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31 octobre 2011 1 31 /10 /octobre /2011 01:16

Être ou ne pas être aux côtés d’Ennahdha ?

 Alors que le parti Ennahdha est maintenant la première force politique de la Tunisie et qu'une Constitution doit être rédigée, l'avocat tunisien Slim Hajeri partage son analyse de la situation.

 

Aujourd’hui, les choses sont claires, avec près de 42% des sièges, le parti islamiste domine largement l’Assemblée constituante.

 

Avant même la fin du décompte des voix, Ennahdha a clairement affirmé son intention de prendre en main les rennes du pouvoir. Elle a présenté sans plus attendre son futur Premier ministre, le président de l’Assemblée constituante et livré les noms de ses candidats à la présidence de la République

 

 

 Hamadi Jebali, secrétaire général d'Ennahdha et Rached Ghannouchi, chef du parti, le 28/10/11 à Tunis (FETHI BELAID/AFP)

Hamadi Jebali, secrétaire général d'Ennahdha et Rached Ghannouchi, leader du parti, le 28/10/11 à Tunis (FETHI BELAID/AFP)

 

Mais les islamistes ne veulent pas y aller seuls, ils ont lancé un appel à la constitution d’un gouvernement "d’union nationale", appel très vite accepté puis relayé par leurs alliés stratégiques du Congrès pour la République (CPR). La plupart des autres partis représentés à l’assemblée ont décliné (pour l’instant) l’offre d’Ennahdha à l’exception notable d’Ettakatol. Troisième force de l’AC, ce parti historique de centre gauche a su négocier la première période de transition avec une certaine habileté politique et a ainsi, pu se positionner comme l’une des formations politiques les plus crédibles de la place.

 

A l’heure actuelle, les négociations battent leur plein, Ettakatol se dit prêt à intégrer le gouvernement dirigé par l’islamiste Hamadi Jebali mais pose des conditions et dit vouloir négocier un programme commun. Les sympathisants d’Ettakatol et autres démocrates sont partagés. Mais au sein du parti les militants semblent majoritairement pencher pour une alliance ; argument principal : il faut accompagner Ennahdha afin d’éviter les dérives possibles et prendre en compte l’intérêt supérieur du pays.

 

Mais sur quel fondement le raisonnement des partisans de l’alliance repose-il ? Une stratégie politique se base sur des données objectives, des faits, des hypothèses crédibles, des prévisions et une analyse de la situation. Les choix sont ensuite faits et les décisions prises en fonction des objectifs à atteindre à court, moyen et long terme.

 

La position d'Ennahdha

 

Politiquement la situation peut se résumer ainsi : Ennahdha est le parti le plus puissant de l’assemblée et bénéficie du soutient du CPR qui comporte en son sein, il ne faut pas l’oublier, une forte composante nationaliste et/ou islamiste. L’axe Ennahdha/CPR aurait la maîtrise totale de l’Assemblée constituante. Or cette dernière est souveraine. Outre le pouvoir législatif et exécutif, elle aura le loisir de modeler la constitution à sa guise.

 

Ennahdha a d’ailleurs dès le départ posé les règles du jeu ; elle revendique de maintenir une position dominante et de diriger le gouvernement. Autre élément important, l’administration et l’armée ; ils sont a priori hostiles à Ennahdha du fait principalement de l’épuration radicale entreprise par l’ancien régime, mais aussi parce que le parti islamiste a jusqu’ici affirmé sa détermination à rompre avec le passé et à demander des comptes aux plus hauts responsables de l’administration placés par Ben Ali. Tout cela a le mérite d’être relativement clair, mais l’équation politique comporte plusieurs autres inconnues.

 

La plus grande et la plus intrigante de ces inconnues, la question que tous les démocrates se posent est la suivante : qui est réellement Ennahdha et que veut-elle ? Cette interrogation n’est pas gratuite, elle prend sa source dans l’histoire idéologique de ce parti. Ennahdha est l’héritière directedu courant des Frères musulmans, de l’idéologie fondamentaliste de Sayed Qotb et du cheikh El Benna. Elle est l’émanation du Mouvement de la Tendance Islamique (MIT, ancien nom d’Enahdha) et ses pères fondateurs (toujours solides aux postes) affirmaient à leurs militants (et affirment toujours de temps en temps) que leur reconversion aux principes de la démocratie n’est pas à prendre au premier degré.

