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6 mars 2011 7 06 /03 /mars /2011 16:01
Les mauvaises connexions de France Télécom en Tunisie

Associé dans Orange Tunisie au gendre de Ben Ali, Marouane Mabrouk, l’opérateur est accusé d’avoir surpayé sa participation.

Par Catherine Maussion

 

La présence d’Orange en Tunisie n’en finit pas de susciter des questions. Surtout depuis les accusations portées par le site d’investigation Owni, soupçonnant l’opérateur d’avoir fait des «cadeaux» à Marouane Mabrouk, le gendre de Ben Ali, dont les biens viennent d’être saisis. Et d’abord celle-ci : Orange a-t-il surpayé sa participation dans Orange Tunisie qu’il détient à 49%, aux côtés de Mabrouk ? C’est la thèse que défend Owni. Vendredi, la direction d’Orange réagissait en disant étudier «toutes les options juridiques lui permettant de défendre ses intérêts et son image afin de poursuivre sereinement ses activités en Tunisie». La CFE-CGC-Unsa est aussi montée au front, demandant que «toute la lumière soit faite sur les conditions de constitution d’Orange Tunisie».

Une nouvelle fois dans le collimateur du syndicat, Didier Lombard, PDG au moment du développement des relations d’affaires avec Mabrouk. Les investissements à l’international ont toujours été le pré carré du dirigeant. Lors d’une conférence à Sciences-Po, il y a un an, il expliquait avec sa faconde habituelle comment les grands opérateurs s’étaient partagés le monde : «Nous [France Télécom, ndlr], c’est l’Afrique et le Maghreb. Et ce n’est pas un jeu pour les débutants.» Il parlait sans doute d’expérience.

Partenaire. L’engagement d’Orange en Tunisie remonte à presque dix ans. En 2001, quand France Télécom crée Wanadoo, l’un des tout premiers fournisseurs d’accès Internet en Tunisie, son partenaire est déjà Mabrouk. A cette époque, il est marié depuis cinq ans avec Cyrine, la fille de Ben Ali, née d’un premier mariage. Aussi, quand Orange veut se lancer dans le mobile, c’est tout naturellement qu’il poursuit son association avec Mabrouk. L’investissement est coûteux. Il se fait dans le cadre d’une société de Mabrouk, Divona Telecom. France Télécom y injecte 95 millions d’euros pour 49% du capital - il est interdit en Tunisie d’être majoritaire d’une société de télécoms si l’on n’est pas du pays. Mabrouk prend le contrôle et la société est rebaptisée Orange Tunisie. C’est cette opération qui est critiquée par Owni : France Télécom aurait surpayé sa part, faisant un cadeau à Mabrouk de 25 millions d’euros. De fait, on retrouve ce chiffre dans les comptes détaillés de l’opérateur pour 2009 (pp. 385). Alors que ce dernier vient de souscrire à l’augmentation de capital de Divona Telecom, il corrige à la baisse quelques mois plus tard la valeur de son acquisition et cet «écart de comptabilisation», est précisément de 25 millions d’euros. Troublant.

Vendredi l’opérateur se défendait : «Nous avons mis 93 millions d’euros dans Divona Telecom, et Mabrouk a mis 44 millions d’euros, ajoutés aux 52 millions d’euros d’actifs existants à l’époque dans sa société.» D’où le partage au cordeau, 49% pour France Télécom et 51% pour Mabrouk, correspondant strictement aux apports. Quant aux corrections a posteriori de la valeur de la société dans le bilan : «C’est une pratique courante que de réviser régulièrement les valeurs d’acquisition.» Dont acte.

Reste la personne de Mabrouk. Interrogé par Challenges, le 27 janvier, Stéphane Richard dédouanait alors avec force une famille«dans les affaires depuis 1948 [qui] n’a pas été associée aux quinze dernières années du régime». Et qui «n’a aucun lien avec la famille Trabelsi», celle de la sulfureuse épouse de Ben Ali, Leïla, honnie des Tunisiens. Il n’empêche, Mabrouk se trouve sur la liste des 110 personnes soupçonnées de corruption et ses avoirs ont été saisis par les autorités tunisiennes de transition.

«Bonne foi». Dans les milieux économiques de Tunis, un conseiller français s’interroge : «Qui nous dit que les 130 millions d’euros qu’Orange Tunisie a versés à la Banque centrale tunisienne pour acheter la licence 3G [elle a été vendue aux enchères en juin 2009, ndlr], comme l’affirme Stéphane Richard, n’ont pas été détournés ? Moi, je crois à la bonne foi de Richard, mais on a le précédent de l’affaire Ennakl.» Ennakl est cette société d’importation de grosses cylindrées rachetée à l’Etat tunisien par Sakhr el-Materi, mais dont le chèque libellé à l’ordre de l’Etat n’a jamais été encaissé…

En attendant la clarification sur Mabrouk, l’activité d’Orange Tunisie continue. Vendredi, dans l’entourage de Elyes Jouini, ministre éphémère chargé des Réformes économiques du gouvernement démissionnaire, on cherchait à rassurer. «Il y aura des investigations judiciaires sur la façon dont les biens ont été acquis. Suivies de confiscations. La clarté sur les 182 entreprises possédées par les 110 personnes sur la liste va prendre du temps. Cela représente beaucoup d’emplois et de clients.» Celle de Mabrouk y figure. Pour l’heure, Orange Tunisie est dirigée par un administrateur provisoire.

 

Lien : http://www.liberation.fr/economie/01012323801-les-mauvaises-connexions-de-france-telecom-en-tunisie

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commentaires

G
<br /> Que les français s'occupent de leurs affaires et laissent les tunisiens régler eux mêmes leurs problèmes!<br /> <br /> <br />
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