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7 avril 2011 4 07 /04 /avril /2011 13:10

Ils ont rejoint la rébellion avsara_daniel_nouvelobs_libya_chabab.jpgec enthousiasme. Brouillons, sympathiques, ils jouent maladroitement avec leurs armes. Mal encadrés, ils avancent quand les forces de Kadhafi se retirent, reculent quand les obus tombent et prient pour que l’aide de la coalition continue.

 


 

Il n’a rien vu venir. Il ne sait même pas exactement où il se trouvait. Quelque part à l’entrée de la  nouvelle ville de Brega, l’une de ces cités-dortoirs de béton triste où chaque pâté de maisons ressemble au suivant, prolongement de terminaux pétroliers qui servent de toile de fond à cette guérilla de l’asphalte où l’on reperd les kilomètres aussi vite qu’on les a conquis. Il était près de son pick-up, les bras encombrés par une kalachnikov inutile dans cette guerre où l’ennemi est invisible, quand un éclat d’obus est venu se ficher dans son front. Imad Fadel, 28 ans, est allé faire soigner sa blessure avant de revenir aussitôt patienter sur le bas-côté de cette route désertique, dans un embouteillage de Toyota qui a tracé pour un moment, on ne sait pas très bien pourquoi, cette ligne de front où nous l’avons rencontré. A l’arrière de la Toyota, ses compagnons et lui ont fixé une mitrailleuse avec de la ficelle, entre les munitions et les grenades. Deux poules blanches ont été embarquées pour servir de casse-croûte aux combattants. Cela fait trente-huit jours qu’Imad a rejoint la guérilla, mais il n’a toujours pas vu un seul soldat des forces de Kadhafi. Il est chômeur, « comme 90% des gens de ma génération », dit-il en soupirant. Il a fait des études d’ingénieur qui ne lui ont servi à rien. Lorsqu’on lui demande pourquoi il a rejoint les force

