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20 septembre 2011 2 20 /09 /septembre /2011 05:41

 

Les similitudes entre les programmes d’Ennahdha et de Ben Ali

 

 

L’analyse du document proposé comme programme par le mouvement Ennahdha peut se condenser dans l’examen du point 101 de cette série de mesures, qui promet la création de 590.000 postes d’emplois durant le quinquennat 2012-2016. 
Ce point rappelle étrangement la promesse faite par l’ancien président Ben Ali, annonçant 300.000 emplois, en deux ans, pour absorber le chômage des diplômés. Tout le monde avait alors dit que c’était de l’utopie. 

C’est étrange et cela saute aux yeux. Quand on lit de près le programme électoral d’Ennahdha et celui présenté il y a quelques jours aux ministres des Finances et des gouverneurs des banques centrales du G8, on trouve plusieurs similitudes. Des coïncidences troublantes entre le programme du parti islamiste et le programme économique et social (le plan Jasmin, cliquer ici pour le télécharger) élaboré par les équipes de Béji Caïed Essebsi présenté à Marseille. Et quand on pousse la lecture, les similitudes sautent davantage aux yeux avec le programme de Ben Ali. Qu’a donc proposé de plus Ennahdha pour qu’on puisse le croire ?
A vrai dire, la réponse à cette question ne saurait ignorer le contenu du restant des 365 mesures, ne serait-ce que pour comprendre comment l’absorption du chômage va se concrétiser. A ce titre, le point 102 donne déjà un premier indicateur en affirmant que l’Etat va faire un effort supplémentaire en renforçant l’encadrement dans l’administration publique pour essayer d’absorber une partie des chômeurs diplômés.
Les points de 103 à 113 exposent d’autres propositions pour absorber le chômage. Ils parlent d’investissements dans les secteurs des sciences et de technologie (103), d’accompagnement des projets (104), de formation professionnelle pour une meilleure insertion sur le marché du travail (105), de recherche de nouveaux marchés de travail à l’étranger (106), de grands projets (107), de financement de petits projets (108), d’associations de développement (109), de prise en charge par l’Etat des charges de la couverture sociale pendant cinq ans (111), de réduction dans les transports publics et de gratuité des soins (112), ainsi que d’un meilleur encadrement social dans les établissements scolaires (113). Mais, c’est du déjà vu ! Il n’y a aucune mesure qui n’a pas été déjà proposé par l’ancien régime 

Or, ce n’est pas un jeu d’enfants que de ramener le taux de chômage de 14,5 % à 8,5 %. Il ne s’agit nullement de cumuler toutes les mesures possibles pour encourager l’emploi. ‘Il s’agit de concevoir un nouveau modèle de développement qui exploite autrement le potentiel humain de la Tunisie’, comme l’a expliqué le professeur Mohamed Haddar, président de l’Association des économistes tunisiens. ‘La place de la Tunisie doit changer dans la division internationale du travail’, a-t-il notamment dit.
En plus, et que les experts d’Ennahdha nous excusent, mais leurs propos renvoient directement à ceux de Mohamed Ghannouchi, ex-Premier ministre, lorsqu’il avait présenté le 6 juillet 2010 devant le parlement le projet du 12ème plan. Ghannouchi espérait ‘réaliser et maintenir sur les 5 prochaines années un taux de croissance de l’ordre de 5% et de faire passer le PIB par habitant à 8371,5 dinars en 2014 tout en créant 415.000 emplois sur la période afin de réduire le taux de chômage à 11,6%’.

Quant à Ennahdha, elle se propose de ‘réaliser et maintenir sur les 5 prochaines années un taux de croissance de l’ordre de 7% et de faire passer le PIB par habitant à 10.000 dinars en 2016 tout en créant 580.000 emplois sur la période afin de réduire le taux de chômage à 8,5 %’.
Si l’on va dans les détails, on retrouve facilement les centaines de mesures contenues dans le « défunt programme présidentiel 2009-2014 », que ce soit les mesures touchant au développement régional (115 à 127), le développement de l’agriculture et de la pêche (128 à 149), ainsi que pour tous les autres secteurs (industrie, énergie, tourisme, santé, etc.).

Par ailleurs, le ‘copier/coller’ ne se limite pas à la question de l’emploi, ni à la conception de mise à niveau, il touche également la question du financement de l’économie. Le préambule du programme d’Ennahdha annonce, tout comme le projet du 12ème plan de développement du gouvernement Ghannouchi, de renforcer le recours à l’épargne nationale. Mais, après avoir reproduit la même analyse, l’analyse d’Ennahdha limite la contribution de cette épargne dans l’économie à 67 % alors qu’elle est de 73,4 % pour le projet du 12ème plan.