 

La question est donc de savoir si ce parti à l’histoire et aux fondements islamistes radicaux s’est métamorphosé en parti démocrate. Faut-il croire le discours apaisant de ses dirigeants et leurs références au modèle turc alors même que dans les prêches de certains imams sympathisants d’Ennahdha et sur les réseaux sociaux, les appels à l’application de la chariaâ et à l’instauration d’un état islamique fusent.

 

Ennahdha acceptera-t-elle de jouer le jeu de l’alternance démocratique ou fera-t-elle son coming out théocratique une fois son autorité assise sur les postes stratégiques de l’appareil d’état ?

 

Une supportrice d'Ennahdha au QG du parti, à Tunis, le 25/10/11 (FETHI BELAID/AFP)

Une supportrice d'Ennahdha au QG du parti, à Tunis, le 25/10/11 (FETHI BELAID/AFP)

 

Tels sont donc les principaux éléments de l’équation politique. Au plan économique la situation est extrêmement difficile : croissance négative, investissement en baissechômage, inflation etc. Les perspectives sont loin d’être bonnes, les islamistes, modérés ou pas font peur aux touristes et aux investisseurs occidentaux. L’heure est grave ! Prendre une décision quel qu’elle soit nécessite de tenir compte de l’ensemble de ses éléments.

 

 Prospectives

 

Alors, être ou ne pas être au gouvernement ? Partons du postulat que l’objectif stratégique d’Ettakatol est d’instaurer à moyen terme un régime réellement démocratique garantissant à tous, l’exercice des libertés fondamentales. Les objectifs à court terme (principalement économique et sociaux) quoique fondamentaux ne sauraient primer sur l’intérêt supérieur du pays entendu au sens historique et civilisationnel.

 

Il faut donc juger de l’opportunité d’adhérer à l’axe en considérant principalement l’objectif à long terme, c’est-à-dire l’instauration de la démocratie.

 

Dans la première hypothèse, Ennahdha est un parti démocrate dont les aspirations pour le pays sont les mêmes que celles de n’importe qu’elle autre parti progressiste. Si telle est la vision que l’on adopte, alors l’alliance semble s’imposer. Sauver l’économie, rassurer nos partenaires étrangers, initier les réformes principales (justice, police, administration, éducation, etc.) et s’atteler à la rédaction d’une constitution consensuelle ne saurait trouver meilleur terrain que celui d’une union nationale.

 

En revanche si l’ont émet des doutes sur les intentions réelles du parti islamiste, les choses deviennent beaucoup plus nuancées et complexes. La stratégie consisterait alors à trouver la meilleure parade à de prévisibles manœuvres politiques d’Ennahdha visant en définitive, une prise pure et simple du pouvoir en vue de l’instauration d’une théocratie, à l’image de ce qui se produisit en Iran, après 1979. A quoi servirait une alliance avec un parti ayant de telles intentions, disposant d’une majorité confortable à l’AC et revendiquant une position dominante dans le gouvernement ?

 

Un programme commun ?

 

Certes, un programme négocié à l’avance, solution préconisée par Ettakatol, permettrait de garder un certain contrôle et de limiter les dégâts pour un certain temps. De plus, la présence d’un parti modéré au sein du gouvernement serait sans doute un atout majeur pour l’économie surtout du point de vue de nos partenaires étrangères. Mais qu’elle serait la marge de manœuvre réelle d’un parti minoritaire au sein dune pareille alliance ?

(pld/pc Patrice Deré /pp/AFP)

Le programme commun n’offre que peu de garanties car il ne s’agit, en fin de compte, que d’un ensemble de promesses. Par ailleurs, l’importance de la prise de positions stratégiques au sein de l’appareil d’état doit être relativisée car elle ne saurait être que partiel et temporaire. A l’opposé, du point de vue d’un parti aux visées hégémoniques (si tel était le cas d’Ennahdha) il n’y a qu’avantages, dans les circonstances actuelles, à s’allier à ses adversaires politiques. Cela lui permettrait en premier lieu de bénéficier de la crédibilité de ces partenaires aussi bien vis-à-vis de l’opinion publique et d’une partie de l’administration que des partenaires étrangers de la Tunisie. Une certaine relance économique deviendrait alors possible ainsi qu’une réforme en douceur d’une administration qui lui est jusqu’à présent plutôt hostile.

