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23 mai 2011 1 23 /05 /mai /2011 17:10

Depuis le 7 mai, 100 à 150 Tunisiens sans papiers et à "visa Schengen" dorment au gymnase occupé de la rue de la fontaine au roi et beaucoup d’autres y passent. L’occupation a été tolérée sans que la Ville ne fournisse rien aux occupants, contrairement à ce qu’indiquent ses communiqués et à ce que déclare à la presse Pascale Boistard, chargée de l’intégration des immigrés.

 

La mairie a fait savoir hier qu’un huissier viendrait ce jeudi constater l’occupation et qu’elle saisirait le Tribunal Administratif pour un référé expulsion... De nouveau, la mairie s’apprête à faire arrêter des migrants par la police.

Pendant que des centaines d’autres migrants Tunisiens errent dans les rues à Paris et en Banlieue, en butte aux rafles de la police, les occupants du gymnase ne mangent pas à leur faim.

  

 

Appel à la solidarité concrète, besoin crucial de nourriture midi et soir, de produits d’entretien, d’hygiène au 100 rue de la fontaine au roi, Métro Couronnes. Passez dès aujourd’hui pour faire nombre, soutenir et préparer la manifestation, prévenez collègues, amis et camarades.

 

 

Quelques considérations partielles sur le processus en cours.

En plein chantier, difficile de s’interroger de manière suffisamment explicite sur ce qui se passe. Et pourtant. Quels sont les axes de cette situation ? Les interrogations sur le "comment faire de la politique pour son compte", sur es modalités, les temps et les lieux d’une émergence collective, ont à aller à l’école de ce que ces Tunisiens (et ceux qui sont à leur côté) ont chaotiquement entrepris ; Et puis les "objectifs politiques", comme l’on dit classiquement, ce serait quoi ?

Tout comme le harraga brûle ce qui tient lieu d’embarrassante identité, ses papiers, et traverse la mer qui le sépare d’une autre existence, il faut peut-être que ceux d’ici apprennent eux aussi à brûler, et chacun peut-être à devenir harraga de soi-même.

 

 

La presse n’est pas sur cette voie, bien sûr. À la lecture de la dépêche AFP du 19 mai, reprise par Libération, La Mairie de Paris demande aux migrants tunisiens de quitter un gymnase, on pourra se demander à nouveau comment l’amplification du discours de locuteurs officiels (la menace du bâton policier par la Ville) parvient à remplacer toute investigation sérieuse. Ici, le réel c’est l’institué, l’information une activité de maintien de l’ordre. Toute forme d’attention écartée, sans jamais citer les textes des Tunisiens eux-mêmes, on tente encore d’accréditer la thèse selon laquelle ceux qui luttent sont nécessairement les jouets de forces obscures et dérisoires.

Paraphrasons Hegel, à l’instar de l’Histoire, la trajectoire micropolitique d’un collectif en voie de constitution avance sans doute elle-aussi par ses mauvais côtés. Les précédentes insultes de la mairie à l’encontre de Tunisiens « manipulés », lorsque la Ville a revendiqué l’expulsion de Bolivar, ont ainsi encouragé une production singulière d’énoncés (voir La lettre au président de la ville).

Qui voudra bien accorder une attention minimale à ce qui se joue avec cette lutte pourra y découvrir des enjeux et des problèmes "classiques" dont les termes sont profondément déplacés par l’expérience en cours.

 

On tend à (dis)qualifier la satisfaction de besoins matériels comme étant une « question humanitaire ». Ni la Ville, qui doit dépolitiser toute cause en la ramenant aux dilemmes d’un schématisme moral, ni la presse en charge de la défense et de la propagation des formes de vie capitalistes, ni nombre d’activistes ou de soutiens, au nom de la "critique de la survie" ou d’autres principes supérieurs, ne se privent de cette facilité. Mais il s’agit pourtant d’une question ("la matérielle") que toute forme d’auto-organisation doit affronter.

 

Cantine. Qu’il s’agisse pour ceux en lutte d’utiliser (ou pas) à leur profit les moyens humanitaires dont disposent les associations stipendiées, d’empêcher que la mosquée du coin viennent interrompre les assemblées en y distribuant des sandwichs, ou de constituer une caisse de solidarité, on se propose de garder en tête cette belle soirée (ou une autre, plus tard au squat du Bourdon où ils furent aussi accueillis), lors du premier repas confectionné par les Tunisiens lorsque certains d’entre eux étaient accueillis quai de Charente, le 29 avril dernier .

La salle d'ag du quai de charente qui servit de dortoir à des Tunisiens du 28 avril au 1er mai, en voie de destruction.

