposent de leçons sur DVD.

 

Les abribus sont couverts de petites annonces pour des cours particuliers : biologie, anglais, espagnol, danse, jonglerie... c’est inimaginable. Comment survivre est LE sujet de toutes les conversations.

 

Günter Tews, avocat de la ville de Linz, en Autriche, qui possède une résidence secondaire à Athènes, ne peut plus le supporter. « Les Grecs sont saignés à blanc. C’est un génocide financier, lance-t-il. Où sont restés tous les crédits accordés ? Certainement pas parmi la population. Le peuple grec ne refuse pas de subir des restrictions mais il n’en est plus capable. Toutes les protections des travailleurs ont simplement disparu. La porte est grande ouverte à l’exploitation. Celui qui travaille toujours s’épuise à mort pour un salaire de famine. Lorsque des délégués de la troïka ou de l’UE vont déjeuner avec des politiciens grecs pour 300 euros par personne, on peut se poser la question : quand cette casserole à pression va-t-elle exploser ? »[24]

 

La troïka a également lancé un ultimatum à Athènes : en 2011, 310 millions d’euros devaient être économisés dans les soins de santé, et 1,43 milliard d’euros supplémentaires devront l’être les trois années suivantes. En Grèce, on ne compte déjà que 4,7 lits d’hôpital pour 1000 habitants – contre 6,8 en Belgique – et pourtant, ce nombre doit être réduit d’un tiers[25]. Le nombre d’hôpitaux publics va diminuer de 133 à 83. Depuis 2010, pour chaque visite, il faut payer 5 euros de ticket modérateur. Mais, heureusement, il existe pour l’instant certaines exceptions. « Une des mesures à venir est de supprimer ces exceptions au paiement de 5 euros, s’écrie le docteur Nikitis Kanakis, à la tête de Médecins du Monde Grèce, 5 euros, ça ne paraît pas beaucoup mais, pour des personnes aux très bas revenus, cette petite somme représente une grande partie de leur budget. En très peu de temps, on constate un changement inimaginable au sein de la population. La faim est de retour en Grèce. Certains enfants et personnes âgées présentent déjà des signes de sous-alimentation. C’est surtout le cas chez les migrants, mais aussi chez des citoyens grecs. Une crise humanitaire se développe dans ce pays, et personne ne veut le voir. »[26]

 

Les économies imposées par l’Union européenne amènent un nombre croissant de Grecs au suicide, à la drogue et à d’autres addictions, à la prostitution et à la dépression. Telle est la conclusion d’une étude de la très réputée revue médicale The Lancet  : « Nous constatons des tendances très inquiétantes, un doublement des cas de suicides, une hausse des homicides, une augmentation de 50 % des infections au virus HIV et des gens qui nous disent que leur santé a empiré mais qu’ils ne peuvent plus consulter de médecin, même s’ils devraient le faire », rapporte le sociologue David Stuckler[27].

 

On tire aussi la sonnette d’alarme chez Médecins sans Frontières, qui a créé un centre de soins en Grèce pour les réfugiés n’ayant pas accès au système de soins de santé. « Avec la croissance de la crise, nous apercevons les symptômes d’un plus grand problème, observe Apostolos Veizis, à la tête de MSF Grèce. En fait, nous constatons que des Grecs tout à fait ordinaires n’ont également plus accès aux soins de santé, et c’est la raison pour laquelle des organisations d’aide comme MSF agissent. Vous savez, dans certains secteurs des soins de santé, les budgets ont été réduits de 80%. »[28]

 

Le géant pharmaceutique suisse Roche a décidé de ne plus livrer de médicaments aux hôpitaux grecs, parce qu’il craint de ne pas être payé. Des médicaments importants contre le cancer ne sont dès lors plus disponibles[29]. Quand je lis cela, j’en ai le souffle coupé. J’ai perdu mon père du cancer l’an passé. Les médicaments contre le cancer et la chimiothérapie sont scandaleusement chers. Le cancer appauvrit les gens et enrichit les multinationales. Roche a enregistré, durant le premier semestre 2011, 4,5 milliards d’euros de bénéfice, via, entre autres, l’argent des gens atteints de cancer dans le monde entier. Les cancéreux grecs ont encore le choix de se rendre dans des hôpitaux privés, qui sont extrêmement chers. Tant d’immoralité donne la nausée aussi sûrement qu’une chimiothérapie.

 

« Notre monde est un nouveau monde »

 

Lorsque, le samedi 1er octobre 2011, j’entre chez mon marchand de journaux, je tombe en arrêt sur un gros titre à la Une du Financial Times  : « Strikes hit Greek rescue effort. » Traduction : les grèves affectent les efforts de sauvetage de la Grèce. De quoi s’agit-il ? Cette semaine-là, des fonctionnaires des ministères des Finances, de la Justice, de l’Agriculture et de l’Intérieur protestaient à Athènes contre la suppression supplémentaire de 30 000 d’entre eux, ces licenciements venant s’ajouter aux « dégraissages » précédents. C’en est assez, ont-ils tonné. Les bâtiments des ministères étaient déserts. Le blocus a empêché le ministre Evangelos Venizelos de recevoir une délégation de la Banque centrale européenne, de la Commission européenne et du FMI dans ses bureaux. Lorsque Venizelos est devenu ministre des Finances, il a déclaré : « J’abandonne le ministère de la Défense pour me consacrer désormais à la vraie guerre. »[30] La guerre de la troïka contre le peuple.

 

Les messieurs en costume de la troïka sont venus à Athènes pour contrôler si la Grèce avait pris suffisamment de mesures d’économie, et ils ont voulu, depuis le ministère des Finances, transmettre leur nouveau rapport au siège de la BCE, à Francfort. C’est là que l’on déciderait si le pays serait autorisé à recevoir une nouvelle tranche de huit milliards d’euros en prêts de sauvetage. Le blocus leur a mis des bâtons dans les roues. D’où le titre du Financial Times. Mais, interroge un chroniqueur belge, célèbre au Nord du pays, « autoriseriez-vous des voleurs à entrer lorsqu’ils frappent à votre porte ? ». C’est bien la question centrale : qui pille la Grèce, et qui la sauvera ?

 

« Athènes proclame sa détresse, les émeutes ont fait jusqu’à trente-sept morts, le gouvernement communiste fait appel à l’armée », titre à sa Une un journal boursier le 10 octobre 2011, lors d’une édition de politique-fiction sur les perspectives d’avenir de 2012. Et ce journal d’expliquer : « Même un gouvernement grec dirigé par des communistes arrivera vite au constat qu’il y a très peu de marges de manœuvre pour une alternative. » Voilà qui a un arrière-goût de persiflage cynique afin de détourner l’attention de ce qui se joue réellement aujourd’hui. Une élite politique classique qui condamne un peuple tout entier à la quasi-mendicité, pour servir une poignée d’armateurs, de millionnaires et de banques étrangères. Une élite politique de socialistes-caviar et de libéraux qui se servent à volonté, n’hésitant pas à envoyer les forces de police pour étouffer les protestations croissantes de la population. Le 20 octobre 2011, lorsque soixante mille militants syndicaux encerclent le Parlement pour empêcher les nouvelles coupes sombres projetées par Papandréou, Dimitris Kotzaridis, un travailleur du bâtiment et syndicaliste du PAME, meurt, étouffé, sur les marches du Parlement grec : ses poumons n’ont pas supporté le gaz lacrymogène.

 

« Ce ne sont pas nos dettes, le peuple n’est en aucun cas responsable » est un des slogans du parti communiste KKE, la troisième formation politique du pays. Et le KKE a bel et bien une solide alternative aux « remèdes » imposés aujourd’hui : « Il n’y a qu’une solution : les richesses qui se trouvent dans ce pays doivent devenir le patrimoine du peuple. Nous devons briser les chaînes qui nous lient à l’Union européenne et annuler unilatéralement la dette. Il n’existe pas de solution intermédiaire. » C’est ce que lance le président du KKE, Aleka Papariga, le 19 octobre 2011, à l’océan de manifestants qui occupent les rues d’Athènes. « Aujourd’hui, soit les travailleurs et les jeunes se laissent faire et paient la crise des banquiers et des monopoles, soit ils lèvent la tête et se battent. Nous ne paierons pas un seul euro de leur crise. Notre monde, ce n’est pas le capitalisme. Notre monde, c’est un nouveau monde, c’est le socialisme. »

 

Le KKE est une des forces motrices derrière la résistance, avec la plate-forme syndicale PAME. « Transformez votre colère en organisation » est la devise de cette plate-forme. Le PAME prépare les gens à une longue lutte. Ce n’est pas facile, même actuellement : seuls 16 % des travailleurs grecs sont syndiqués. Et beaucoup de gens ont peur d’un licenciement. Du matin au soir, on entend des avertissements aux grévistes, qui « apportent encore plus de problèmes au pays. »

 

Mais Georges Skiadiotis, une figure-phare du PAME, rayonne de détermination : « Nous constatons une plus grande participation des travailleurs ainsi qu’un plus grand nombre de luttes militantes, comme des occupations, etc. Et la solidarité est plus importante également. Le tournant a été la grande grève de décembre 2009. Ce mouvement de lutte n’a pas pu bloquer les attaques. Mais, sans cette résistance, la situation serait encore pire. Pour beaucoup de travailleurs, rejeter les mesures est une nécessité. Et ces luttes ont contribué à retarder l’application des mesures d’austérité. »

 

Le mercredi 19 octobre 2011, la vingtième grève générale met tout le pays à l’arrêt. Les médias grecs appellent cette action « la mère de toutes les grèves ». Tout le pays est bloqué, sauf les transports publics, qui amènent les activistes au centre des villes. Ils sont des centaines de milliers, un demi-million : « Nous ne leur devons rien, nous ne payons pas ! » Malgré cette gigantesque participation, Papandréou poursuit, au Parlement, le lancement des plus lourdes économies jamais mises sur pied. Dans les secteurs publics, et ceux qui sont pris en compte pour être privatisés, les salaires vont baisser jusqu’à 65 %. Les multinationales les recevront par après sur un plateau d’argent. Les conventions collectives de travail sont restreintes, de manière à ce que davantage de baisses de salaires soient possibles dans le privé. Et les petites entreprises peuvent désormais fonctionner sans conventions collectives. Le fossé entre population et gouvernants n’a jamais été aussi grand.

 

Le soir, nous organisons avec le KKE un rassemblement de solidarité devant le Parlement européen à Bruxelles, cent cinquante personnes sont présentes. La voix de Vangelis Katsiavas retentit dans notre mégaphone : « Les enfants ne reçoivent plus à manger à l’école et certains parents n’ont plus d’argent pour leur donner de pique-nique. Il arrive qu’ils s’évanouissent en classe. Papandréou nous dit que nous devons accepter ces mesures, sinon… nous tomberons dans la pauvreté. Mais le peuple grec y est déjà, dans la pauvreté ! Quoi qu’il arrive, le peuple dit : "Nous ne payerons pas la crise !" »

 

Je témoigne aussi de notre solidarité. Pas une solidarité avec le malheur, mais une solidarité dans la résistance, avec les gens qui refusent de servir de cobayes aux recettes de la pauvreté mitonnées par la troïka européenne.