 

L’application du programme politique et des promesses électorales d’Ennahdha peu réalistes (118.000 emplois par an !) seraient reportée sine die. Ennahdha garderait tout de même la maitrise des principaux dossiers, mais les critiques et attaques inéluctables en cette phase délicate ne seraient plus dirigées directement contre elle mais viseraient l’ensemble de la coalition.

 

Enfin, en cas d’échec de la politique menée par la coalition (chose fort probable) la responsabilité d’Ennahdha en serait à tout le moins diluée, sinon éludée. Par contre, un succès, même relatif pourrait aisément être récupéré.

 

Quelle stratégie pour Ennahdha ?

 

Bref, à l’abri des critiques et grâce à une situation socio économique en amélioration plus ou moins sensible, Ennahdha bénéficierait de meilleures circonstances possibles pour se consacrer à assoir son autorité sur le pays par le biais d’une stratégie en trois ponts que l’on pourrait imaginer ainsi :

 

1-Nettoyer l’administration de tous les éléments hostiles et y intégrer quelques fidèles.

2- Faire approuver une Constitution comportant quelques compromis mais qui lui est résolument favorable.

3- Et surtout, accomplir avec sérénité son travail le plus important : niveler la société et l’islamiser en agissant "par le bas" c’est-à-dire dans les quartiers, les mosquées, les cafés etc.

 

Intégrer une coalition dirigée par Ennahdha (s’il s’avérait que ce parti était hégémonique) ne permettrait donc pas de réaliser l’objectif stratégique ; bien au contraire il servirait des intérêts contraires. Servir de faire valoir, puis d’alibi tout en ayant l’impression de détenir une partie du pouvoir et d’exercer un contrôle pourrait s’avérer suicidaire.

 

En s’alliant à Ennahdha, Ettakatol risque de perdre une grande partie de ses électeurs et pourra difficilement en conquérir d’autres car il sera désormais un parti de gouvernement qui aura à prendre des mesures douloureuses et impopulaires. L’une des principales erreurs de 1987 était d’avoir présumé de la bonne foi et des bonnes intentions de Ben Ali ; or en politique il n’y y a pas de place pour de telles présomptions. Il vaut mieux se réveiller sur une bonne surprise qu’être réveillé en sursaut par un cauchemar.

 

Être dans l’opposition constructive, dire oui quant il le faut et résister avec force quand cela est nécessaire, tisser des liens plus étroits avec les islamistes réformateurs et le CPR, investir sérieusement le terrain en bénéficiant de la position bien plus confortable d’opposant, affiner sa stratégie, tenir un discours fédérateur basé sur la question sociale, tel semble être la meilleure option ou en tout cas la moins mauvaise.

 

par Slim Hajera

source : http://leplus.nouvelobs.com/contribution/209176;tunisie-etre-ou-ne-pas-etre-aux-c

 

 

 

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Un point de vue russe

 

La Tunisie après le «printemps» arabe


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Photo: EPA

Le 27 octobre dernier les résultats officiels des élections de l'Assemblée constituante tunisienne, ont été annoncés. Le parti islamiste Ennahba (Renaissance) a remporté la majorité de mandats (90 sur 217) en devançant le Congres pour la République (gauche nationaliste) et Ettakatol (gauche) avec respectivement 30 et 21 mandats. Le taux de participation était très important avec plus 70% d'électeurs qui se sont déplacés le 23 octobre dernier, le jour des élections. Par ailleurs, les partis politiques se sont également montrés très actifs – ils étaient une centaine à avoir participé aux élections.

Les observateurs internationaux qui ont surveillé le bon déroulement du scrutin, sont unanimes : les élections du 23 octobre sont les premières élections tunisiennes véritablement démocratiques. Cependant le nombre aussi élevé de partis politiques qui y ont pris part témoigne de la division et des tensions qui règnent depuis presque dix ans dans la société tunisienne. Il est très symbolique, qu'à la veille de l'annonce des résultats des élections en Tunisie, le Parlement européen a décerné le prix Sakharov pour la liberté de l'esprit à cinq militants du «printemps arabe». Le premier lauréat est le Tunisien Mohamed Bouazizi de Sidi Bouzid.