Les Français y furent... manipulés au point d’être interdits de cuisine. Ceux qui bien souvent travaillent dans le tourisme et la restauration, des activités quelque peu perturbées là-bas par le soulèvement et ses suites, étaient au travail. Pour tous, et pour pas un sou, vivre aussi bien que des Touristes, aussi bien que des Tunisiens, et mieux encore. Nous avons partagé de concert la ronde colorée de multiples kemia légères et roboratives, accompagnés de quelques plats plaisamment disposés. Voilà un de ces éclats de réalité sensible où se fonde une politique. L’une des choses à quoi sont attachés ces gens, et nous avec, par une habitude encore trop peu chronique et par imitation, se faire du bien, s’attabler, partager. 
Et l’on voudrait ici que par force chacun plie vers l’individu ? (voir : Individu et collectivité. Pour une philosophie du transindividuel)

 

Un trait. On les accuse d’avoir trahi la révolution alors qu’en fait ces Tunisiens la porte ici-même lorsqu’ils ils aspirent à ne pas subir l’atomisation qui règne ici et veulent s’assurer un mode de vie communautaire (et pas nécessairement un habitat en commun dans tel ou tel squat affinitaire, ou dans tel ou tel foyer régenté par d’autres logiques,…). Des espaces ou – comme c’est le cas « au pays » dans un espace public substantiellement différent de ce que nous connaissons ici– chacun n’est étranger à l’autre qu’à la mesure du contact possible et réel, d’interconnaissances, d’attachements partagés. Ils parlent de « foyer », c’est-à-dire d’un lieu où il est possible de se rencontrer, d’échanger des infos sur « la survie » (logement, emploi, répression), la lutte, ici et là-bas, et aussi dans les pays voisins », d’un lieu où l’on est certain de ponctuer/couper "la survie" par des temps plus riches (voir à ce propos Les Bourses du travail, berceau de l’identité ouvrière).
Comme souvent, le moyen est aussi une fin. Et c’est aussi en quoi cette lutte particulière revêt -dès cette surface où s’exprime la nécessité d’un lieu commun et non pas depuis on ne sait quel "fond des choses"- un contenu politique dont nous, les "à papiers", avons à apprendre, depuis nos propres besoins, aspirations et questionnements. Un lieu qui remplisse une fonction de « foyer de la lutte », est-ce possible ? Comment imposer que puisse exister ici une forme d’asile et d’hospitalité ?

 

La Ville de Paris ne propose rien de possible, mais après avoir fait expulser à Bolivar, elle semble se trouver en difficulté pour le faire à nouveau, déclarations humanistes et électorales aidant. N’oublions pas que pour cette politique là, qui est à l’exact inverse de ce que les assemblées espagnoles sont en train d’expérimenter en Espagne en investissant l’espace public,la com’, c’est à dire la colonisation des cerveaux pris un par un, est aux commandes. Suite à la chute fracassantes de DSK, Delanoë se repositionne dans l’écurie présidentielle socialiste. Sauf à se positionner à droite sur l’échiquier politique, être en quelque sorte l’égal d’un dirigeant international qui peut payer des millions de dollars une assignation à résidence pour éviter l’incarcération ne peut sans mal se conjuguer avec une attitude directement et ouvertement hostile à des migrants pauvres. L’affichage de contradictions trop spectaculaires ne serait pas de bon ton. L’usure de la droite de gauche est certaine et elle vient en outre de perdre son candidat naturel. 
Mieux vaut pour le maire de Paris contribuer à une tentative de normalisation politique et économique en Tunisie aux côtés des oligarques benalistes qui tiennent le gouvernement provisoire que de se montrer à nouveau rigoureusement homologue aux Hortefeux et autres Guéant. 

 


Dans le cas des harraga de Paris, et pourquoi pas pour tant d’autres ?, la présidentielle de 2012 va-t-elle pousser dès maintenant la gauche à lâcher du lest là où son pouvoir est déjà effectif, permettre des avancées minimales ? L’hypothèse n’est pas complètement à écarter.
Ce n’est pas sur une promesse d’ailleurs inexistante - la première réforme annoncée par le PS en cas de victoire est de nouveau celle des retraites, du travailler plus- que la gauche peut espérer tabler pour obtenir une victoire électorale. Peut-être y faudra-t-il des actes qui exemplifient une compréhension politique réelle et une prise en compte effective des enjeux sociaux et existentiels actuels. Ce que les socialistes n’ont grosso modo ni su ni voulu faire depuis les années 80’. La Ville, les conseils généraux qui gèrent le RSA et tant d’autres dispositifs d’encadrements des populations, sont des dimensions locales de l’État au niveau desquelles cette gauche détient une marge d’intervention non négligeable. Si elle se résout à ne pas y voir une forme d’apostasie de sa religion de "la réussite", du marché et de la concurrence, elle peut intervenir positivement ou, à tout le moins, éviter de châtier systématiquement tous ceux qui s’organisent sans respect aucun pour sa conception oligarchique de la politique. Mais nous sommes encore loin d’une telle conversion, quittons donc de ce pas cette succursale de LVMH, du FMI.

