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1 février 2012 3 01 /02 /février /2012 05:44
Marche des libertés, une victoire en trompe l'œil
 

Manifestation pour les libertés, 28 janvier 2012 (Amine Landoulsi)

Samedi, environ 10 000 personnes ont défilé à Tunis et quelques milliers à Sfax pour protester contre les agressions des salafistes et les menaces que représente pour les libertés la pression croissante des islamistes sur la société.

Le problème atteint en effet les dimensions d'un phénomène. La faculté de la Lettres de la Manouba, dans la banlieue de Tunis, est depuis le mois de décembre sous la pression de quelques dizaines militants politiques qui veulent faire admettre moins d'une demi douzaine d'étudiantes en niqab. Un groupe de salafistes a imposé sa loi sur la petite ville de Sejnane.

Deux librairies de Tunis ont reçu des menaces directes, l'une parce qu'elle vend des ouvrages chiites, l'autre parce qu'elle met en vitrineun ouvrage représentant des femmes aux bains, des enseignants sont menacés parce qu'ils ont la réputation d'être athées.

Lundi dernier, en marge du procès Nessma, deux écrivains ont été agressés par des militants particulièrement agressifs.

Ennemis de l'islam

Les salafistes, partisans d'un retour à l'islam de l'époque du Prophète, représentent une tendance extrêmement minoritaire de l'islam tunisien. Mais leur influence s'étend au-delà des milieux les plus idéologisés et une partie de la société tunisienne est gagnée par un puritanisme extrême et inquisiteur.

Quant à Ennahdha, à force d'appeler les électeurs à voter pour des gens qui craignent Dieu, il a contribué à installer l'idée que ses opposants sont des ennemis de l'islam. Le parti islamiste a condamné les agressions de lundi, mais il n'a, jusque là, posé aucune limite à l'activisme des radicaux et le met sur le même plan que les mobilisations sociales, et certains de leurs cadres (dont Sadok Chourou) font preuve de mansuétude à leur égard.

C'est contre cette dérive et cette complaisance que s'est tenue la manifestation de samedi. La plus importante à Tunis depuis un an.

Le symptome d'un échec

Ce succès a rassuré, sur leur capacité de résistance, ceux qu'inquiète les menaces sur les libertés. Mais cette victoire est le symptome d'un échec.

Dans l'affaire de la basilique du Kef, un groupuscule avait réussi à mettre au cœur des discussions de la ville la question de savoir s'il fallait redonner à un monument archéologique sa fonction de mosquée. Rien qui puisse améliorer en quoi que ce soit la vie d'un seul Tunisien et qui condamne la société à un conflit insoluble.

C'est le même piège, cette fois à l'échelle nationale, dans lequel les partisans d'une réislamisation rétrograde de l'espace social ont enfermé le débat politique tunisien.

Un problème essentiel et artificiel

Les passions se déchainent pour un sujet essentiel, certes, la relation entre identité et liberté, mais totalement artificiel au regard des problèmes bien connus à l'origine du soulèvement populaire : les perspectives sociales de la jeune génération, la transparence du pouvoir, le respect des libertés publiques, la prédation de l'économie par les clans proches du pouvoir… et qui constituent les vrais défis pour la réussite de la démocratisation.

Ce débat sur la relation entre liberté et religion est une question inflammatoire, une démangeaison qu'on ne peut ignorer, mais qui s'aggrave chaque fois qu'on y touche jusqu'à monopoliser toutes les défenses immunitaires de l'organisme.

Toute l'énergie mobilisée dans ce combat imposé ne l'est pas pour agir auprès des jeunes chômeurs, pour imaginer des réponses rapides à leur détresse, pour que les institutions sécuritaires soient réformées sereinement et en profondeur, au lieu d'être l'objet de négociations occultes, pour que les filles des familles pauvres puissent poursuivre leur scolarité, pour que le tourisme valorise le potentiel d'un pays superbe au lieu d'avilir son littoral, etc.

L'opposition prisonnière du court terme

Faute de se construire sur une proposition, l'opposition se retrouve sur la défensive, cantonnée à des réactions au coup-par-coup, émotionnelles, à l'activisme des salafistes et aux déclarations des membres d'Ennahdha.