 

Entre-temps, la crise s’est encore aggravée. Et le gouvernement Papandréou a été remplacé par un gouvernement « d’union nationale », dirigé par Papadémos, l’ancien gouverneur de la Banque de Grèce et ex vice-président de la Banque centrale européenne. Le Pasok gouverne ainsi avec la droite de la Nouvelle Démocratie et le parti d’extrême droite Laos.

 

Mais bien sûr, le peuple grec résiste. Et comment ! Prenez Kordelio, un petit faubourg de Thessalonique. Juste en face de la maison communale, le comité populaire a accroché un gigantesque calicot : « Nous ne payons pas ». Il s’agit d’une action contre la nouvelle taxe sur les logements. Dimitrios Otantzis est un des initiateurs. Il a travaillé quarante-sept ans aux Pays-Bas et est revenu en Grèce : « Nous avons commencé avec quelques camarades du KKE. Nous parlons aux gens pour leur expliquer ce qui est en train de se passer et tentons de les impliquer. Nous voulons bien payer notre facture d’électricité, mais pas la nouvelle taxe sur le logement, qui est perçue avec la même facture. Nous avons lancé une pétition et mis sur pied un comité populaire. Nous faisons toutes les rues, porte après porte. Notre comité croît de jour en jour. Le soir, nous nous réunissons au coin de la rue pour expliquer la situation, et appeler les gens à la grève générale de la semaine prochaine. »

 

Partout, on voit des actions organisées par les syndicats. Au niveau local aussi, comme dans cette laiterie de Melfgal Milk où un travailleur a été licencié. Le PAME n’a pas tardé à réagir. Les trois unités de Melfgal Milk ont été occupées jusqu’à ce que l’entreprise laitière revienne sur sa décision : un pour tous, tous pour un.

 

Dans les quartiers, sur le terrain, à la campagne, chez les jeunes et les étudiants, partout la résistance s’embrase. Le 25 septembre 2011, un groupe d’étudiants a interrompu la diffusion en direct du JT de la chaîne publique Net. Ils n’ont rien dit, ils ont simplement montré leur calicot : « Arrêtez de regarder et sortez protester ! »

 

Le 21 octobre 2011, The Guardian écrit : « La Grèce est coupée en deux. D’un côté, les politiciens, les banquiers, les fraudeurs fiscaux et les barons des médias, qui apportent leur soutien à la restructuration socialement et culturellement la plus dure et la plus injuste jamais vue en Europe occidentale. L’"autre" Grèce comprend l’impressionnante majorité de la population. Cela sautait hier aux yeux, lorsque plus de cinq cent mille personnes sont descendues dans la rue pour une des plus grandes manifestations jamais vues. L’action de protestation s’est terminée de manière tragique, avec la mort d’un syndicaliste. Les derniers petits restes de légitimité de ce gouvernement ont disparu, et le gouvernement lui-même disparaîtra bientôt. Le manque de démocratie dont souffrent tous les systèmes politiques du monde est devenu irréversible en Grèce. C’est la responsabilité de cette "autre" Grèce d’adopter une constitution de justice sociale et de démocratie pour le xxie siècle. C’est ce que la Grèce peut offrir au monde. »[31]

 

Ce n’est pas la Grèce qui est en crise, mais bien le capitalisme lui-même. Voilà, pour le célèbre professeur d’économie argentin Atilio Boron, l’idée fondamentale pour un appel à la résistance grecque, contre la tyrannie des « médecins » de l’économie libérale de marché. « La "crise grecque" est le symptôme le plus aigu de la crise générale du capitalisme, celle dont, depuis trois ans, les médias de la bourgeoisie et de l’impérialisme assurent qu’elle est en voie de dépassement, même si les choses vont de plus en plus mal. Le peuple grec, par la force de sa résistance, prouve qu’il est disposé à en finir avec un système qui n’est déjà plus viable à moyen terme. Peut-être la Grèce, qui inventa, il y a plus de deux mille cinq cents ans, la philosophie, la démocratie, le théâtre, la tragédie et tant d’autres choses, pourra-t-elle nous surprendre à nouveau et inventer la révolution anticapitaliste du xxie siècle ? »[32] En Grèce, le monde du passé et celui de l’avenir sont entrés en collision frontale.

 



[1] Khue Pham, « Wo ist das Geld der griechischen Reichen ? », Die Zeit, 5 juillet 2011. [2] Kristof Van Damme, « Ontspoorde staatsfinanciën in Griekenland », Vrede n°406, novembre-décembre 2010. [3] Radio1, « Bezuinigen op z’n Grieks », 26 mai 2011. [4] De Telegraaf, 30 juillet 2011. [5] DPA, 18 mai 2011. [6] Ingeborg Beugel, « Heus, Grieken werken 41 uur per week en zijn niet verder uit te persen », NRC, 28 mai 2011. [7] James Petras, « Pasok : Pan Hellenic Socialist Kleptocrats », 7 mai 2011 (http://petras.lahaine.org/?p=1866). 

[8] La Tribune, 19 juin 2011. [9] The New York Times, 13 février 2010. [10] Les Échos, 3 mars 2010. [11] Ingeborg Beugel, « Heus, Grieken werken 41 uur per week en zijn niet verder uit te persen », NRC, 28 mai 2011. [12] Reportage diffusé le 16 juin 2011.

[13] Frankfurter Allgemeine Zeitung, 15 mai 2010. [14] De Tijd, 9 juillet 2011. [15] « Vier von zehn Autofahrern zahlen nicht », Junge Welt, 28 janvier 2011, p. 8. [16] Trends, 12 juillet 2011. [17]Http ://diplomatie.belgium.be/fr/Services/voyager_a_letranger/conseils_par_pays/europe/grece/ra_griekenland.jsp.

[18] « PES leader addresses Pasok National Council », 6 mars 2011 (http://www.athensnews.gr/portal/8/38624). [19] Cité dans Alain Salles, « L’odyssée de Papandréou », Le Monde, 16 septembre 2011. [20] RTL-TVI, 6 novembre 2011. [21] Ingeborg Beugel, « Heus, Grieken werken 41 uur per week en zijn niet verder uit te persen », NRC, 28 mai 2011. [22] Solidaire, 24 octobre 2011.

[23] Costas Douzinas, « Greece’s lines now are clear », The Guardian, 20 octobre 2011. [24] Günter Tews, « Ein "finanzieller" Völkermord », Die Presse, 22 septembre 2011. [25] Chiffres de : Indicatoren voor Sociaal Beleid, Herman Deleeck,www.centrumvoorsociaalbeleid.be[26] Leigh Philips, « Ordinary Greeks turning to NGO’s as health system hit by austerity », EU Observer, 6 octobre 2011. [27] « Une étude dénonce les ravages de la crise sur la santé des Grecs », L’Humanité, 10 octobre 2011.

[28] Leigh Philips, ibidem. [29] « Pharmakonzern stoppt Lieferung an griechische Krankenhäuser », Der Spiegel Online, 17 septembre 2011. [30] « Kriegsminister des Tages : Evangelos Venizelos », Junge Welt, 27 juillet 2011, p. 8. [31] Costas Douzinas, « Greece’s lines now are clear », The Guardian, 20 octobre 2011. [32] Atilio Boron, « Ce n’est pas la Grèce qui est en crise, c’est le capitalisme », Cubadebate.cu, 25 juin 2011.source michelcollon

Première partie du texte

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20 février 2012 1 20 /02 /février /2012 06:04

 

 

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Nouvelles échauffourées à Athènes lors des manifestations

A la veille de la réunion de l'Eurogroupe pour éviter la faillite, les Grecs défilent dans la rue contre la rigueur.

"Nous avons honte de nos politiciens, et vous?" dit un panneau orange, "laissez-nous recréer la Grèce" ajoute un autre. (Kostas Tsironis - Sipa)

"Nous avons honte de nos politiciens, et vous?" dit un panneau orange, "laissez-nous recréer la Grèce" ajoute un autre. (Kostas Tsironis - Sipa)

La majorité des Grecs sont toujours attachés à "la perspective européenne" de leur pays, malgré les mesures d'austérité imposées par l'UE et le FMI, qui ont suscité de nouvelles manifestations dimanche 19 février à Athènes à la veille d'une réunion cruciale de la zone euro. 

Le Premier ministre Lucas Papademos s'est rendu dimanche soir à Bruxelles pour participer lundi à la réunion des ministres des Finances de la zone euro, qui devrait en principe avaliser le deuxième plan de sauvetage de la Grèce, vital pour le pays qui risque une faillite le mois prochain, a-t-on appris de sources européennes. Alors que les partenaires de la Grèce évoquent ouvertement une sortie du pays de l'euro, seuls 19,6% des Grecs interrogés dans un sondage publié dimanche par le journal Ethnos se sont prononcés pour le retour à la drachme, monnaie nationale du pays avant son adhésion à la zone euro en 2002.

Les trois-quarts (75,9%) s'affichent au contraire en faveur "de la perspective européenne" de leur pays et les deux-tiers (66,5%) souhaitent que le programme d'assainissement dicté par l'UE et le FMI réussisse. La publication de ce sondage intervient après une semaine de course contre la montre pour le gouvernement grec, qui, sous intense pression européenne, a finalisé de nouvelles mesures de rigueur dans le budget 2012, une des conditions préalables pour obtenir le déclenchement du deuxième plan de sauvetage.

Mesures drastiques

Ce plan comprend un prêt international de 130 milliards d'euros et un plan de restructuration et d'effacement de dette. Il est vital pour la Grèce, menacée de défaut de paiement le 20 mars, à l'échéance d'une obligation de 14,5 milliards d'euros. Mais les mesures drastiques de rigueur qui l'accompagnent ont suscité de nouvelles manifestations dimanche à Athènes devant le Parlement où environ 3.000 personnes ont participé à deux rassemblements différents, l'un en fin de matinée à l'appel des syndicats et le second dans l'après-midi organisé par la gauche radicale.

Un groupe de jeunes a jeté des pierres et des bouteilles en direction de policiers qui ont riposté en lançant des grenades lacrymogènes. De précédentes manifestations il y a une semaine avaient été marquées par des violences. Les banderoles critiquaient les coupes salariales, surtout la baisse de 22% du salaire minimum (740 euros actuellement), adoptées par le gouvernement de coalition réunissant la droite (Nouvelle-Démocratie) et les socialistes (Pasok). "Le consensus national est une combine, la pauvreté et la faim n'ont pas de nationalité" indiquait une banderole sous-titrée en anglais: "All of us we are Greeks, Merkel and Sarkozy are freaks" (nous sommes tous des Grecs, Sarkozy et Merkel sont des monstres).