 

Le processus en cours parmi les harraga de Paris est hautement complexe, non linéaire. On le sait, l’auto-organisation, c’est pas de la tarte. Ce sont des apprentissages combinés, avec des accélérations inouïes et des reculs tout aussi incroyables (mais où est donc passé ce savoirdevenu insu ?).


Ce qui en Tunisie a été en capacité de destituer, défaire la loi, n’est pas du même ordre que ce qui permet d’inventer des modalités pour instituer, faire vivre une loi commune. À chaque problème sa méthode et pour l’éprouver, aller au vrai, beaucoup d’erreurs non pas condamnables mais nécessaires.


Peu des Tunisiens présents dans la lutte en cours ont l’habitude d’écrire, et – dictature oblige – de se réunir (de parler à tous et pour tous), de confronter des arguments pour décider ensemble ce qui vaut d’être fait, ce que l’on tient. Mais eux au moins ont un besoin de le faire qui n’est pas anesthésié par l’usure des révoltés d’une démocratie du "cause toujours" ou l’une des premières impuissances est celle de la faculté énonciative (on se refuse à dire car parler n’est plus que bruit sans conséquences, et vulnérabilité potentielle). 


Ces modalités instituantes du "comment faire de la politique pour son compte" ne sont pas du même ordre que le fait, tout aussi politique, de prendre la rue, attaquer/détruire des rouages de l’état, écouter ou prononcer des harangues, etc. comme le soulèvement Tunisien l’a fait depuis décembre dernier. Les puissances de la foule, et celles du/des collectif(s) sont différenciées, sans doute incommensurables.

Avec nos têtes pleines d’idées, pas toujours réceptives aux singularités, aux processus réels, nous pouvons avoir tendance à voir dans cette situation ce que les habitudes, l’imagination veulent bien y voir. Pas moyen de prendre en compte ce qui se joue sans un apprentissage en commun que divers savoirs préconstitués peuvent alimenter sans jamais pouvoir remplacer cet apprentissage là, forcément situé. (voir Le carrosse du commun et la citrouille individuelle : Qui sait ? Muriel Combes).

 

 

Provisoirement, commençons par nous rappeler ce qu’ils nous disent de l’agir en commun : Nous avons fait la révolution démocratique et sommes venus vous aider à la faire ici, non sans regarder du côté de l’Espagne et de ses campements en cours pour la démocratie réelle : Si vous nous ne nous laissez pas rêver, nous vous empêcherons de dormir.

 

 

Des objectifs...
« Des papiers pour tous » reste une formule adéquate pour dire une exigence cohérente face à la xénophobie d’état. Mais elle a déjà pour partie tourné à la formule creuse, usée, au stéréotype (quitte à y ajouter "ou plus de papiers du tout"), sans prise ni apport à la lutte concrète. Cette formule a été inventée en 1996 parce quelle était nécessaire au moment où des collectifs de sans-papiers se créaient dans le sillage de l’occupation de Saint-Bernard et où la tentation de revendiquer quelque chose sur la base de listes fermées des présents dans la lutte était forte, et renforcée par bon nombre de « soutiens français ». Nous sommes aujourd’hui bien loin de ce cycle de lutte alors naissant, et ne pouvons pas nous contenter (et les Tunisiens non plus) d’un tel mot d’ordre qui, si il reste nécessaire, est de moins en moins suffisant. Ils veulent aller et venir, d’ici à la-bas. Cela s’appelle libre circulation. Et cela peut aussi se traduire par l’exigence d’une carte de séjour d’un an.

On sait que le cadre de "l’immigration choisie" a succédé aux régularisations collectives obtenues par la lutte. Les mobilisations récentes se sont d’ailleurs pour partie situé dans cet espace avec des grèves de sans papiers visant à la régularisation à partir de l’emploi effectué, sans que soit obtenu davantage que des régularisations isolées. À conditions constantes -ce que favorise la période pré-électorale- on voit mal comment la régularisation pourrait être autre chose qu’une affaire de patience, de chance, de débrouille individuelle (comment rentrer dans les clous si étroits ?). 
Pour contourner cet obstacle, des Tunisiens réclament que soit respectée une convention qui lie la France à la Tunisie et qui prévoit 9000 visas pour des séjours de formation, effectif qui n’est absolument pas atteint actuellement.
On ne dressera pas ici, dans un premier temps, le panorama des contraintes qui s’opposent à une victoire par régularisation, ni des pistes tactiques qui s’esquissent pour avancer dans cette voie.

