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17 juin 2011 5 17 /06 /juin /2011 08:48
reportage

Cinq mois après la chute de Ben Ali, l'organisation de l'épreuve représente un défi et un test pour les Tunisiens, qui accordent beaucoup d'importance à l'enseignement.

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Par ELODIE AUFFRAY À TUNIS

Devant le lycée d'el-Menzah, Nadia et Sawsenn, deux mères d'élèves, montent la garde. «La

Devant le lycée d'el-Menzah, Nadia et Sawsenn, deux mères d'élèves, montent la garde. «La révolution va permettre le développement du savoir et de l'éducation», indique la banderole à l'arrière-plan. (E.A.)

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«L'Etat de droit garantit-il le droit à la citoyenneté?». En Tunisie, l'épreuve de philo n'a pas surpris les candidats au bac. «On s'attendait tous à une question sur la démocratie. D'ailleurs, la plupart n'ont pas préparé les autres sujets», raconte Safa, qui étudie au lycée d'el-Menzah 6, quartier chic de la capitale tunisienne.

Pour les 126.767 candidats, le baccalauréat achève une année scolaire chamboulée par la révolution. Voilà six mois, Mohamed Bouazizi, jeune vendeur à la sauvette, le bac pour tout diplôme en poche, s'immolait par le feu à Sidi Bouzid, marquant le début du «printemps arabe».

Les semaines de soulèvement qui ont précédé la fuite de Ben Ali, le chaos semé par ses partisans dans les jours, même les mois, qui ont suivi, ont entraîné des arrêts de cours. «On a eu peur de l'année blanche, poursuit Safa. Nous, nous n'avons manqué que deux semaines de cours. Dans d'autres régions, il sont restés deux mois sans école.»

Autre tee-shirt, pour la section sports cette fois: «Bac sport, bac de révolution».

A la reprise, plusieurs lycées ont fait leur révolution. A el-Menzah, la directrice a été «dégagée». «C'était une RCDiste [membre du RCD, l'ex-parti de Ben Ali, ndlr]. Elle intimidait les élèves et les professeurs, elle avait instauré un système de délation. Lors d'une grève, elle a donné les noms des élèves contestataires à la police. Plusieurs ont été convoqués, retenus pendant plusieurs heures», rapporte Mohamed Esseghir, qui enseigne le français. Depuis son départ, ajoute son collègue prof d'espagnol, Houcine Abassi, «on a transformé la vie du lycée. On essaie de détruire les mauvaises habitudes, l'absence de dialogue entre professeurs et élèves. On encourage les initiatives».

Au lycée d'Intilaka, banlieue populaire et l'un des foyers de la révolution dans la capitale, le directeur a été gardé. «Ce n'était pas un RCDiste», selon Rawa, jeune candidate au bac littéraire. «Mais nos relations avec l'administration, avec les professeurs, se sont améliorées.» Autre changement: «Maintenant, les filles peuvent porter le hidjab. Avant, elles avaient des problèmes avec ça», raconte encore la jeune fille, non voilée, comme la plupart de ses camarades.

«Ben Ali a affaibli la qualité de l'enseignement»

Dans ce contexte remuant post-révolutionnaire, l'organisation du bac a pris une dimension politique. «Si on y parvient, c'est un signe que la révolution va dans la bonne direction», raisonne Mohamed Esseghir.

D'autant que l'éducation est «une valeur sacrée en Tunisie», nous explique-t-on. Et que beaucoup considèrent qu'elle a été mise à mal sous Ben Ali. «Il a affaibli la qualité de l'enseignement. Le bac était devenu un diplôme au rabais, donné à tout le monde pour flatter les parents», analyse un jeune Tunisien. Désormais, le pays espère que «la révolution va permettre le développement du savoir et de l'éducation», comme le proclame une banderole déployée à l'entrée du lycée d'el-Menzah.

Les autorités ont donc déployé des moyens importants pour assurer le bon déroulement des épreuves, qui ont été allégées. Les copies sont acheminées dans les centres d'examen sous escorte militaire; même par hélicoptère, dans le centre et au sud, où la tension est la plus vive.

Le pays redoute des attaques. L'armée, mais aussi la garde nationale, la police, ont été déployés devant les lycées. Des comités de protection citoyens ont été formés. A el-Menzah, Nadia et Sawssen montent la garde. Détendues, les deux mamans expliquent être là «pour apporter un soutien moral aux enfants». «C'est une année extraordinaire, sourit Nadia. Mais un peu spéciale. Les élèves ont beaucoup stressé.»

«Devenir un vrai citoyen»

Redha, 46 ans, n'est pas un parent d'élève. Cet ouvrier a pourtant posé des congés pour assurer la surveillance devant le lycée d'Intilaka. Une manière pour lui de «faire quelque chose pour protéger [son] pays, devenir un vrai citoyen». «Je veux que l'avenir de nos élèves soit meilleur que le mien», continue-t-il. L'établissement, à l'arrêt pendant deux mois, a été la cible d'attaques, après le 14 janvier. «L'armée ne venait pas, on a dû le protéger nous-mêmes», raconte un jeune.

«Bac arts 2011. Liberté. Ce n'est pas la fin», lit-on sur ce tee-shirt imprimé par les élèves de la section littéraire du lycée d'Intilaka, à Tunis. (E.A.)

A la rentrée, les bacheliers entameront leur vie étudiante, et celle d'électeurs: les Tunisiens de plus de 18 ans sont appelés à élire une Assemblée constituante, le 23 octobre. Mais, comme leurs aînés, ils sont quelque peu désabusés, et très méfiants à l'égard des hommes politiques, accusés de s'arroger la révolution. «On ne veut pas idéaliser la situation dans laquelle on est actuellement», explique Sofiene.

La prolifération des partis politiques (82 à ce jour) et leur attitude, considérée comme électoraliste, désempare. «Les partis ont tous les mêmes idées. On ne trouve pas de différences entre eux», déplore Rawa, qui ne compte pas aller aux urnes, pour le moment. «Bien sûr qu'on va voter, assure pour sa part Safa. Mais pour le moment, on est concentrés sur le bac». Et «si on ne l'a pas, plaisante un autre, on fera une deuxième révolution».

 

 

 

lien : http://www.liberation.fr/monde/01012343722-les-jeunes-tunisiens-passent-le-bac-de-la-revolution

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