"Boucs émissaires"

Mais alors que selon le sondage d'Ethnos huit personnes sur dix attribuent la responsabilité de la situation du pays "aux gouvernements grecs" et seulement 6,1% "aux Européens et au FMI", certains certains manifestants traduisaient une prise de conscience des changements jugés nécessaires pour le pays.

Ainsi Phevos Iliopoulos, consultant, dit que les mesures "ont un impact profond sur la façon dont fonctionne la société". Mais selon lui, "si les Grecs trouvent les moyens d'améliorer leur manière de travailler, alors il n'y a aucun doute qu'ils seront capables d'avancer et qu'ils tourneront cette page sombre de leur histoire."

Des propos qui font écho à ceux de la Commissaire européenne à la Justice Viviane Reding selon laquelle la Grèce devrait arrêter de chercher des "boucs émissaires" à l'étranger pour expliquer ses propres problèmes et travailler davantage pour reconstruire son Etat et se sortir de sa situation économique désastreuse. "J'ai bon espoir que (les ministres des Finances) parviennent à un accord sur le plan (de sauvetage). Mais assorti de certaines conditions. L'argent ne doit pas être déversé dans un puits sans fond," a dit la responsable européenne au journal autrichien Kurier.

«Dernier round pour l’accord»


Samedi, le conseil des ministres grec a approuvé des coupes supplémentaires dans les retraites principales et complémentaires pour combler un trou de 325 millions d'euros dans le budget de 2012, comme l'exigeait UE et FMI. Un projet de loi sur le sujet doit être débattu au parlement la semaine prochaine, les retraites principales supérieures à 1.300 euros par mois seront réduites de 12%.

"Il y a un optimisme dans la mesure où tout ce qu'on nous a réclamé a été fait et la troïka (UE-BCE-FMI) l'a approuvé", avait jugé samedi le porte-parole du gouvernement Pantélis Kapsis. Il a toutefois reconnu que "la discussion serait très difficile car il y a plusieurs avis". "Dernier round pour l'accord", avertissait de son côté dimanche le journal libéral Kathimérini.

 source nouvelobs
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 La crise, entre implosion et explosion

 

L’explication courante de la crise en zone euro ? La faute aux "mauvais élèves" méridionaux ! La faute à l’endettement public ! Cela ne tient pas route. Pire, ce type d’analyse, de signature européenne, conduit droit au mur. Il faut aller aux faits. Décodage.

C’est aussi la conséquence de l’analyse de la crise économique établie par les instances européennes. Pour elles, en poursuivant ses objectifs stratégiques de compétitivité, l’économie de l’Union est parfaitement saine. Seuls quelques points noirs récurrents sont à relever, comme l’endettement excessif de quelques États. La récession a mis en lumière leurs effets négatifs et donc la nécessité absolue de les régler au plus vite.

 

Ennemi public n°1 : la dette publique

Telle est donc l’analyse de la Commission européenne, début 2011 : "l’Union européenne reste une zone en bonne santé [même si], sa croissance économique a été faible lors de la dernière décennie". Las ! Il y a eu de mauvaises élèves : "Plusieurs États membres ont dévié des principes fondamentaux dans la bonne gestion d’une politique fiscale prudente et les déséquilibres macroéconomiques ont continué à s’approfondir." [1]

Il en a résulté tout au long de 2011 des procédures de plus en plus strictes et sévères imposées par l’Union, en particulier aux pays de la zone euro.

La Commission s’en explique : "La crise économique et financière a exacerbé la pression sur les finances publiques des États de l’Union européenne. Aujourd’hui, 23 des 27 pays [2] se retrouvent dans ce qui est appelé « la procédure de déficit excessif », un mécanisme établi dans les traités obligeant les pays à garder leur déficit budgétaire sous les 3% du PIB [3] et leur dette publique sous les 60% du PIB (ou, tout au moins, avoir une trajectoire suffisamment déclinante pour les atteindre). Les États membres [concernés] doivent impérativement suivre les recommandations et les échéances du Conseil européen pour corriger leur déficit excessif." [4]

Les dispositions prises dans ce cadre de correction budgétaire consistent actuellement en :

- une surveillance préalable sur les budgets nationaux par la Commission qui les approuve avant adoption par les pays membres ;

- une procédure de déficit excessif lancée automatiquement par la Commission dès que le déficit budgétaire dépasse les 3% du PIB autorisés, sauf s’il y a un vote à la majorité qualifiée pour annuler la décision [5] ;

- l’obligation pour le gouvernement "fautif" de prendre des mesures pour éponger le déficit, sous contrôle étroit de la Commission ;

- des sanctions financières en cas de refus ou de non-application des dispositions correctives par le dépôt d’un montant fixé à 0,2% du PIB, portant intérêt ; en cas de non-respect ultérieur, ces intérêts sont confisqués par l’Union ;

- la mise en place d’un système d’alerte en cas de déséquilibres macroéconomiques, fondé sur dix indicateurs (pouvant varier dans le temps).

Il est intéressant de noter que tous les sommets européens traitent depuis deux ans essentiellement de deux sujets : création d’outils permettant le financement ou le renouvellement des dettes pour les États en difficulté financière et renforcement des mesures du pacte de stabilité et de croissance, qui, comme son nom ne l’indique pas vraiment, n’a de yeux que pour la dette publique et le déficit budgétaire.

Pour la relance de l’emploi et le redémarrage économique - qui devrait être essentiel lors d’une crise -, les autorités européennes font une confiance aveugle à leur projet d’Europe 2020, qui ne fait que prolonger la stratégie de Lisbonne, dont l’échec est patent [6]. En outre, c’est une orientation axée uniquement sur la compétitivité. Il faudrait expliquer comment on peut sortir d’une crise en prenant des parts de marché (qui, par définition, ne peuvent jamais dépasser les 100%) sur les autres (qui sont aussi en crise).

Le problème majeur aux yeux des responsables européens est la dette publique, ou plutôt la dette devenue subitement "souveraine", comme pour dire qu’elle engage tous les citoyens du pays et qu’ils doivent tous y pallier. Mais en est-il bien ainsi ?

 

La valse des modèles européens

Une petite analyse rétrospective s’impose. Quelles sont la situation et l’évolution de ces deux paramètres que sont la dette publique et le déficit budgétaire pour les pays européens ? Et concentrons-nous sur les États qui connaissent le plus de difficultés actuellement, les PIIGS ou GIPSI, de la première lettre du nom (en anglais) des cinq nations visées : Portugal, Irlande, Italie, Grèce et Espagne.

Le graphique 1 porte sur le rapport entre la dette publique et le PIB. Selon les règles du pacte de stabilité et de croissance, déterminés à Maastricht en décembre 1991, ce ratio ne devrait pas être situé au-dessus des 60% du PIB (c’est-à-dire au-dessus de la ligne jaune).

Graphique 1. Evolution de la dette publique comparée au PIB des PIIGS et de la zone euro (12 pays) 1991-2013 (en %)

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Source : Calculs sur base d’AMECO, Dettes publiques brutes et PIB à prix courants : http://ec.europa.eu/economy_finance....

 

Note : Les chiffres de 2011 à 2013 sont des prévisions.

En réalité, pour trois pays de la zone euro, ce critère n’a jamais été respecté : la Grèce, l’Italie et la Belgique. Au moment d’entrer dans la monnaie unique (1999-2001), les autorités européennes ont admis le trio à condition qu’il dégage de façon régulière des excédents budgétaires pour réduire progressivement leur endettement. Le gouvernement belge a obtempéré et a diminué son ratio de 135 à 84% entre 1993 et 2007. Mais, comme le montre le graphique, les dirigeants italiens et grecs n’ont pas été aussi assidus. Athènes a même engagé la banque d’affaires américaine Goldman Sachs pour présenter des comptes conformes aux dispositions formelles des traités européens, mais truqués.

Néanmoins, les trois autres États dans la tourmente sont restés globalement dans les normes. Le Portugal n’excède qu’à partir de 2005. Quant à Madrid et Dublin, ce sont des modèles de vertu : 25% pour l’Irlande et 36% pour l’Espagne en 2007. Franchement, rien à voir avec des gouvernements déviants ayant des problèmes structurels d’endettement public avant la crise et que la récession aurait aggravé.

Le constat est identique pour le rapport entre déficit budgétaire et PIB, présenté par le graphique 2. Nous avons placé une ligne grise en pointillé pour indiquer le seuil des 3% de déficit à ne pas dépasser normalement.

Graphique 2. Evolution du déficit budgétaire par rapport au PIB pour les PIIGS et la zone euro (12 pays) 1995-2013 (en %)

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Source : Calculs sur base d’AMECO, Recettes et dépenses publiques et PIB à prix courants : http://ec.europa.eu/economy_finance....

 

Note : Les chiffres de 2011 à 2013 sont des prévisions.

Ici, il n’y a qu’un gouvernement de façon permanente en "faute" : celui d’Athènes. Certes, Rome devait engendrer des excédents ; il flirte généralement avec le seuil des 3% de déficit budgétaire. Lisbonne est aussi un adepte de la position de l’équilibriste, étant généralement un peu au-dessus de la norme. C’est très limite, mais pas fautif.

En revanche, les deux autres États méritent à nouveau d’être cités en exemple. L’Irlande est quasiment excédentaire depuis 1996, avec une pointe en 2000 et un solde positif équivalent à 4,75%. C’est presque aussi bon pour l’Espagne qui, depuis 2000, est proche de l’équilibre et même excédentaire en 2006 avec 2,4% du PIB.

En conclusion, sur les cinq pays concernés, seule la Grèce est véritablement critiquable sur la base des critères eux-mêmes contestables de Maastricht. L’Italie et le Portugal sont au niveau de la moyenne des autres États membres de la zone euro. Madrid et Dublin constituent même des modèles. Ce sont eux d’ailleurs qui créent le plus d’emploi, ont la croissance économique la plus élevée et la plus dynamique de l’Union. Quand on demandait aux responsables européens ce que devait constituer l’avenir de l’Europe, ils pouvaient répondre avec fierté : "Allez voir le tigre celtique ou le lion ibérique". L’affirmation comme quoi la crise a révélé les problèmes structurels d’endettement public de certains États membres n’a de fondement que dans le cas de la Grèce. Mais, d’un seul pays, peut-on tirer un bilan d’ensemble ?

Les graphiques soulignent un autre phénomène, que les responsables européens négligent systématiquement : la rapidité de la dégradation née de la crise. A partir de 2008, les situations de l’Irlande et de l’Espagne deviennent rapidement catastrophiques. Leur dette publique grimpe de façon vertigineuse, dépassant rapidement les normes européennes. Leur déficit budgétaire s’approfondit à un niveau exceptionnel. La question devrait être dès lors : comment des pays qui respectaient le mieux les critères ont pu se transformer en ceux qui, pratiquement, s’en écartent le plus, dès que la crise arrive ?

 

La dette, bien public ou privé ?