Le 17 décembre dernier, ce jeune homme de 26 ans s'est immolé par le feu. Sa mort est devenue cette étincelle qui a mis le feu aux poudres de la révolution tunisienne, la première de la série de révolutions du «printemps arabe». En moins de trois mois de contestations antigouvernementales le président Ben Ali et sont régime policier ont a été renversés. Le chef de file d'Ennahba, qui a remporté les élections du 23 octobre, propose aux autres forces politiques du pays de conjuguer leurs efforts pour construire une «société démocratique». Et pourtant, l'orientation islamiste du parti Ennahba éveille les soupçons en Tunisie, mais surtout dans les autres pays. «C'est à cause des idées reçues sur l'islamisme qui, de l'époque de Ben Ali, était opposé régime laïque en place», est convaincu Veniamine Popov, le directeur du Centre de partenariat des civilisations de l'Institut russe des relations internationales, qui était ambassadeur russe et soviétique au Yémen, en Libye et en Tunisie.

"Le parti islamiste a en effet obtenu la majorité de voix. Il se qualifie de parti islamiste modéré, mais c'est lui qui a souffert le plus du régime de Ben Ali. Son leader a passé plus de 20 ans en exil. Des centaines de ses membres ont été jetés en prison. Le numéro deux du parti et son secrétaire général, Hamadi Jebali, dont la candidature est proposée au poste du Premier ministre, a passé 16 ans en prison", a-t-il indiqué. "La victoire des islamistes a bouleversé la société tunisienne. Des jeunes sont descendus dans les rues pour protester contre cette victoire en estimant qu'Ennahba était payé par les régimes monarchistes des Etats de la Golfe persique ce qui lui avait permis de remporter les élections. Il me semble que la majeure partie de la population tunisienne soutient les islamistes parce que ceux-ci ont souffert le plus que les autres des exactions du régime renversé. Et puis l'interdiction du parti de Ben Ali a créé une sorte de vide politique que les islamistes sont venus rapidement remplir". 

"Je suis pourtant confiant, car les dirigeants du parti et, en premier lieu, Rached Ghannouchi n'ont pas tardé à promettre de préserver tous les acquis du peuple tunisien, de former une coalition avec les partis et mouvements laïques, notamment les sociaux-démocrates, qui sont de gauche. Et ils ont aussi tenté de parvenir à un consensus en prenant des décisions politiques", poursuit Veniamine Popov. "A mon avis, il ne faut pas dramatiser la situation, car Ghannouchi et les autres dirigeants du parti promettent d'adopter un modèle turc en Tunisie. En Turquie le parti islamiste du premier ministre Erdogan est au pouvoir depuis une dizaine d'années et montre de bons résultats notamment dans le secteur économique. Par ailleurs, la Malaisie peut aussi être prise comme modèle. Ce pays a su devenir une économie forte et viable, ayant réussi de venir à bout de ses problèmes interreligieux et interconfessionnels". 

Lors de la campagne électorale, Alexeï Grigoriev a noté une participation importante de jeunes femmes, qui ont protesté contre les mouvements islamistes. La Tunisie est le premier pays arabe à avoir proclamé l'égalité des sexes.

"Effectivement, l'égalité des sexes a été proclamée en Tunisie", confirme Veniamine Popov. "Mais je crois que les islamistes tunisiens sont toutefois plus progressistes par rapport aux islamistes des autres pays. Ils ont tiré des enseignements du passé. Ghannouchi qui était en exil pendant 20 ans, est considéré comme un intellectuel, et ses opinions sont plus modérées et tolérantes que celles de la plupart de mouvements islamistes, comme les fameux «Frères musulmans». Qui vivra verra, dit-on, mais il me semble que les islamistes ne vont pas miner les fondements de la société tunisienne. Tout ce qui fait aujourd'hui partie de la vie quotidienne, tout ce qui est entré dans les mœurs ne peut plus être annulé. D'ailleurs, les dirigeants du parti Ennahba déclarent qu'ils ne vont pas revenir à la société islamiste fondée sur la charia. Certes, il est possible qu'il s'agisse d'un discours pré-électoral, mais si Ennahba décide de mettre en place un Etat exclusivement islamiste, les Tunisiens seront vite déçus. Je connais bien les Tunisiens et l'intérêt qu'ils portent à ce qu'on appelle la civilisation occidentale. Les jeunes qui ont déjà pris goût des possibilités offertes, par exemple, par l'Internet, vivent comme des jeunes gens de n'importe quel pays. Leur imposer un modèle de société islamiste fermée aux influences extérieures est dangereux et ne fera que déstabiliser la société. Il est peu probable qu'Ennahba se décide à le faire". 

