La loi sur l’ISIE, récemment adoptée par l'ANC, «en deçà des espérances»
Le secrétaire général de l'Académie internationale de droit constitutionnel, Ghazi Ghrairi, a fait savoir que la loi relative à l'Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE) adoptée, récemment par l'Assemblée nationale constituante (ANC) est «en deçà des espérances», vu que les garanties de l'indépendance et de la neutralité de l'ISIE «ne sont pas à la hauteur de celles accordées à l'ancienne instance»
En marge de la rencontre-débat, organisée lundi 17 décembre 2012, à Gammarth, par l’Association tunisienne pour l’intégrité et la démocratie des élections (ATIDE), Ghrairi a indiqué que, selon le décret-loi relatif à l’ancienne ISIE, l’administration doit, impérativement, apporter son appui à l’ISIE, alors que la nouvelle loi emploie les termes «coopérer autant que possible».
La nouvelle loi n’évoque pas le principe de contrôle du financement des campagnes électorales, fait-il remarquer.
M. Ghrairi a, également, émis des réserves sur le statut des agents de l’ISIE qui est établi par décret, c’est à dire par le chef du gouvernement, ce qui, selon lui, conduit à l’absence de neutralité, vu que le gouvernement «ne peut être à la fois juge et partie».
Ces lacunes, a fait remarquer M. Ghrairi, peuvent être rattrapées car la loi n’est pas en vigueur tant qu’elle n’a pas été ratifiée par le président de la République, ni publiée dans le Journal officiel.
Pour sa part, le président de l’ancienne ISIE, Kamel Jendoubi a imputé ces insuffisances au choix de la feuille blanche comme point de départ des travaux de l’ANC dans l’examen de ce projet de loi et à l’absence de collaboration avec l’ancienne ISIE, ajoutant, dans une déclaration à l’agence TAP, que l’adoption de la loi s’est faite dans la précipitation.
Créée le 24 mars 2011, ATIDE a pour but la promotion et la protection des valeurs démocratiques et, particulièrement, le droit de vote. businessnews
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Kamel Jendoubi, ancien président de l’instance indépendante supérieure des élections, qui a supervisé les premières élections transparentes et démocratiques en Tunisie, ayant suscité l’admiration du monde entier, fait grief à la nouvelle loi sur l’ISIE adoptée mercredi 12 décembre, et lui reproche "d’instituer une administration électorale et non une instance électorale indépendante". Dans une interview à Assabah dans son édition de ce samedi, il annonce que l’ancienne ISIE a intenté un recours en justice contre Me Fethi Laâyouni pour fausses accusations et calomnie.
Sur la question de savoir s’il est toujours candidat de la troïka à la présidence de l’ISIE, Kamel Jendoubi rétorque qu’il ne sait pas. "La question se pose à la troïka, et à ceux qui présentent les candidatures de personnalités pour présider l’instance. Je ne suis pas concerné par ces tiraillements".
L’ancien président de l’instance supérieure indépendante des élections (ISIE) estime que la loi lui permet de se porter candidat, considérant toutefois qu’il y a "un ennui à sa candidature, en l’occurrence une enquête ouverte sans l’existence d’un crime, ou d’un chef d’inculpation, au moment où l’assemblée nationale constituante était en train de discuter la loi de l’instance électorale. Il faut attendre que cette affaire diligentée contre Jendoubi, soit tranchée et on sait que la décision de la justice prend beaucoup de temps".
Mais le but de cette campagne est-il de le dissuader de porter sa candidature à l’ISIE ? Il répond : "Sous le grand titre de l’indépendance de la justice, alors qu'on sait que la justice n’est pas indépendante, ne l’était pas et ne l’est pas devenue, une affaire a été montée contre l’ISIE, où la justice a été entraînée et instrumentalisée pour lui attenter. Son but est d’entacher l’action de l’instance, ce qui conduirait à la suspicion et l’interrogation, et équivaudrait à une exclusion. Cela ne concerne pas uniquement ma personne mais tous les membres de l’instance centrale et régionale".
Sur les réactions de l’instance aux accusations qui lui ont été adressées, Kamel Jendoubi souligne : "l’instance a étudié ce sujet, les remarques ne nous posent aucun problème, elle va présenter une réponse détaillée à toutes les accusations. L’instance saisira par ailleurs la justice. Un document officieux a été fuité, et utilisé pour dénoncer l’instance, celle-ci a été diffamée. Suite à cela, il a été décidé de déposer une plainte contre Me Fethi Laâyouni, car ce dernier a accusé et calomnié les membres de l’instance, et a présenté des chiffres erronés sur le coût de l’électeur, et des élections, et a accusé l’instance de gaspillage et de dilapidation de l’argent public. L’instance a également déposé une deuxième plainte contre tous ceux dont la responsabilité sera établie quant à la fuite du document."
Au sujet de son évaluation de la loi de l’instance électorale, il souligne que cette dernière est appelée "instance supérieure indépendante des élections, il y a donc l’intention pour la continuité, ce qui est positif. Mais en examinant l’écho de cette appellation et son interprétation concrète dans le texte, on s’aperçoit de point de vue légal, qu’on n’avait pas le souci d’assurer la continuité et de tenir compte des acquis réalisés par la précédente instance.
Par ailleurs, j’ai désormais la conviction que la philosophie sur laquelle cette loi a été bâtie, était de s’éloigner dans la mesure du possible de l’instance, notamment de ses acteurs et responsables. La continuité n’était pas, à mon avis, l’idée qui présidait à l’élaboration de cette loi. Celle-ci répond plutôt à la question : qui sera dans la prochaine instance ? Et non pas : comment on construit une instance indépendante, etc."