Les autorités européennes stigmatisent les gouvernements grecs et italiens, car ils représentent les cas les plus proches de ce qu’ils veulent faire passer : une stratégie saine et bénéfique, celle de la compétitivité, et des pays "gredins" qui n’ont jamais respecté ces critères et qui sont donc punis par les marchés financiers. Mais intéressons-nous aux autres cas, qui en sont la réplique directement inverse : des États qui correspondaient le mieux à cette politique, qui engrangeaient les succès et, puis, qui sont précipités à une allure vertigineuse dans le précipice.

Dans un premier temps, nous avons repris l’évolution de la dette privée des ménages des principaux pays européens. Cela nous donne le graphique 3, en rapportant le crédit obtenu au PIB pour permettre d’en discerner la hausse ou la baisse relative.

Graphique 3. Evolution de la dette des ménages par rapport au PIB des pays européens 1995-2010 (en %)

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Source : Calculs sur base d’Eurostat, Compte des secteurs, Ménages, Crédit financiers engagés : http://appsso.eurostat.ec.europa.eu....

 

Note : Les données de l’Irlande et du Royaume Uni sont non consolidées. Les autres le sont. Les données ne commencent qu’en 1995 et en 2001 pour l’Irlande.

On observe une progression quasi constante pour tous les pays, sauf pour l’Allemagne où l’endettement privé a tendance à diminuer à partir de 2000. En réalité, outre-Rhin, les emprunts engagés par les particuliers restent aux environs de 1.500 milliards d’euros à partir de cette date.

En revanche, la dette des Pays-Bas et de la Grande-Bretagne, qui se trouvent à hauteur de l’Allemagne en 1995, ne cesse de grimper depuis lors pour dépasser les 100% du PIB. Mais ce qui est symptomatique est la vitesse à laquelle les crédits aux familles (dans lesquels dominent généralement les prêts hypothécaires) augmentent au Portugal, en Espagne, en Grèce et en Irlande (même si nous ne pouvons pas remonter avant 2001).

Nous avons repris ces données à trois dates clés : 1995, 2001 et 2010 pour les principaux pays de la zone euro. Nous en avons tiré le tableau 1.

Tableau 1. Evolution de la dette des ménages par rapport au PIB des pays européens 1995, 2001 et 2010 (en %)

  1995 2001 2010 Hausse 2001-2010
Zone euro (17 pays) 41,7 49,0 63,3 14,3
Belgique 36,4 38,0 53,1 15,1
Allemagne 61,2 72,4 61,6 -10,8
France 35,2 36,0 55,1 19,2
Italie 18,6 24,8 45,0 20,2
Autriche 41,9 47,4 56,8 9,4
Pays-Bas 58,9 89,7 127,1 37,4
Royaume-Uni 64,3 74,9 99,2 24,3
Irlande   49,6 118,9 69,3
Grèce 5,7 17,0 60,7 43,7
Espagne 32,2 48,1 85,7 37,6
Portugal 26,1 63,1 95,4 32,3

Source : Voir graphique précédent.
Note : La hausse est la différence entre le pourcentage de 2010 et celui de 2001.

On voit que la hausse perceptible à la fin des années 90 s’accélère au siècle suivant. En ne reprenant que cette dernière décennie, on constate que la croissance est particulièrement forte pour l’Irlande, la Grèce, l’Espagne, les Pays-Bas et le Portugal. En quinze ans, la dette grecque est plus que décuplée par rapport au PIB. Les pays du sud qui avaient une dette faible se retrouvent avec une dette privée assez importante.

On peut remarquer un développement parallèle en ce qui concerne l’endettement des entreprises non financières [7]. Nous avons repris l’évolution de ces crédits rapportés au PIB pour les PIIGS ainsi que, pour permettre la comparaison, celle de l’Allemagne et de la zone euro (17 pays).

Graphique 4. Évolution de la dette des entreprises non financières par rapport au PIB des pays européens 1995-2010 (en %)

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Source : Calculs sur base d’Eurostat, Compte des secteurs, Sociétés non financières, Crédit financiers engagés :http://appsso.eurostat.ec.europa.eu....

 

Note : Les données de l’Irlande sont non consolidées. Les autres le sont. Les données ne commencent qu’en 2001 pour l’Irlande.

Notons une progression particulièrement importante de ces prêts aux entreprises pour tous les pays (et donc pour la zone euro), sauf pour l’Allemagne. De nouveau, depuis 2000, les emprunts des firmes outre-Rhin restent constants à près de 1.100 milliards d’euros.

Les mêmes données pour les PIIGS explosent. Il n’est pas inintéressant de voir que les crédits aux firmes sont, en fin de période, au-dessus de la moyenne de la zone euro pour l’Irlande, l’Espagne, le Portugal et l’Italie, alors qu’en général ils étaient en dessous en 1995. Même, pour la Grèce qui part d’un niveau relativement peu élevé, la progression est forte.

Pour résumer, nous avons établi les taux de croissance annuels moyens des différentes dettes (celles des ménages, des entreprises et des pouvoirs publics) dans la période précédant la crise, soit entre 2001 et 2008. On obtient ainsi le tableau 2.

Tableau 2. Comparaison de la hausse annuelle moyenne de la dette des ménages et de la dette publique dans les pays européens entre 2001 et 2008 (en %)

  Ménages Firmes Etat
Zone euro 17 6,9 6,9 4,3
Belgique 8,1 6,2 1,6
Allemagne 0,0 0,6 4,1
Irlande 19,4 14,8 9,8
Grèce 25,4 10,6 8,2
Espagne 15,8 17,0 2,1
France 8,8 6,5 6,4
Italie 10,8 7,6 3,0
Pays-Bas 8,4 3,5 6,3
Autriche 6,2 4,1 3,4
Portugal 9,4 4,8 8,7
Slovénie 15,5 17,7 4,4
Slovaquie 41,9 18,2 6,9
Finlande 12,0 9,3 0,9
Royaume-Uni 3,1 4,6 3,8
Zone euro sans Allemagne 10,9 8,9 4,4

Source : Voir graphique précédent.

Pour presque tous les pays européens, la progression de l’endettement privé, que ce soit celui des ménages ou des entreprises, est beaucoup plus rapide que celui de l’Etat. La seule exception notable est celle de l’Allemagne, où la dette privée ne croît quasiment pas en termes absolus, alors que les emprunts des pouvoirs publics augmentent de plus de 4% par an en moyenne. Notons aussi qu’aux Pays-Bas, la dette publique grimpe plus vite que celle des firmes et, pour la Grande-Bretagne, que celle des particuliers.

Mais, s’il fallait s’en prendre à des gouvernements qui ont laissé filer leurs finances publiques, on pourrait sans doute épingler l’Irlande, le Portugal et la Grèce, tout en rappelant que le crédit privé a crû encore plus rapidement. On pourrait sans doute joindre la Slovaquie, la France et les Pays-Bas, à qui on ne reproche encore rien aujourd’hui. Mais aussi l’Allemagne dont l’envolée des emprunts publics dépasse nettement celle de deux États mis au rancart par la crise, l’Espagne et l’Italie.

Nous avons ajouté une ligne sur les statistiques de la zone euro, en ôtant l’Allemagne. Les différences sont encore plus notoires. La dette publique croîtrait à peu près au même rythme que la zone à 17 pays. Par contre, les prêts aux entreprises augmenteraient de 8,9% par an, soit deux fois plus vite que ceux accordés aux pouvoirs publics. Et les crédits aux ménages grimperaient de 10,9% par an en moyenne.

Tout cela mène à plusieurs conclusions. D’abord, la dette privée a connu un essor infiniment plus intense que l’endettement public, sauf pour l’Allemagne. Alors, pourquoi mettre en exergue le dérapage public et pas celui du privé ? Seul Berlin présente des comptes inversés : arrêt des prêts au privé, mais croissance continue de ceux accordés aux pouvoirs publics. Comment peut-on raconter que le gouvernement allemand a été économe en matière de finances publiques ? Ce constat prouve d’ailleurs que le problème de la dégradation des comptes provient de l’emballement de la dette privée et non pas de celui de la dette publique.

De cette manière, les responsables européens se trompent complètement de cible, lorsqu’ils pointent l’endettement de l’Etat comme étant problématique. D’ailleurs, l’emprunt des autorités américaines et japonaises excède largement ceux des États européens : environ 100% du PIB pour les États-Unis et 210% pour l’archipel nippon. Cela ne les empêche pas de bénéficier de taux d’intérêt relativement faibles. Les critères du traité de Maastricht et du pacte de stabilité et de croissance ont et conservent un degré d’arbitraire et d’absurdité dont il serait bon de se dégager. Lire la suite (...)

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16 février 2012 4 16 /02 /février /2012 08:06

Grâce à l’Europe, la Grèce n’a plus besoin de colonels pour s’imposer la dictature


Dans la nuit du 12 au 13 janvier, le parlement grec a donc, contre sa rue, contre son peuple, et à une incroyable majorité adopté un énième « plan de rigueur » imposé par la troïka UE, BCE et FMI.

De « gauche » comme de « droite », en bons petits soldats au service d’une Europe technocratique désormais devenue complètement folle et rampant devant un Veau d’Or rebaptisé Euro, sourds aux protestations du peuple qu’ils sont pourtant censés représenter et défendre et piteusement protégés de sa colère et de son désespoir par des milliers de policiers qui ont noyé les rues d’Athènes sous les lacrymogènes dans une atmosphère de guerre civile, les députés grecs ont donc avalisé un énième plan de rigueur imposé par leurs créanciers, mais aussi et peut-être surtout, par l’Allemagne d’Angela Merkel, désormais ouvertement devenue le gauleiter de l’Europe de Bruxelles.

Ce nouveau plan d’une brutalité inouïe s’ajoute à tous les précédents plans d’austérité qui se sont succédés depuis mai 2010 en Grèce, plans à chaque fois présentés comme étant « le bon », le dernier, et qui ont jusqu’à la nausée accumulé hausses d’impôts, baisses des salaires et des retraites, licenciements et privatisations forcées, au nom d’une doxa économique destructrice qui plonge la Grèce, berceau historique de la démocratie, dans un désespoir sans fond et une régression sociale sans précédent.

Le dernier « plan de sauvetage » prévoit un nouvel abaissement de 22 % du salaire minimum, ramené cette fois à 586 euros brut, la suppression dans l’année de quinze mille emplois publics, de nouvelles coupes dans les retraites et dans les salaires des fonctionnaires, la réduction du budget de la sécurité sociale et de l’armée ainsi que la privatisation des dernières entreprises d’état, ou l’échange d’obligations avec les créanciers privés pour réduire la dette souveraine à 120 % du PIB d’ici à 2020. Ce nouveau remède de cheval annonce donc dix -et bien plus probablement vingt- années de récession, de misère et de privations sans le moindre espoir d’embellie pour le peuple hellène.