Il n'y a pas très longtemps, la Tunisie était l'une des destinations les plus attractives pour les touristes russes. Quelle est l'avenir des relations russo-tunisiennes qui étaient toujours très amicales par le passé ?

"Comme j'ai déjà dit, parmi les observateurs, il y avait des observateurs russes qui ont surveillé le déroulement du scrutin en Tunisie", a répondu Véniamine Popov. "Je crois que vous allez très prochainement entendre parler de nouveaux contacts au sommet entre la Russie et la Tunisie. Et je vous assure qu'il y en aura".

par Alexei Grigoriev

source : http://french.ruvr.ru/radio_broadcast/5646866/59601563.html

 

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La Tunisie à la recherche d'une politique commune

 

Une semaine après le premier scrutin libre du pays, les partis politiques doivent composer des alliances. Une étape cruciale du processus démocratique.

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Une manifestation contre le parti islamiste Ennahda, à Tunis, le 28 octobre 2011. REUTERS/Zohra Bensemra

Une semaine après le premier scrutin libre en Tunisie, l'heure pour les partis politiques est aux alliances et aux négociations. Après la chute du dictateur Zine el Abidine Ben Ali en janvier, les électeurs tunisiens ont fait le choix de programmes affichant leur idéologie sociale, conservatrice et religieuse.

Les trois mouvements majoritaires au sortir de cette échéance électorale: le parti Ennahda en tête, suivi du Congrès pour la république (CPR) et du Forum démocratique pour le travail et les libertés (FDTL) plus connu sous le nom d'Ettakatol, s'organisent à présent pour composer une politique commune.

Le processus démocratique au sortir de la révolution a donné naissance à l'expression d'un pluralisme politique, menant in fine à des ententes incontournables entre les partis. Toutefois, les différents mouvements devront respecter la hiérarchie des votes et reconnaître à chacun la place qui lui est dû dans le nouveau paysage politique tunisien.

Certaines organisations politiques comme le Parti démocratique progressiste (PDP) ont clairement affiché leur refus d'un gouvernement d’union nationale. De leurs côtés,Moncef Marzouki, fondateur du CPR, et Mustapha Ben Jaafar, Secrétaire général de Ettakatol n’ont pas voulu marquer de distance avec le parti en tête, privilégiant l'intérêt commun aux alliances partisanes.

Le docteur Moncef Marzouki au cœur des négociations

Pour l'ancien président de la ligue des droits de l'homme, Moncef Marzouki, cette coalition semble pourtant déjà «payer». Le fondateur du CPR est en effet pressenti pour présider la future Assemblée constituante. A l'égard des partis islamistes et en réponse aux récentes polémiques autour de l'identité tunisienne, ce dernier a souligné son attachement «aux valeurs de l'identité, sans qu'elle soit un enfermement ou une dictature et sans que la religion puisse être instrumentalisé en nouvelle oppression. »

«A ceux qui s’interrogent sur les libertés et les acquis sociaux, le CPR demeure garant des valeurs universalistes et continuera à défendre les libertés individuelles, les droits humains et les droits de la femme, sans rentrer dans une guerre idéologique avec des factions conservatrices», a-t-il déclaré.

D'autres postes à responsabilités restent encore à définir, comme le prochain président de la république ainsi que son Premier ministre. Pour ce dernier, le nouvel homme fort de Ennahda, Hamadi Jebali, qui multiplie les passages dans les médias, semble le plus en vue d'après le quotidien Le Temps. Le Premier ministre sortant, Béji Caïd Essebsi, pourrait ainsi devenir le nouveau président de la république à la place de Fouad Mebazaa.

«Le secrétaire général du parti qui remporte la majorité des suffrages aux élections, dans toutes les démocraties du monde, occupe le poste de chef de gouvernement», explique Hamadi Jebali, le secrétaire général du parti Ennahda.