 

 

Lire la suite ici : http://www.businessnews.com.tn/Les-similitudes-entre-les-programmes-

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La laïcité en Tunisie ? Inch'Allah

LE PLUS. D'un côté, un documentaire prônant la laïcité. De l'autre, un parti islamiste au centre du débat politique tunisien. Le combat entre les deux, et l'analyse qu'en fait Séverine Labat, chercheur au CNRS, rappelle que l'obscurantisme religieux n'est jamais loin et que le "Printemps arabe" a peut-être même permis le retour d'un islam politique.

Séverine Labat

> Par Séverine Labat Politologue, chercheur au CNRS

Edité par Daphnée Leportois   Auteur parrainé par Aude Baron

"Ce n’est pas moi le mécréant, mais la faim qui est mécréante,

Ce n’est pas moi le mécréant, mais la maladie qui est mécréante,

Ce n’est pas moi le mécréant, mais la pauvreté qui est mécréante,

Et l'humiliation est mécréante." ("Ana mosh kafir", Ziyad Rahbani)

  

"Est-il en notre temps rien de plus odieux

De plus désespérant, que de n'pas croire en Dieu ?

J'voudrais avoir la foi, la foi d'mon charbonnier

Qui est heureux comme un pape et con comme un panier

Mon voisin du dessus, un certain Blaise Pascal

M'a gentiment donné ce conseil amical : 'Mettez-vous à genoux, priez et implorez

Faites semblant de croire, et bientôt vous croirez.'" ("Le mécréant", Georges Brassens)

 

Il n’existe pas, à proprement parler, de terme, dans la langue arabe, pour désigner la laïcité. Tout au plus peut-on la signaler sous le vocable de ‘ilmaniyya, dérivation du mot ‘ilm, la science, ou sous celui de ‘almaniyya, issue du mot ‘alm, renvoyant au monde séculier.

 

Pour son nouveau film, qui sort en salles le 21 septembre, Laïcité, Inch'Allah[1], la cinéaste franco-tunisienne, Nadia El Fani, a opté pour la’ikyya, traduction littérale de la laïcité telle que nous la concevons en France.

 

Nadia El Fani, aux 27e rencontres cinéma de Gindou, août 2011 (Stéphanie Paschal / SIPA)

Nadia El Fani, aux 27e rencontres cinéma de Gindou, août 2011 (Stéphanie Paschal / SIPA)

 

Ayant débuté le tournage de son documentaire à Tunis trois mois avant la chute de Ben Ali, Nadia El Fani a poursuivi sa quête d’une Tunisie où pourraient cœxister liberté de croyance et liberté de non-croyance, aux lendemains de ce que d’aucuns qualifient de "Printemps arabe".

 

Farouche partisane d’une Constitution laïque, où l’article premier de l’actuelle Loi Fondamentale, qui pose que "la Tunisie est un État libre, indépendant et souverain, sa religion est l'Islam, sa langue l'arabe et son régime la république", serait abrogé, la cinéaste a, depuis lors, fait l’objet d’attaques haineuses. En témoignent les nombreuses pages Facebook lui promettant les flammes de l’enfer.

 

L’une des pages s’intitule avec grâce "Qu’il y ait des milliers de crachats sur elle !" et sa photo, déformée, la figure en diable, en singe, en porc, en cadavre, ou le crâne explosé.

 

Lors d’une interview accordée à la chaîne tunisienne Hannibal TV, cette dernière fera défiler un bandeau indiquant courageusement que le programme "se désolidarise des propos tenus contre l’islam par Nadia El Fani"…

 

Lors de la projection du film, alors intitulé Ni Allah, ni maître[2], à la salle Africart, en plein centre de Tunis le 26 juin 2011, des islamistes se sont rassemblés devant les lieux, proclamant que "la Tunisie est un État islamique ou le peuple veut criminaliser la laïcité", avant de briser les portes en verre de la salle et de pénétrer à l'intérieur.

 

En proie à ces attaques, en butte à un cancer qui ne lui fait pourtant pas renoncer à faire avancer ses convictions, Nadia El Fani s’interroge : "Comment dire, exprimer, le désarroi des athées, agnostiques ou autres 'irréligieux', qui sont si impuissants face à l’oppression religieuse ?"