"La loi tend à construire une administration électorale, et non une instance électorale, dans la mesure où les articles relatifs à l’administration se sont taillés la part du lion", ajoute-il.
"Nous avons conclu lors de la précédente expérience à la nécessité de l’existence d’une administration électorale, la loi a répondu à cette nécessité, mais elle l’a présentée selon une formule quasi-dominante sur l’instance, et a annulé la place des instances régionales".
Selon ses dires, "il existe une unanimité autour de la mise en place d’une instance constitutionnalisée, dont la mission est d’organiser les élections, et non pas une administration. La loi prévoit que l’instance se compose d’un conseil de l’instance et d’un organe exécutif (administration), mais la plupart des articles ont convergé vers la mise en place d’une administration et non d’une instance. Lorsqu’on lit cette loi, on ne retrouve pas des articles fixant les prérogatives du conseil de l’instance et des missions du président de l’instance. Alors que la partie relative à l’organe exécutif, est claire et détaillée, fixe les missions, en allant jusqu’à donner au directeur exécutif la mission de proposer le règlement intérieur, et c'est à l’instance de l’entériner. Si la loi ne donne pas des prérogatives claires au conseil de l’instance, le législateur se dirige vers l’instauration d’une administration, et non d’une instance indépendante des élections. Il faut que l’on clarifie les prérogatives de l’instance et celles de l’organe exécutif, et si l’on veut créer un organe exécutif pour organiser les élections, qu’on le dise sans que l’on mette dessus le nom d’instance indépendante des élections".
Kamel Jendoubi estime que "cette loi n’a pas réussi à dépasser les défaillances du décret-loi n’o 27, organisant l’ISIE. Je pense que la nouvelle instance va se heurter aux mêmes difficultés et aux mêmes défis, dans des conditions totalement différentes. J’ai beaucoup de réserves que j'exprime avec objectivité, le but est de constituer une instance supérieure indépendante des élections, qui jouit de la personnalité morale et l’indépendance financière et administrative. Mais, on constate que l’article 27 inhérent au budget touche à l’indépendance financière de l’instance, et dans sa relation avec les pouvoirs publics qui "aident selon la loi, et dans la limite du possible". En cas de problème, l’instance à recours au tribunal administratif…Aura-t-elle le temps d’intenter et de suivre des procès".
"La loi stipule également que l’action de l’instance sera dans la limite du contrôle. Le contrôle est indéniablement nécessaire, la transparence et le questionnement le sont aussi, la question est néanmoins de savoir si ce contrôle est utilisé pour en renforcer l’indépendance, ou pour l’affaiblir. Nous la voulons une instance efficace, qui travaille sous pression, réalise les élections à l’échéance prévue. Elle n’aura pas le droit à l’échec.
Il faut qu’on institue une instance forte, dotée des instruments suffisants lui permettant de réaliser des élections transparentes et réussies, et joue un rôle d’arbitre, car c’est elle qui va arrêter les contrevenants…selon l’autorité de la loi, il lui est possible de prendre une décision grave à l’instar de la suspension d’une liste ou l’invalidation d’une candidature. Il s’agit là de la revendication de l’ensemble des Tunisiens, une instance efficace et forte, à même ce conquérir la confiance de l’électeur, de rassurer le citoyen et de présenter des résultats crédibles".
L'ex-président de l'ISIE est également critique envers la composition de la commission ad hoc qui va sélectionner les candidatures, qui obéit à ses yeux "au principe d’appartenance partisane entre les groupes parlementaires". Il en est de même, d'après son opinion, du choix des neuf membres de l’ISIE à une majorité des deux tiers qui se fera "selon une espèce de consensus forcé, et des considérations partisanes. Tout consensus ne renforce pas l’indépendance". gnet.tn
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Mobilisation pour la défense de Kamel Jendoubi et de l'IsieUn rassemblement de soutien à Kamel Jendoubi, président de l'Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie), se tiendra lundi 17 décembre, à 9h30, devant le tribunal de première instance de Tunis, avenue Bab Benat.
Selon la Fédération des Tunisiens pour une citoyenneté des deux rives (Ftcr) et le Comité pour le respect des libertés et des droits de l'homme en Tunisie (Crldht), associations de Tunisiens en France, qui appellent les démocrates tunisiens à participer massivement à ce rassemblement de soutien à Kamel Jendoubi, le président de l'Isie «défend l'honneur de la démocratie et l'indépendance des élections».
Ce dernier est convoqué au tribunal suite à la plainte qu'il a déposé contre l'avocat controversé Fathi Layouni pour diffamation et calomnies contre les membres de l'Isie.
«Cet avocat qui longuement travaillé avec le régime de Ben Ali participe à une campagne de dénigrement et de calomnies contre l'Isie et son président dont le véritable objectif est de remettre en cause le travail accompli au service des premières élections démocratiques et indépendante en Tunisie», notent la Ftcr et le Crldht dans le communiqué appelant à ce rassemblement.
Les deux associations «s'adressent aux démocrates tunisiens, aux partis, associations et aux organisations démocratiques afin qu'ils se mobilisent plus fortement pour défendre nos valeurs communes de démocratie et de libertés.» Car, ajoutent-elles dans le même communiqué, «cette plainte vise à défendre l'honneur de tous les démocrates qui sont attachés à l'indépendance et à la transparence des élections et rejettent les calomnies et les pratiques empruntées aux bassesses des affidés de Ben Ali qui ont repris leurs sale travail avec la protection de certaines forces au pouvoir.» kapitalis
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