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s anti-Kadhafi, il récite le bréviaire de la révolution, déclare se battre pour des valeurs qu’il a du mal à définir : la liberté, la démocratie. On comprend vite que le jeune combattant veut surtout vivre sa jeunesse, draguer sur Facebook, voyager librement et, par-dessus tout, travailler. Et pour cela, il faut se débarrasser du tyran, « ce juif aidé par les juifs », dit-il de Kadhafi, utilisant l’insulte suprême, la comparaison avec le peuple honni dont on conspue le nom sur tous les murs de la Cyrénaïque qui, depuis la chute du régime dans cette partie du pays, servent d’exutoire. Imad est parti à la guerre avec ses mocassins troués et le treillis de son frère qui servait autrefois dans les forces spéciales. Dans les casernes désertées de Benghazi, après avoir joué comme un gosse avec les armes abandonnées, il a récupéré une mitrailleuse. Puis il a rejoint ces hommes de bonne volonté, sympathiques mais brouillons qui avancent lorsque les forces de Kadhafi se replient, au gré des bombardements de la coalition. Comme tous les chabab, les « jeunes », qui attendent de progresser vers Syrte puis Tripoli, sur ce ruban d’asphalte qui disparaît sous le sable, Imad voudrait que l’Otan intensifie ses frappes. Il ne comprend pas les précautions que prend l’organisation internationale. Il remercie Sarkozy mais voudrait maintenant que les Etats-Unis, qui disposent des avions les plus performants, s’engagent pleinement dans la bataille. « Qu’ils prennent une partie de notre pétrole, s’il le faut. Kadhafi n’a redistribué aucune richesse, on préfère partager et être débarrassé de lui… », lance-t-il alors que l’on entend les avions de l’Otan qui effectuent des missions de reconnaissance dans le ciel de la Cyrénaïque. Au même moment, un pick-up stationné à quelques centaines de mètres de la file de voitures fait brutalement demi-tour. Le chauffeur affirme en hurlant que les forces de Kadhafi viennent de viser ses pneus. Et le véhicule d’Imad disparaît aussitôt à l’horizon, dans un  embouteillage de pick-up blancs qui fuient sur la route. Engagé lui aussi dans la bataille de Brega, Marahi, 34 ans, un ancien policier devenu combattant depuis quelques jours, a eu plus de chance. Non seulement il a vu son ennemi : un sniper qui, posté sur le toit d’un immeuble en face de la mosquée, a abattu plusieurs personnes, mais il a pu lui loger une balle dans l’épaule. Aujourd’hui, il est chargé par l’armée d’assurer la sécurité de son prisonnier, « trophée » de guerre qu’il ne quitte pas des yeux. Dans une chambre de l’hôpital Al-Jalal de Benghazi, gardée par plusieurs policiers armés, où l’on soigne trois soldats de Kadhafi capturés à Brega, Marahi parle sans ménagement au prisonnier qui agonise dans son lit. « Tu viens d’où ? Réponds ! » « C’est un “murtazaka” », affirme-t-il, sans attendre la réponse du blessé, « un mercenaire africain : regardez comme il est noir ! Les deux autres, ce sont des Libyens, on va leur pardonner. Lui, c’est différent. » En réalité, le sniper pro-Kadhafi s’appelle Hakar et il a 21 ans. Il est originaire de Sabah, au sud de la Libye. Très faible, il raconte qu’il a rejoint l’armée de Kadhafi depuis deux mois, et qu’on lui avait expliqué qu’il fallait défendre le pays contre une invasion des hommes d’Al-Qaida. « Si nous avions eu le choix entre Al-Qaida et Kadhafi, on n’aurait pas hésité longtemps. Mais il n’y a pas d’Al-Qaida en Libye », s’agace Marahi. Dans les lits voisins, les deux autres soldats de Kadhafi, moins grièvement atteints, racontent qu’ils étaient une cinquantaine, arrivés de Tripoli par la route dans des voitures équipées de missiles Grad. Ils ont pu rejoindre des forces à Syrte, où ils ont été très bien accueillis. Mohamed Ali est un gros sergent de 20 ans, membre du bataillon Khamis dirigé par l’un des fils de Kadhafi. Il se souvient avec délectation d’une sorte de moussaka qu’on leur a servie au « château de l’hospitalité », dans la ville natale de Kadhafi. « Vous n’êtes pas près de remanger de ce plat », dit Marahi. Depuis les réminiscences gourmandes de ses ennemis, il a visiblement oublié sa décision de leur pardonner. L’ancien flic ressasse ses griefs devant les prisonniers qui somnolent, assommés par les médicaments : « Quand vous pensez que j’étais dans la police depuis 1997 et que mon salaire n’a jamais suffi à faire manger ma famille… Nous qui devrions être plus riches qu’à Dubaï, avec tout le pétrole que nous possédons ! » Khaled Ali Mohamed Farani a pris une chambre à l’hôtel Ozou de Benghazi pour en faire son quartier général. Confronté à l’incompétence des jeunes chabab, cet ancien pilote d’hélicoptère âgé de 55 ans, qui a quitté l’armée libyenne en 1989, a décidé avec d’anciens militaires de créer un nouveau bataillon formé d’ex-membres de tous les corps d’armée. Il attend l’arrivée d’officiers qui avaient été envoyés en France par Tripoli pour se former et qui ont décidé de rejoindre les insurgés. Farani s’est engagé dans la révolte dès le premier jour et a participé à l’assaut de la Katiba, la caserne des gardes de Kadhafi à Benghazi. Il s’est rendu deux fois sur le front pour constater que les insurgés manquaient d’armes et qu’ils ne savaient pas faire la guerre : « Maintenant, vous allez voir une vraie guerre avec une vraie armée », assure le lieutenant-colonel Farani. A l’entendre, les professionnels vont désormais remplacer les jeunes volontaires sur le terrain. Il assure qu’il n’a pas vu de soldats des forces spéciales de la coalition. Mais selon lui, depuis le retour au pays du général Khalifa Haftar, rentré de son exil aux Etats-Unis et sous lequel il avait servi au Tchad, la guerre va changer de nature. Quand on lui demande si le chef de la rébellion n’est pas Abdel-Fattah Younis, l’ex-ministre de l’Intérieur de Kadhafi, il répond que le leader sera celui qui fera la démonstration de ses compétences, révélant ainsi une lutte de pouvoir préoccupante au sommet de la direction militaire de l’insurrection.

Lire la suite ici : http://sara-daniel.blogs.nouvelobs.com/archive/2011/04/05/chabab.html

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