 

Nadia El Fani, au 64e Festival de Cannes, le 17 mai 2011 (FRED DUFOUR / AFP)

Nadia El Fani, au 64e Festival de Cannes, le 17 mai 2011 (FRED DUFOUR / AFP)

 

Et c’est là que le film de Nadia El Fani résonne avec les débats qui agitent la Tunisie post-Ben Ali. En effet, dans cette Tunisie où nombre de démocrates, face à la montée de l’islamisme, se raccrochent à l’héritage bourguibien laïcisant, singulièrement en matière de liberté de la femme, comment défendre la liberté de conscience sans laquelle la Tunisie libérée de son dictateur ne saurait être pleinement démocratique ?

 

En imposant à la société tunisienne un débat tournant autour des valeurs dont il estime qu’elles doivent être les siennes, le parti islamiste En-Nahdha a remporté une première victoire en se plaçant au centre du débat politique et en imposant aux partis démocrates de devoir se positionner par rapport à lui.

 

Certains estiment qu’il leur faut composer avec ce qui apparaît, pour l’heure, comme la première force politique du pays. D’autres jugent que l’on ne peut transiger avec une mouvance qui considère la démocratie comme impie et ne l’envisage que comme un moyen pour parvenir au pouvoir, à défaut d’être une fin.

 

Ce débat retentit curieusement avec celui qui, dans les années 1990, avait mis aux prises, en Algérie, les tenants d’une intégration du FIS au jeu politique et les partisans de son exclusion, au motif que l’islamisme est ontologiquement incompatible avec les principes démocratiques, avec le respect des libertés individuelles, et, plus encore, avec la conception de l’individualisme moderne. On connaît la suite…

 

Rached Ghannouchi, le leader d’En-Nahdha, n’a-t-il pas, à l’occasion d’une interview accordée le 2 août 2011 à la première chaîne de télévision égyptienne lors de l’émission "Sabah el kheir ya Masr", que l’objectif ultime des musulmans était "l’instauration du Califat", qui, s’il n’était nullement atteignable à court terme, n’en demeurait pas moins une ambition ?

 

Rached Ghannouchi, leader du mouvement islamiste Ennahdha, le 27 juin 2011 (Hassene Dridi/AP/SIPA)

Rached Ghannouchi, leader d'En-Nahdha, le 27 juin 2011 (Hassene Dridi/AP/SIPA)

 

N’en déplaise aux "prophètes" ayant annoncé "la mort de l’islam politique", les pays occidentaux semblent, d’ores et déjà, avoir pris la mesure de l’influence de l’islam politique aux lendemains du "Printemps arabe" (selon l’expression consacrée). Ainsi, notre ministre des Affaires étrangères, Alain Juppé, a-t-il déclaré, lors d’une conférence à l’Institut du monde arabe de Paris, le 16 avril 2011, qu’il espérait "réconcilier l’islamisme avec la laïcité"…

 

Comment, dès lors, les démocrates tunisiens pourront-ils contrer efficacement le parti islamiste En-Nahdha, lequel pourra brandir cette déclaration hasardeuse à l’envi ?

 

Quant à supprimer l’article premier de la Constitution, comme y invite Nadia El Fani, voilà ce que répond Rached Ghanouchi : "La Tunisie, à travers l’article 1 de sa Constitution, est un État islamique et non pas un État laïc. Toutes les élites tunisiennes sont d’accord pour conserver cet article. Pourquoi demander plus ?" 

 

Rached Ghanouchi a tout dit : il sait que toucher à cet article consisterait, pour les démocrates, à provoquer un casus belli avec, non seulement les islamistes, mais aussi avec les nationalistes arabes qui ont refait surface à la faveur de la chute de Ben Ali. Mais ne serait-ce pas à l’honneur de la Tunisie, que de supprimer cet article, qui, de Djeddah à Casablanca, pipe les dés d’une éventuelle démocratisation ?

 

À rebours des tenants du "choc des civilisations", à rebours du discours angélique concernant le "Printemps arabe", il se peut que la fin des despotes arabes ouvre une phase d’instabilité caractérisée par un "choc des valeurs" au sein même des sociétés arabes et, par là, au sein de la société tunisienne.

 

Laïcité Inch'Allah est un cri, lancé par Nadia El Fani. Pour l’heure, nombreux sont ceux qui le chuchotent dans leur for intérieur. C’est à nous, des deux côtés de la Méditerranée, notre bien commun, de lui offrir un porte-voix afin que les sociétés arabes échappent à la malédiction d’un obscurantisme mortifère auquel nous ne pouvons demeurer indifférents.

 

source : http://leplus.nouvelobs.com/contribution/191941;la-laicite-en-tunisie-inch-allah.html

 

 

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