Depuis le premier plan de « sauvetage », la dette grecque est pourtant passée de 263 milliards en 2008 à 355 milliards en 2011. Le PIB s’est effondré de 233 milliards à 218 milliards. Le chômage a explosé de 8% à 18%. La récession est massive, et avec un taux d’intérêt officiel à 32%, il va de soi que la Grèce ne peut absolument plus se financer sur les marchés financiers. L’Euro tue la Grèce, mais la Grèce doit coûte que coûte demeurer dans l’Euro !

La dictature bancaire s’est donc aujourd’hui mise en marche dans l’UE, au service d’un mécanisme de destruction sociale implacable, régit et motivé par un délire spéculateur cynique et broyeur de peuples que s’interdisent bien-sûr de dénoncer et encore plus de combattre ceux là même qui l’on provoqué. Car pour accomplir cette tâche apocalyptique, l’UE a tout osé, y compris mettre à la tête des pays les plus en difficulté, les artisans zélés du désastre qui nous fait face.

Quand l’UE nous impose ses pompiers pyromanes

Mario Draghi, directeur de la Banque centrale européenne, Mario Monti nouveau Président désigné par l’oligarchie au poste de Président du Conseil italien et Lucas Papademos, Premier Ministre grec non élu ont un point commun : tous trois sont directement issus de ce système bancaire cynique et impitoyable, ils font partie des principaux concepteurs -enthousiastes- de la machine infernale qui nous a plongés dans la crise effroyable où nous sommes aujourd’hui.

Mario Draghi, qui, après avoir siégé dans nombre de conseils d’administration de banques, fut vice-président pour l’Europe de Goldman Sachs, de 2002 à 2006. Avant de devenir gouverneur de la Banque d’Italie, puis aujourd’hui donc directeur de la BCE, en charge d’administrer la purge d’austérité aveugle que l’Europe inflige à la Grèce, avant de l’imposer au Portugal, à l’Irlande, à l’Italie, à l’Espagne, et bientôt, n’en doutons pas un instant, à la France.

Mario Monti est lui aussi un ancien de Goldman Sachs. Après avoir été commissaire européen de 1994 à 2004 -et donc tout comme son compatriote Draghi aux affaires lors de la naissance de l’Euro et de la définition totalement irresponsable de sa zone monétaire- il fut nommé conseiller international… de Goldman Sachs en 2005 ! Pour services rendus, sans doute !

Goldman Sachs, qui permit donc à la Grèce, on le sait aujourd’hui, et moyennant une rétribution de 300 millions d’euros, de mentir lors de la présentation de ses dettes et déficit à l’époque de son « examen d’entrée » dans la zone Euro, l’aidant à falsifier très largement ses comptes notamment par la levée de fonds hors bilan et par le biais du tristement fameux produit financier “swap”.

Lucas Papademos n’est pas plus étranger à cette grande manipulation politico-financière. Car s’il n’a pas travaillé directement pour Goldman Sachs, il fut bien de 1994 à 2002 le gouverneur de la banque centrale de Grèce. Il participa donc à ce titre activement à cette gigantesque falsification financière.

Aujourd’hui donc, l’Europe de Bruxelles récompense -en les désignant quasiment par décret impérial- ceux-là même qui sont le plus directement responsables du désastre ! Les responsables sont honorés et promus ! Les plus eurosceptiques d’entre nous pouvaient-ils seulement imaginer une telle ignominie ? Pareille indécence ?

Acculée à la catastrophe, au bord du gouffre, la technostructure européenne se couche devant l’ « orthodoxie » allemande, et ira donc jusqu’au bout de sa folie dogmatique, de sa croyance irrationnelle et destructrice, quitte à hâter le cataclysme politique et social qui menace l’Union. Aucune éclair de lucidité, aucun examen de conscience n’est à attendre de cette oligarchie autiste et bornée, désormais totalement hors sol, qui préfèrera broyer les peuples européens et peut-être les plonger dans le chaos plutôt que de reconnaître ses erreurs. Car l’Europe des fameux « pères fondateurs », soit disant crée pour ne plus jamais voir la guerre sur notre continent, est sans doute aujourd’hui en train de la rendre à nouveau possible… La misère engendre la colère, et de la colère naissent bien vite la haine et la violence.

Pour Bruxelles, il est bien-sûr capital que la Grèce reste, et quel qu’en soit le prix, dans l’Euro. En effet, si celle-ci en sortait, et qu’après deux ou trois années bien-sûr difficiles, elle parvenait à entrevoir une issue, refaisant même -qui sait ?- au lobby bancaire et au FMI le coup de l’argentine en se rétablissant spectaculairement, ce serait la fin inévitable de l’Europe technocratique et irrationnelle que nous ont imposée nos élites mondialisées.

Peuples d’Europe, relevez-vous !

Nous en arrivons aujourd’hui sans doute au moment décisif, à l’instant crucial pour enfin pouvoir contrer cet empire « orwellien » que veut nous imposer la technostructure européiste. Les laisserons-nous encore longtemps aller plus avant dans leur folie ?

Le salut des Nations n’est sans doute plus envisageable que dans la rue, avec tous les débordements que cela peut hélas entraîner. Il faudra bien que les peuples d’Europe se réveillent, et en masse, pour signifier enfin l’arrêt de cette partie mortifère. Qu’ils congédient ces oligarques irresponsables, ces renégats qui ont en leur nom mais souvent contre leur volonté, droite et gauche lamentablement confondues, voulu et façonné année après année, renoncement après renoncement, ce système infernal qui nous broie.

Oui, la dictature est bien aujourd’hui de retour en Grèce… Elle n’est plus militaire, mais bien financière. Sa capacité de nuisance et de destruction en est peut-être encore plus grande. Pour le reste de l’Europe, cette Europe de « la concurrence libre et non faussée », elle est déjà largement en route. Rappelons-nous du référendum sur la Constitution Européenne et de la forfaiture avalisée par la quasi-totalité de nos députés, UMP, PS, Modem, ratifiant contre l’avis clairement exprimé du peuple français souverain le Traité de Lisbonne.

 Souhaitons donc ardemment que partout en Europe, les peuples, enfin, relèvent la tête… Il en est encore temps !

=source agoravox.

 

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 Le plan d'austérité imposé à la Grèce divise le Parlement européen

 

Seance Pleniere. Intervention de Guy Verhofstadt, President du groupe ADLE Copyright Reuters
Seance Pleniere. Intervention de Guy Verhofstadt, President du groupe ADLE Copyright ReutersSeance Pleniere. Intervention de Guy Verhofstadt, President du groupe ADLE Copyright Reuters


La gauche s'indigne de la dureté des mesures imposées aux Grecs. Une critique qui trouve certains relais à droite. Mario Monti met en garde contre l'idée d'une "exclusion" d'Athènes. Pour la Commission, il n'y a pas d'alternative.


" Oui, on a demandé une diminution des salaires et des pensions. Mais vous avez une alternative ? Le défaut ? Une faillite ? Le Parlement grec l'a très bien compris ". Le vice-président de la Commission européenne, Maros Sefcovic, est quelque peu sorti de ses gonds mercredi devant le Parlement européen, après une salve de critiques à l'encontre des mesures de rigueur draconiennes imposées à Athènes par la troïka de créanciers internationaux. La crise grecque et l'austérité qui règne un peu partout dans l'UE ont donné lieu mercredi à un échange de vues musclé dans l'hémicycle de Strasbourg entre partisans et défenseurs de la rigueur. A cette occasion, l'eurodéputé vert Daniel Cohn-Bendit a tiré à boulets rouges sur les fonctionnaires et membres de la Commission européenne, accusés de mettre "une pression inacceptable" sur le peuple grec en échange d'une aide financière. "Si ce sont les talibans néo-libéraux qui règnent en Europe, alors c'est mal parti!", a fait valoir Cohn-Bendit. "La troïka agit de façon criminelle en Grèce en lui imposant toujours plus de mesures d'austérité. On ne peut pas mettre en permanence ce peuple à genoux", a ajouté l'ancien leader de mai 68.


Une sortie qui n'a pas plu au commissaire slovaque, qui a rétorqué qu'il n'y a pas de " talibans néo-libéraux à la Commission, mais des fonctionnaires qui travaillent dur pour éviter une banqueroute de la Grèce ". Ces fonctionnaires travaillent "jour et nuit, sans pause estivale et sans congé" dans ce but et "la Grèce n'a pas d'allié plus proche que la Commission", a ajouté Sefcovic. Ce dernier a rappelé " l'effort de solidarité sans précédent" de l'Europe, qui a investi "au total plus de 300 milliards d'euros" pour secourir la Grèce.


Si les propos de Daniel Cohn-Bendit ont été jugés excessifs par beaucoup, il n'en reste pas moins que le cas grec continue à susciter de nombreux commentaires. Le groupe socialiste a ainsi annoncé l'envoi en Grèce d'une "troïka alternative", composée de trois membres, chargée de proposer un "autre programme" pour réduire le déficit, en particulier en "luttant véritablement contre l'évasion fiscale". Dans les rangs des groupes des libéraux et des conservateurs, les conditions dans lesquelles sont imposées les mesures d'austérité à Athènes ne font pas non plus l'unanimité. L'UE "essaie d'imposer la stabilité par la force. C'est en contradiction avec tout ce qui a été fait sur ce continent depuis 1950", s'est inquiétée la libérale française Sylvie Goulard. Le chef de groupe des conservateurs (PPE), Joseph Daul, a pour sa part jugé "très insuffisantes" les mesures de relance promises par les instances européennes pour contrebalancer les coupes budgétaires.


Toute l'ambigüité du problème grec a sans doute été résumée lors de l'intervention du chef du gouvernement italien, Mario Monti, qui était lui aussi présent à Strasbourg. Ce dernier a reçu un concert de louanges de la part des eurodéputés, qui ont salué ses efforts pour redresser les finances publiques italiennes. Lors de son intervention devant la plénière, l'ancien commissaire européen a admis que la cure d'austérité réclamée aux Grecs était du jamais vu en Europe, mais qu'elle faisait suite à des décennies de gabegie politique également sans équivalents. "La dureté avec laquelle la Grèce est traitée aujourd'hui peut nous pousser à considérer cela comme exagéré, et ça l'est probablement. Mais il ne faut pas oublier que les politiques menées en Grèce pendant de nombreuses années ont été un catalogue parfait des pires pratiques en Europe", a-t-il lancé. Mario Monti a toutefois mis en garde contre la tentation de sanctionner Athènes et d'exclure la Grèce de la zone euro. "Nous ne pouvons pas nous permettre que l'euro devienne un facteur de désagrégation et de séparation entre citoyens européens. Ce risque existe", a-t-il conclu.

source : latribune

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15 février 2012 3 15 /02 /février /2012 06:52
Nouveau report d'une aide cruciale de la zone euro (synthèse)

 

La zone euro a décidé mardi de reporter à nouveau un déblocage d'une aide cruciale pour éviter une faillite de la Grèce, Athènes n'ayant pas rempli à temps toutes les conditions, alors que certaines voix s'élèvent pour évoquer une sortie du pays de la monnaie commune.