Même si en apparence Ennahda place ses principaux dirigeants aux postes clés, le parti n'a pas obtenu la majorité absolue, il aura besoin d'alliés et sera toujours tenu d'expliquer et de justifier ses décisions. L'éventualité de voir le pouvoir confisqué ou la résurgence d'anciennes idées du Mouvement islamiste tunisien recyclées, devrait s'éloigner si Ennahda demeure dans sa dynamique de partage des responsabilités.

Ennahda déjà en poste

Arrivé en tête sur l'ensemble du territoire mais aussi à l'étranger avec 90 sur 217, soit 41,47% des sièges qui composent l'Assemblée constituante, Ennahda n'a par ailleurs pas tardé à prendre ses responsabilités marquant la fin d'une politique transitoire. Sur fond de rumeurs de fraudes électorales, de financements de campagne disproportionnés ou occultes, le leader du parti majoritaire, Rached Ghannouchi, fort de sa nouvelle légitimité, a brisé le silence de l'actuel gouvernement à propos des récentes manifestations et grèves survenus dans la ville de Sidi Bouzid:

«Comme nous avons lancé notre campagne électorale à partir de Sidi Bouzid, nous nous engageons à donner la priorité pour cette région dans les projets économiques et les privilèges dans le progrès. Ce qui se passe aujourd’hui à Sidi Bouzid est l’œuvre des RCDistes qui veulent créer la confusion et le désordre dans le pays»,déclarait Ghannouchi lors de sa conférence de presse du 28 octobre sur les résultats des élections.

Omniprésence du vainqueur?

Mais pour Ennahda, cette volonté d'inscrire l'action de son parti dans chacune des préoccupations sociales va de pair avec les questions financières et économiques urgentes pour le pays. Le jour de l'annonce des résultats définitifs le 27 octobre, une délégation de responsables, présidée par le Secrétaire général du mouvement, Hamadi Jebali, s'est rendue au siège de la Bourse de Tunis afin de rappeler que Ennahda compte s'appuyer sur les marchés financiers pour dynamiser l'économie.

«Nous leur avons confirmé que nous allons protéger les investisseurs. Il n’y a pas de quoi s’inquiéter puisqu’il n’y aura plus de corruption. Nous accueillerons les investisseurs tunisiens et étrangers et ils auront toutes les garanties dont ils ont besoin», a-t-il affirmé.

Qu'il s'agisse d'inquiétudes en matière du droit des femmes ou de crainte de voir les banques islamiques se généraliser, les dirigeants de Ennahda veulent se montrer rassurants et conservateurs. Sur la crainte des hommes d’affaires de voir les retombées de certaines orientations de son mouvement sur le secteur financier, Hamadi Jebali avait indiqué qu’il n’y avait«aucune intention d’abroger le système financier en vigueur en Tunisie, ni de restreindre les activités des hommes d’affaires (…) Ces craintes n'ont aucune justification».

Partage des tâches et élections dans un an

Loin de la liesse électorale du 23 octobre, de l'attente interminable de résultats officiels et définitifs, les militants élus par la population sont déjà prêts à s'atteler aux deux prochains chantiers politiques du pays, à savoir: la rédaction de la Constitution et l'organisation d'un nouveau gouvernement.

Après avoir étudié l'ensemble des premières propositions de textes, les membres de l'Assemblée devraient très vite user de référendums afin de garantir la transparence autour de l'écriture des articles constitutionnels.

Dans le même temps, la constitution d'un nouveau gouvernement, formé par les membres de l'Assemblée constituante, devrait être accéléré et rendu public dans une dizaine de jours, selon Hamadi Jebali. Certaines priorités d'actions et conditions de la révolution semblent en effet à réactiver en urgence, telles que l'emploi, le développement économique des sous-régions, la santé, l'éducation ou encore la redéfinition d'une politique touristique cohérente et qualitative.

Enfin, des élections législatives et présidentielles devraient se dérouler dans un délai d'un an. Un laps de temps jugé par certains largement suffisant. Les débats d'idées n'ayant pu avoir lieu en Tunisie durant ces derniers mois de campagne, les Tunisiens s'impatientent de participer aux premiers débats et de voir certains profils apparaître plus distinctement à la population.

par Mehdi Farhat

source : http://www.slateafrique.com/61113/tunisie-la-recherche-politique-commun

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