Que si peu de monde à Paris se soit solidarisé avec la lutte en cours tient certainement pour partie à l’idée que le pari serait intenable ; et, sans doute, l’informalité du collectif qui est en train de se constituer tout étant en butte à la répression, à la guerre de com’ de la Ville et du gouvernement, est-elle elle aussi un filtre peu fonctionnel à un tel élargissment.

Sans doute ces perspectives, les manières de se lier à d’autres vont-elles évoluer, au fil de l’expérience, sous l’impulsion des Tunisiens.

Cela parait impossible, nous avons fait l’impossible, disent-ils. Accordons-leur, et nous avec, de la confiance. Soyons à leurs côtés et faisons partout savoir ce que le discours officiel a pour fonction de taire et d’empêcher : il est possible et nécessaire de s’organiser pour ne pas crever, jetés que nous sommes dans les eaux glacées du calcul égoïste.

 

19 mai :

Modeste contribution joyeuse à la lutte des Tunisiens de Lampedusa à Paris et ailleurs

 

21 mai :

Matin : Lors de "la fête du jasmin", destinée à promouvoir la "Tunisie nouvelle" (tourisme, immobilier), place de l’Hôtel de Ville, Delanoë est interpellé publiquement. Il répond qu’il s’occupe des Tunisiens et les aime... pendant que les manifestants sont évacués manu militaripar les services de sécurité de la Ville et de police.

 

 

La manifestation Porte de la Villette a été interdite. La préfecture utilise une variante de l’"argument" fabriqué par la Ville lorsqu’elle a justifié l’intervention policière commanditée contre l’occupation de l’avenue Simon Bolivar en expliquant ne pas viser essentiellement des Tunisiens "manipulés" mais ceux qui se sont portés à leurs côtés... Cette fois, c’est du Guéant : on cherche à contrôler les "anarcho-autonomes". Effroi dans les chaumières, soulagement dans les châteaux.
Gros, bien gros dispositif policier, Bac par dizaines, présence de services anti-terroristes (?), bleus en pagaille. Un Tunisien blessé par la police aux abords du square est évacué par les pompiers. Peu de "à papiers" présents, à l’exception de ceux qui ont été aux côtés des Tunisiens en lutte.
Près de 70 arrestations.
Tout le monde est sorti du commissariat.

 

 

 

Une réunion aura lieu mercredi 25 mai à 19h, le lieu sera précisé sous peu (voir ci-dessous le lieu ) 

 

Contre-révolution tunisienne, retour de flammes et diaspora

À Lyon : Messages de soutien aux tunisiens

Avant :

Les Tunisiens sans papiers occupent un gymnase rue de la Fontaine au Roi - Appel à soutien

Non à l’appropriation bourgeoise du soulèvement populaire en Tunisie !


La coordination a dû déménager le 5 mai 2011 pour éviter une expulsion et le paiement de près de 100 000 € d’astreinte. Provisoirement installés dans un placard municipal de 68m2, nous comptons faire respecter l’engagement de la Ville, obtenir un relogement qui permette de maintenir et développer nos activités.

Pour contribuer à la suite :

• faites connaître et signer en ligne Nous avons besoin de lieux pour habiter le monde.

• indiquez à accueil@cip-idf.org un n° de téléphone afin de recevoir un SMS en cas d’action pour le relogement.

 

 

Publié par : (http://www.cip-idf.org/)

 

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Mercredi 25 mai

 

19h Réunion avec les Tunisiens de Lampedusa

au CICP, 21 ter rue Voltaire, M° rue des boulets, ligne 9.

 

Parmi les questions envisageables :
Après la manifestation interdite par la police samedi 21 mai, comment renforcer les liens entre ceux du gymnase, ceux du "jardin" porte de la Villette et les autres ?
Une caisse de solidarité, pourquoi, comment ?
Un nouveau tract
Mobilisation pour la manifestation contre le racisme et pour la régularisation du samedi 28 mai (à 14h à Barbes)
...


Pas montré pas dit par les mass media : un clic sur l’image ci-dessus et l’on peut lire la réponse des Tunisiens en lutte à la ville, au Gymnase de la rue de la fontaine au roi, Métro Couronnes.

 

Source :  (http://www.cip-idf.org/)

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  • : ThalaSolidaire est dédié à la ville de Thala, ville phare de la Révolution tunisienne. Thala est une petite agglomération du centre-ouest de la Tunisie. Elle est connue pour son histoire antique, ses sources, ses carrières de marbre, devenues une sorte de tragédie écologique et économique, sa résistance et sa misère. Thala solidaire a pour objectif de rassembler toutes les voix INDIGNÉES pour donner à cette terre ainsi qu'à toutes autres terres un droit à la vie et à la dignité…
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