 

"Il semble que de nouveaux travaux techniques doivent encore être réalisés entre la Grèce et la troïka" qui rassemble les principaux bailleurs de fond du pays, et ce "dans plusieurs domaines", a expliqué mardi soir le chef de file des ministres des Finances de la zone euro, Jean-Claude Juncker.

 

Du coup, une réunion de leur forum de l'Eurogroupe, initialement prévue mercredi à Bruxelles pour approuver le plan de sauvetage, a été annulée et remplacée par une simple conférence téléphonique. La décision a été repoussée à lundi.

 

Athènes espérait pourtant s'assurer dès mercredi soir un feu vert pour une aide sans précédent de 230 milliards d'euros en deux volets, prévue en échange de mesures drastiques d'austérité et de réformes: 100 milliards d'euros d'effacement de dette par les banques et 130 milliards d'aide publique.

 

Le vote dimanche par le parlement grec du programme d'austérité exigé par ses créanciers publics avait levé un premier obstacle. Mais Athènes devait aussi trouver avant mercredi 325 millions d'euros d'économies supplémentaires dans son budget 2012 et les dirigeants des partis grecs au pouvoir devaient s'engager par écrit à mettre en oeuvre les réformes après les élections d'avril.

 

PROCESSUS PLUS LONG QUE PRÉVU

 

Or, après une réunion mardi de hauts fonctionnaires de la zone euro destinée à préparer l'Eurogroupe, il est apparu que le trou de 325 millions d'euros n'était pas bouché de manière convaincante, selon une source ayant participé à la discussion.

 

"Le processus est plus long que prévu, tous les éléments ne sont pas encore en place", dit-elle à l'AFP.

 

Par ailleurs, "je n'ai pas reçu les garanties par écrit des chefs de la coalition au pouvoir en Grèce concernant la mise en place du programme d'austérité", a souligné M. Juncker.

 

A Athènes, le gouvernement grec entend décider "dans les prochains jours" des économies supplémentaires de 325 millions d'euros réclamées par les créanciers. Selon des médias grecs, une partie de cette somme proviendra d'une réduction d'environ 10% des salaires des régimes spéciaux (militaires, policiers, juges, diplomates, universitaires, etc.) et une autre d'une réduction du budget des ministères, dont celui de la Défense.

 

ON ATTEND L'ANALYSE DE LA TROÏKA

 

Concernant l'engagement écrit des socialiste et de la droite pour s'assurer qu'ils tiendront parole sur les réformes, y compris après les élections législatives prévues en avril, il "sera prêt mercredi", selon une source au ministère des Finances. Mais c'est trop tard pour plusieurs pays européens qui préfèrent attendre lundi pour trancher.

 

Dernier problème: La troïka n'a toujours pas remis aux ministres de l'Eurogroupe son analyse de la soutenabilité de la dette grecque, selon une source proche des négociations. Le projet de sauvetage du pays dans son ensemble - plan d'austérité, réduction de dette et renflouement financier - vise à ramener la dette publique de la Grèce à 120% du produit intérieur brut, contre 160% du PIB aujourd'hui.

 

Mais les discussions achoppent notamment sur le niveau de participation de la Banque centrale européenne à l'opération d'allègement de la dette d'Athènes, pour compléter l'effort des créanciers privés, ainsi que sur ses modalités.

 

Il y a aussi un désaccord sur le fait de savoir s'il faut conserver l'objectif d'un niveau d'endettement public grec ramené à 120% ou si l'on peut le laisser atteindre un niveau plus élevé, par exemple 125%. "Il y a les fétichistes du 120% qui n'en démordent pas", en particulier les Pays-Bas, l'Allemagne et la Finlande", dit une source proche des négociations.

 

La prochaine échéance est dont lundi avec la réunion de l'Eurogroupe à Bruxelles, programmée de longue date. Selon la source, "on est encore dans les clous" pour espérer éviter un défaut de paiement en mars".

 

14,5 MRD EUR À REMBOURSER AU 20 MARS

 

Mais, avertit un autre négociateur, les reports à répétition de l'aide à la Grèce deviennent inquiétants. "A croire qu'on veut aller vers le défaut de paiement sans le dire...", dit-il à l'AFP.

 

Pour éviter la banqueroute, Athènes doit absolument rembourser le 20 mars 14,5 milliards d'euros de créances, et obtenir le feu vert de ses partenaires au plan d'aide, qui représente un effort combiné supérieur à la richesse nationale annuelle produite par la Grèce (212 milliards d'euros attendus en 2012).

 

Un défaut de paiement grec aurait "des conséquences dévastatrices", non seulement pour Athènes, mais pour l'Europe entière, a mis en garde mardi le commissaire européen aux Affaires économiques Olli Rehn.

 

Mais le ministre luxembourgeois des Finances, Luc Frieden, n'a pas hésité à laisser entendre que la Grèce pourrait être exclue de la zone euro si elle ne tenait pas ses promesses de réformes et de réduction du déficit budgétaire.

 

"S'ils ne font pas tout cela, je pense qu'alors nous devrons continuer avec 16 pays" dans l'Union monétaire, a-t-il dit. "S'ils ne le font pas, je pense qu'ils s'excluent eux-mêmes de la zone euro", a-t-il insisté.

source romandie

 

 

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 Le scénario catastrophe grec


Selon une étude très argumentée d'un spécialiste grec des relations internationales, en cas de faillite, Athènes pourrait tourner le dos à la fois à l’Europe et même à l’OTAN.

Des gaz lacrymogènes autour du parlement grec. REUTERS/Panagiotis Tzamaros

- Des gaz lacrymogènes autour du parlement grec. REUTERS/Panagiotis Tzamaros -

 

Quelles seraient les conséquences géopolitiques d’une faillite de la Grèce? Dans un long article très argumenté, le professeur Thanos Dokos, directeur général de la fondation ELIAMEP (Fondation hellénique pour la politique européenne et étrangère), l’équivalent grec de l’IFRI (Institut Français des Relations Internationales), envisage le pire.

L’opinion publique grecque, dégoûtée, se détournerait de l’Europe, et même de l’Alliance atlantique et regarderait vers l’est, en particulier vers la Russie et la Chine. Elle reprendrait goût aux solutions autoritaires. Le flanc sud de l’OTAN serait déstabilisé. Les incidents se multiplieraient entre navires grecs et turcs sur fond de rivalité pour l’exploration des ressources de pétrole et de gaz en mer Egée. La tension monterait à nouveau à Chypre. Athènes et Ankara, membres de l’OTAN, seraient, comme dans les années 1990, au bord de la guerre.

«Déséspérés et humiliés»

Ce scénario catastrophe est le moins probable, explique le professeur Thanos Dokos. Et pourtant, il est possible, si la récession se poursuit, si la Grèce quitte la zone euro et l’Union européenne, et si les Grecs, désespérés et humiliés, ne voient plus leurs avenir en Europe, ni même dans le modèle démocratique occidental. Cela fait beaucoup d’hypothèses, comme on voit. L’article du professeur Dokos, intitulé«Qui a perdu la Grèce?», publié mercredi 14 février à Athènes, compte une vingtaine de pages.

«On a du mal à imaginer un Etat membre de l’Union européenne et de l’OTAN devenir faible au point de ne plus pouvoir fonctionner en tant qu’Etat. Cela n’arrivera très probablement pas à la Grèce. C’est cependant une hypothèse à envisager si aucune solution n’est en vue après des années de forte récession. Voir la Grèce adopter une politique étrangère ultra-nationaliste et une politique intérieure d’extrême droite n’est pas le scénario le plus probable, mais ne peut plus l’écarter», écrit-il.

«Si la crise continue, sans qu’apparaissent des signes d’amélioration, la capacité du gouvernement grec à remplir ses obligations vis-à-vis de ses partenaires européens et de l’OTAN sera en sérieux danger. Dans ce scénario, la Grèce pourrait être forcée de quitter la zone euro et, dans la foulée, l’Union européenne, obtenant ainsi le douteux honneur d’être le premier pays à quitter ces deux institutions. L’humiliation qui en résulterait pourrait réveiller et renforcer les forces ultra-nationalistes», écrit-il encore.

Tensions avec la Turquie et recours au grand frère orthodoxe russe

L’opinion publique grecque n’a pas de tropisme particulier pour l’autocritique. Elle n’apprécie guère l’image que lui renvoient ses partenaires européens. Elle pourrait donc, en désespoir de cause en quelque sorte, blâmer l’Europe en général, et les Allemands en particulier, pour l’état désastreux dans lequel se trouve le pays. C’est évidemment absurde, mais la colère et l’humiliation ne sont pas de bonnes conseillères.

Le propos du professeur Thanos est le suivant. Voilà ce qui ne se passera probablement pas, mais qui pourrait éventuellement se produire si tous, le moment venu, jouent la plus mauvaise carte. Les Grecs attribueraient alors leurs malheurs à «la pulsion hégémonique de l’Allemagne en Europe», à «la guerre des monnaies entre le dollar et l’euro», à «l’avidité de la sphère financière anglo-saxonne».

Certains d’entre eux se tourneraient vers la Russie, pays de religion orthodoxe comme la Grèce ou vers la Chine, deuxième puissance économique mondiale, à qui tout semble réussir. Deux pays à régime autoritaire. Cette attitude permettrait de soulager un peu l’humiliation ressentie par l’ensemble des Grecs. Thanos Dokos, lui-même professeur, n’emploie pas cette métaphore, mais elle vient spontanément à l’auteur de ces lignes. L’Europe nous traite de mauvais élève et même de délinquant? Joignons le club des mauvais élèves et des délinquants!

Un futur gouvernement grec très à droite et ultra-nationaliste pourrait ainsi, dans la pire des hypothèses, selon le professeur Dokos, accorder des facilités navales, y compris celles de la baie de Souda, en Crète, à des pays comme la Chine au risque de s’aliéner le commandement de l’OTAN. Les relations gréco-turques pourraient en revenir à ce qu’elles étaient dans les années 1990. Les incidents se multiplieraient en mer Egée, en particulier autour de l’exploration des gisements de pétrole et de gaz sous-marins. Cela paralyserait le flanc sud de l’OTAN et rouvrirait les tensions à Chypre. Les accrochages navals à propos des hydrocarbures en mer Egée pourraient amener la Grèce et la Turquie au bord de la guerre.

La Grèce ferait désormais figure de pays instable, en proie de surcroît à un regain de criminalité. La presse américaine a déjà fait mention de rumeurs de coups d’Etat militaires. «Le simple fait d’évoquer la possibilité d’un coup d’Etat militaire en dit long sur la gravité de la situation. Nous n’en sommes heureusement pas là et beaucoup peut être fait pour éviter un tel développement». C’est ainsi que le professeur Dokos conclut son scénario catastrophe.

Le professeur Dokos n'est pas un prophète de malheur. Il est docteur en relations internationales de l’Université de Cambridge (Grande-Bretagne). Il est spécialiste des questions militaires et stratégiques. Il a travaillé, à Athènes, au ministère de la défense et à celui des affaires étrangères. Il est actuellement directeur général de la fondation ELIAMEP.

par Dominique Dhombres   late.fr/story

 

 

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«Il n'y a aucun futur ici»

L'Ecole polytechnique d'Athènes est l'un des centres de la mobilisation étudiante contre les politiques d'austérité en Grèce. Les étudiants racontent leur colère, mais surtout leur pessimisme vis-à-vis de l'avenir.

Mémorial des étudiants de l'école Polytechnique d'Athènes tués par la junte en 1973. (Photo Dominique Albertini)

Sur une pelouse de l'Ecole polytechnique d'Athènes sont exposés deux battants de portail rouillés et tordus. C'est un étudiant, Odysseus, 20 ans, qui interprète le monument pour le visiteur étranger : «En 1973, l'école s'est soulevée contre la junte militaire. Les chars sont entrés par cette porte pour écraser le mouvement. Il y a eu 30 morts

Selon l'étudiant en architecture, ce souvenir explique en partie pourquoi l'Ecole polytechnique est traditionnellement plus politisée que les autres. Il est vrai qu'elle est l'un des centres de la mobilisation étudiante contre les politiques d'austérité imposées au gouvernement grec par ses créanciers. Dans la cour, dans les couloirs, tags et affiches – tendance anarchiste majoritaire – appellent à la résistance. «Pourtant, même ici, ce n'est pas toujours facile de mobiliser», soupire Odysseus.

Beaucoup d'étudiants étaient pourtant présents, dimanche, aux alentours de la place Syntagma. «C'était comme une petite guerre, assure l'un d'eux. Des gaz partout, du feu, des charges de police.» Mais en dépit de cet engagement, ce sont les expressions «no hope»«no future» qui reviennent le plus souvent. «Dans la rue, on croise des sans-abris tous les deux mètres, les vols se multiplient, on ne se sent plus en sécurité nulle part, lance Olga, étudiante en architecture. On aime notre pays, mais il n'y a tout simplement aucun futur ici.»


Dans les couloirs de l'école Polytechnique d'Athènes. (Photo D.A.)

 

Même ton pessimiste chez Sofia, étudiante en sciences politiques, qui déchiffre une affiche anarchiste dans la cour de l'école. Son avenir, elle en est sûre, n'est pas en Grèce : «Je ne veux pas rester ici et gagner 350 euros par mois. Je veux partir ailleurs en Europe, ou peut-être en Australie.» La crise, elle en voit les effets sur ses parents : «Ils ont un petit magasin et ils se réveillent anxieux tous les matins car ils ne savent pas s'ils pourront payer leurs dettes. Quant à moi, je vis avec avec mon frère, et nous avons dû déménager dans un appartement plus petit où nous dormons tous les deux dans la même pièce.»

Assis près la grille de l'école, Brigoris pense à trouver un travail en plus de ses études d'ingéniérie civile : «Mon père a un café. Il gagne environ 300 euros par jour, ce qui n'est rien avec ses frais, et il a un énorme prêt à rembourser. Il peut m'aider pour la nourriture, mais c'est tout.» Lui aussi est convaincu que son futur diplôme ne débouchera sur aucun travail. «Il n'y a pas d'espoir. Pas de plan pour le pays. Je veux bien croire en l'Europe, mais, de cette manière, il n'y aucun futur pour nous. Nous allons devenir les Balkans de la zone euro.»

(Photo D.A.)

 

Les exigences européennes sont largement dénoncées. «Que Merkel essaie de vivre avec 400 euros par mois», lance l'un. Dans une autre université, on a même entendu que c'est plutôt l'Allemagne qui avait une dette vis-à-vis de la Grèce : «Le désastre de la Seconde Guerre mondiale n'a-t-il pas coûté beaucoup plus cher que la dette grecque

Mais les étudiants de Polytechnique sont au moins aussi sévères vis-à-vis de la classe politique locale. «Ce gouvernement, et ses prédécesseurs, sont des voleurs, lance Dionisis, étudiant en architecture. L'argent qu'ils ont reçu de l'Europe, ils l'ont gaspillé, et il n'a profité qu'aux plus riches.» A ses côtés, son amie Adrianna, aimerait voir «plus de solidarité entre les gens pauvres de tous les pays européens.»

La perspective des prochaines élections, attendues pour avril, ne suscite aucun enthousiasme. L'Europe, certains disent y tenir, d'autres moins. Domine le sentiment que ni celle-ci, ni le scrutin à venir, n'offriront un meilleur avenir à la Grèce et à ses jeunes.

source liberation

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14 février 2012 2 14 /02 /février /2012 04:58
Livre :   Naomi Klein,  La Stratégie du choc, la montée d'un capitalisme du désastre 


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L'UE toujours sceptique après l'adoption du plan de rigueur

 

L'adoption d'un nouveau plan de rigueur a provoqué de violentes manifestions, dimanche soir dans le centre d'Athènes.

 

Si l'adoption d'un nouveau plan de rigueur en Grèce a donné lieu à de violentes manifestations dans les rues de la capitale, elle suscite au contraire la satisfaction chez les représentants de l'Union européenne. Steffen Seibert, le porte-parole de la chancelière allemande, Angela Merkel, a salué "expressément" lundi le vote du Parlement grec de nouvelles mesures d'économies, dimanche soir, vote qui selon lui "démontre la bonne volonté de la Grèce à entreprendre des réformes difficiles".

Il a souligné que, pour l'Allemagne, très critiquée en Grèce par les manifestants, il ne s'agissait pas "d'économiser pour économiser", mais de "libérer les forces productives" grecques. Profitant de l'occasion pour justifier la politique rigoriste imposée par l'Union européenne, M. Seibert a ajouté que "si les privatisations(promises par le gouvernement grec) allaient plus vite, il y aurait sûrement plus d'investissements".

UNE "AVANCÉE CRUCIALE" POUR L'UNION EUROPÉENNE

De son côté, la Commission européenne voit dans ce vote une "avancée cruciale"vers l'octroi, en contrepartie, de prêts de 130 milliards d'euros et vers l'effacement d'une partie de la dette du pays.

Le commissaire aux affaires économiques européen, Olli Rehn, s'est par ailleurs dit "confiant dans le fait que les autres conditions" imposées par la zone euro à Athènes en échange d'une deuxième tranche d'aide "seraient remplies d'ici à l'Eurogroupe de mercredi 15 février", date de la réunion au cours de laquelle les ministres des finances européens doivent décider d'octroyer ou non leur feu vert au nouveau plan de soutien en faveur d'Athènes. Un accord sur la participation du secteur privé à la restructuration de la dette grecque pourrait par ailleurs êtreannoncé après la réunion de l'Eurogroupe mercredi, selon des sources proches des négociations.

D'ici là, Athènes doit trouver 325 millions d'euros d'économies supplémentaires dans le budget 2012 et obtenir la promesse écrite des partis politiques qu'ils appliqueront le programme après les élections anticipées, prévues au printemps.

"NOUS SOMMES ENCORE LOIN DU BUT"

Deux conditions qui ne sont toujours pas remplies. C'est pourquoi le ministre de l'économie allemand, Philipp Rösler, tient à rester prudent. "Il faut attendre de voirce qui viendra ensuite", a-t-il déclaré lundi, à la télévision allemande. "Nous avons effectué un pas dans la bonne direction mais nous sommes encore loin du but", a-t-il ajouté. De son côté, le ministre des affaires étrangères autrichien, Michael Spindelegger, se montrait plus sévère, estimant qu'"adopter le plan d'austérité est une chose, l'appliquer en est une autre".

La perspective d'élections législatives en avril, dont la tenue a été confirmée lundi par le porte-parole du gouvernement, explique les réticences des partis grecs àendosser des mesures très impopulaires et les craintes de l'Europe de ne pas lesvoir appliquées.lemonde

 

______________________________________________________Reportage

Rigueur : les Grecs répondent à l’Europe par le feu

Centre-ville en flammes, guérilla, violences policières : alors que les activistes et les familles manifestaient, le Parlement a voté un nouveau plan d'austérité. Reportage.

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Des policiers près d'un bâtiment en flammes à Athènes, le 12 février 2012 (Panayiotis Tzamaros/Reuters)

 

(D'Athènes) Lacrymos, Molotov, matraques et incendies : dimanche, autour du Parlement grec, la manifestation du début d'après-midi a tourné en guérilla urbaine avant même le coucher du soleil, jusqu'au chaos au milieu de la nuit.

L'Eglise orthodoxe huée, ça commence fort

Dès le début de l'après-midi, une foule très familiale, dont beaucoup de personnes âgées – ceux qui ont connu la dictature des colonels et sa chute en 1973 – peuplait la place Syntagma. Le Parlement discutait d'une nouvelle cure d'austérité censée économiser 3,3 milliards d'euros en rabotant un peu plus le salaire minimum, porté à 586 euros brut sur quatorze mois, et la fonction publique de 15 000 emplois.

Parmi les syndicats et sous un soleil inattendu, le cortège des prêtres orthodoxes défilait sous des huées excitées. Traditionnellement intouchable, la faillite économique du pays met en danger l'assise de l'Eglise orthodoxe et de ses prêtres salariés par l'Etat comme fonctionnaires.

Mais apparemment, personne ne croit en l'effectivité des mesures annoncées en mars 2010 visant à imposer l'Eglise sur ses propriétés foncières, estimées à 130 000 hectares, et sur ses dons et legs en espèces. Quelques jeunes ont commencé à lancer des boulettes de papiers sur les prêtres, avant que d'autres ne les retiennent.

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Le compositeur et ancien ministre Mikis Theodorakis, qui manifestait dimanche, victime des gaz lacrymogènes (Stefosis via Twitter)

La routine des gaz lacrymogènes

Je n'ai pas tout de suite compris pourquoi la moitié de la foule – 80 000 personnes selon la police – portait des lunettes de piscine, des masques à gaz ou avait le visage peinturluré de blanc.

Dès 17 heures, les forces anti-émeutes bombardent généreusement la vaste place Syntagma de gaz lacrymogènes, par grenades ou par armes à propulsion. Puis les ruelles adjacentes, rendant la foule captive en bloquant les sorties. Ensuite les stations de métro les plus proches, sur le même principe.

A travers les vitres des quelques cafés ouverts, les télévisions locales montrent des images d'incendie et de vandalisme, et alarment contre le vol d'armes à feu dans des boutiques cambriolées par les « violents manifestants anarchistes ».

Pendant ce temps, les manifestants, toutes générations confondues, cèdent peu à la panique et semblent rompus aux attaques lacrymogènes, souvent doublées ou triplées à quelques secondes d'intervalle dans les petites ruelles. Lorsqu'elles sont suffisamment loin, la foule applaudit et siffle comme au théâtre – c'est l'ironie grecque, m'explique-t-on.

LES AFFRONTEMENTS À ATHÈNES . Le 12 février 2012

De près, on rigole moins. La police bombarde à vue au milieu des attroupements, les gaz prennent aux yeux et à la gorge et il faut surtout faire attention à ne pas piétiner des enfants ou des vieux qui seraient tombés parterre.

Après la dizaine de minutes d'aveuglement et de vomissements, Vassili, 72 ans, le regard protégé par un masque de plongée, me donne de la pommade alcaline blanche à étaler sur le visage pour apaiser l'irritation du gaz. Il explique :

« Malaka, nous les vieux on doit faire attention aux attaques cardiaques, à cause de ce gaz à larmes. Mais on vient préparés et en connaissance de cause. Depuis deux ans, c'est routinier. »

Guérilla urbaine, la vraie

A partir de 22 heures, la foule est plus jeune, les familles se sont éloignées du centre et ça commence à sérieusement déraper. Aux mégots, canettes, pierres et chaises lancés sur leur passage, les policiers répondent à la matraque, sans ralentir leurs motos.

Au fil des heures, les lignes de feu séparant policiers et manifestants se font plus nombreuses : les flammes sont censées dissiper les gaz lacrymogènes que les forces anti-émeutes balancent sans répit.

Au fil des attaques policières, on court tous en groupe de ruelles en arcades pour éviter les gaz. Alors que la police fend la foule en crachant sur les manifestants, près de moi un homme saisit une bonbonne de gaz par la porte ouverte d'un restaurant sur sa cuisine. Il la balance sur une moto bleue. Tout le monde court, la bonbonne explose et la moto prend feu.

Les flics font demi-tour, menottent ceux qu'ils peuvent attraper et lancent des grenades à gaz à deux mètres. Une vingtaine de manifestants est à terre, l'ambulance arrivera cinq minutes plus tard.

En escalade de tensions, alors que le vote du Parlement est décalé de minuit à 1 heure, des lanceurs de cocktails Molotov déclenchent plusieurs incendies autour des places Syntagma et Omonia. La foule est solidaire et s'entraide volontiers : on se relève, on se donne à boire, on partage des cigarettes.

Les forces anti-émeutes finissent par atteindre leur objectif : dissiper tout attroupement sur la rue bordant l'entrée du Parlement. C'est de meilleur goût pour les photos.

Un vote sans surprise

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Un café Starbucks d'Athènes pris pour cible (via Twitter)

A 1h20 ce lundi matin, le Parlement a finalement rendu public un vote sans surprise :

  • 194 députés ont voté en faveur duplan d'austérité,
  • 74 le refusent,
  • 5 ont voté blanc
  • et 27 députés n'étaient pas présents.

Pasok, le parti socialiste et Neo Dimokratia, le parti conservateur, avaient rappelé en début de discussion que les députés ne votant pas conformément à la ligne de leur parti en seraient renvoyés.

Sur le chemin du retour, des policiers essaient sans succès de défoncer la porte d'un squat. Par la fenêtre, un homme jette une brique et rate de peu un agent

 

 

source rue89


_________________________________________________Chronologie.

 

Deux ans d'austérité

 

Depuis que le pays est en crise, les gouvernements successifs tentent d'appliquer une politique drastique en échange de l'aide de l'UE et du FMI. Chronologie.

(c) Afp

 

Fin 2009

Le gouvernement socialiste de Georges Papandréou, fraichement élu, découvre une situation financière catastrophique. La droite a minimisé l’ampleur du déficit : il s’élève à 12,7% du PIB. La dette publique à 125%. Les mauvaises nouvelles s’enchaînent : le pays est dégradé par les agences de notation, et les taux d’intérêt auxquels la Grèce peut emprunter s’envolent.


Mai 2010

Première aide européenne. Athènes lance un SOS dès 2010. Après plusieurs semaines, l’Union européenne et le FMI se portent au secours du pays. Début mai, une aide exceptionnelle de 110 milliards d'euros sur trois ans est débloquée. Un prêt financé à hauteur de 80 milliards d'euros par les pays de la zone euro, le reste étant pris en charge par le FMI. En contrepartie, l’Union européenne exige un plan d’assainissement des finances publiques.

Salaires, retraite, fiscalité: répondant aux injonctions de ses créanciers, le gouvernement engage un vaste plan de rigueur. Le principal taux de TVA passe de 19 à 21%. Sont également réévalués les impôts sur les successions et les donations, les taxes spéciales sur la consommation : la taxe sur l'alcool grimpe de 20%, le tabac de 63%. Les carburants n'échappent pas à la règle.

Une nouvelle grille d'impôts sur le revenu est mise au point. Dans le nouveau barème, le taux de 40% s'applique aux revenus supérieurs à 60.000 euros, contre 75.000 euros auparavant. Le gouvernement tente de mettre en place un volet répressif : fraude fiscale, impôt sur les constructions illégales, nouvelles taxes dites "vertes", taxes sur les jeux d'argent et les bénéfices des entreprises sont instaurés.


2,4 milliards d'économies dans les dépenses

Coté dépenses, les autorités tablent sur une baisse de 2,4 milliards d'euros. Les fonctionnaires, principales cibles, voient leur 13e mois et leur 14e mois de salaire amputés respectivement de 30% et de 60%. Dans les entreprises publiques, tous les salaires sont réduits de 7%, les primes de 30%.

Les pensions du secteur public et du secteur privé sont gelées. Mais la réforme majeure est celle des retraites. Le gouvernement prévoit d'ici 2013, de reculer de cinq ans l'âge de départ pour les femmes, soit un départ à 65 ans, aligné sur celui des hommes. La durée de cotisations est allongée à 40 annuités contre 37 auparavant.

Le plan prévoit également des mesures pour renforcer la flexibilité du marché du travail, faciliter les licenciements et ouvrir à la concurrence une série de professions protégées.


29 juin 2011

Le plan de rigueur de 2010 n’a pas eu les effets escomptés. Si la dépense publique a bien diminué, les recettes fiscales n’ont pas été la hauteur. En cause, une récession plus grave que prévue :- 4,2% au lieu de -3,5% envisagée.

Le 29 juin 2011, les députés grecs adoptent d’une courte majorité un plan révisé de redressement budgétaire sur plusieurs années. Ce deuxième plan renforce et durcit l’austérité en vigueur dans le pays. 28,4 milliards d’euros d’économie sont planifiées jusqu’en 2015. Outre des hausses d’impôts, les critères d'allocations sociales sont durcis, notamment pour le chômage. Seul un fonctionnaire partant à la retraite sur dix est remplacé. Un calendrier de privatisations courant jusqu’à 2015 doit rapporter à l’Etat 50 milliards d’euros.

L’Union européenne s’impatiente de voir les mesures porter leurs fruits. Au lendemain de ce vote, le ministre allemand des affaires étrangères, Wolfgang Schaüble, déclare : "Les privatisations doivent commencer maintenant".

L’adoption de ce plan d’austérité ouvre la voie au déboursement des 12 milliards d’euros promis par l’Union européenne et le FMI. Il s’agit de la cinquième tranche du plan de sauvetage de mai 2010.


21 juillet 2011

Second plan d’aide et participation des créanciers privés. Au soir du 21 juillet, la zone euro parvient à un compromis : un nouveau plan d’aide de 109 milliards d’euros est accordé à la Grèce, en échange de la "contribution volontaire du secteur privé". Les banques s'engagent à effacer 21% de leurs créances. Georges Papandréou, le premier ministre, se félicite de ce "plan Marshall de type européen".

En contrepartie, la troïka (Union européenne, FMI et BCE) s’engage à suivre "avec beaucoup d’attention la mise en œuvre rigoureuse du programme" de désendettement. Chaque trimestre, elle envoie dans le pays des observateurs pour surveiller l’avancée des réformes.


2sepre 2011

La troïka menace de suspendre ses versements. Elle dénonce la lenteur de l’exécution des mesures votées ainsi que le dérapage continu des comptes publics.


20 octobre 2011

En réaction, les députés grecs approuvent de nouvelles mesures de régulation des dépenses. Dans la rue, les manifestations populaires se font de plus en plus violentes. Plusieurs jours de grève générale sont décrétés.


27 octobre 2011

La zone euro renforce le plan de juillet. Un nouveau plan de sauvetage de l’euro voit le jour. Il prévoit d'effacer 50% des créances grecques, soit 100 milliards d'euros. Ainsi la dette grecque devrait être ramenée à 120% du PIB. Les contestations des économistes se font de plus en plus entendre : aussi longtemps que l’on n’aide pas la Grèce à renouer avec la croissance, le pays "reste une machine à fabriquer de la dette".


7 décembre 2011

Sous l’égide d’un nouveau premier ministre, Lucas Papademos, un troisième budget d’austérité est voté. Nouvelles hausses d’impôts, baisses des salaires des fonctionnaires, réductions du nombre de salariés dans le secteur public : le traitement de choc envisagé est toujours le même. Le niveau de vie d’une grande partie de la population continue à être remis en question.


20 janvier 2012

L’étau des créanciers se resserre sur la Grèce. La troïka débute de nouvelles discussions avec les autorités hellènes afin d’envisager d’autres réformes, conditions nécessaires à la mise en œuvre du deuxième prêt européen.


2 février 2012

Le FMI et l’Union européenne exigent que le gouvernement de coalition formé du parti socialiste et de la droite s’engage sur des mesures de renforcement budgétaire supplémentaires. Des négociations s'ouvrent entre les deux parties. Certains observateurs parlent du chantage européen.


L’Eurogroupe pose trois conditions à Athènes. L’une d’entre elle stipule que le pays doit élaborer un plan pour trouver "des économies supplémentaires à hauteur de 325 millions d’euros" dans le budget 2012. Pourtant, la Grèce est parvenue à réduire son déficit de 5 points en 2010, ce qui, selon les économistes, est exceptionnel.


10 février 2012

Le gouvernement de Lucas Papademos, dévoile de nouvelles mesures. Cette fois-ci, toujours à la demande des créanciers, c’est le coût du travail qui est en ligne de mire : le salaire minimum est réduit de 22%, à 586 euros brut par mois, et même de 32% pour les jeunes de moins de 25 ans. Les salaires du privé sont gelés, 15.000 emplois publics doivent être supprimés courant 2012, certaines pensions de retraites sont encore rognées. Les dépenses liées à la santé et à la défense sont réduites respectivement d'un milliard et de 300 millions d'euros. Les investissements publics sont diminués de 400 millions. Les privatisations doivent rapporter 4,5 milliards.


12 février 2012

Le vote définitif de ces mesures au Parlement, est la condition sine qua non exigée par les bailleurs. Elle autorise le déblocage des prêts décidés par l’UE. Aide indispensable alors qu’Athènes, le 20 mars prochain, doit rembourser 14,5 milliards d’euros de dettes, sous peine de faire défaut.

par Forence Malleron

source nouvelobs

 

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