Prisonnière du court terme, absente du terrain social, en laissant le quasi-monopole du travail de proximité au réseau militant du parti islamiste, elle ne parvient pas à émettre des signaux qui permettraient aux Tunisiens d'entrevoir une alternative et une solution à leurs problèmes.

Une revendication socialement connotée

Ce que révèle enfin cette manifestation c'est que désormais la défense des libertés, qui était l'une des motivations de la révolution, n'est désormais portée que par une partie de l'opinion, qu'elle est socialement connotée à une classe relativement privilégiée inquiète pour son mode de vie – les fameux 0,00 % dont se gaussent les sympathisants nahdhaouis.

Revendiquer la liberté d'expression est désormais associé à l'impiété et à la défense des bénéficiaires de l'ancien régime, immoraux et vendus à l'Occident. L'idée sur laquelle prospère Ennahdha est qu'il faut limiter la liberté d'expression sous peine de porter atteinte à la religion.

Sortir du piège

Rester sur le mode de la réaction, traquer de manière quasi obsessionnelle la moindre erreur du gouvernement, ne se soucier des laissés pour compte que pour donner un cachet social à leurs revendications politiques, ne permettra pas aux forces «  progressistes  » de sortir du piège où les ont enfermées les islamistes radicaux.

Si le combat pour la liberté n'est évidemment jamais superflu, l'urgence est de d'entreprendre un travail de proximité et de reconnecter cette question à un projet de société incarné dans des figures locales crédibles et des résultats tangibles.

source rue89

 

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La manifestation de samedi vilipendée par les «ultras» de tous bords


Au nom de quoi le combat pour les libertés, contre la censure et le néopotisme, serait «secondaire»?

 

par Gilles Dohès

 

Si l’on en juge par le nombre de ses participants (plusieurs milliers de personnes, les chiffres divergent) et par le pacifisme de son déroulement, l’on peut considérer que la manifestation, organisée samedi 28 janvier à l’initiative de plusieurs mouvances de l’opposition, a été un franc succès. Tant mieux pour eux.

 

Cependant la manifestation a aussi attiré son lot de critiques acerbes et de traits pernicieux et elle s’est ainsi vue qualifiée de manifestation de « nantis », de « privilégiés » ; certains criant même à l’indécence, arguant du fait que la liberté d’expression,ou de culte, ou le droit à l’éducationest parfaitement secondaire au regard de ceux qui ont le plus grand mal à satisfaire ne serait-ce que leurs besoins primaires (s’alimenter, se loger, se vêtir, etc.)

La théorie férocement ethnocentrée de la division des besoins, que la communauté scientifique remet périodiquement en cause, n’en finit pas d’occasionner des malentendus, parfois volontaires. Car son essentialisme forcené ouvre, par exemple, un boulevard plus qu’accueillant aux théories racistes voulant que les voleurs ou les revendeurs de drogue soient tous « des noirs ou des Arabes »...

Par ailleurs, il est surprenant de constater les réflexes de censure et d’autocensure qui sont toujours présents dans certaines mentalités ; l’on pourrait y décelerune illustration frappante de ce que Pierre Bourdieu nommait « la violence symbolique, cette violence qui extirpe des soumissions qui ne sont même plus perçues comme telles ».

 

La manifestation de samedi dernier est certes critiquable, l’on peut honnir ses organisateurs, vilipender les embouteillages qu’elle n’a pas manqué d’occasionner, hurler à l’obscénité de ses finalités, bien sûr. Mais au nom de quoi le droit au savoir, le libre accès à l’information, la lutte contre la censure, le rejet du népotisme seraient-ils du domaine du « secondaire » ?

 

Un individu ayant un toit sur la tête et de la semoule dans son assiette, mais étant condamné à exercer le même métier que son père et voyant son propre fils emprunter le même itinéraire par faute de fluidité sociale et, de plus, étant engoncé dans une tradition lui interdisant la moindre réflexion personnelle ou le moindre cheminement intellectuel en dehors de l’orthodoxie, serait-il un individu sereinement épanoui ? La liberté de la presse, la liberté de culte, l’indépendance de la justice et le droit à un enseignement de qualité ne participent-ils pas au bien-être de chacun, toutes catégories sociales confondues ? Cette volonté de disqualifier les uns au profit (?) des autres cache bien souvent une timidité politique ou une hypocrisie rarement assumée, celle de préférer une vision conservatrice de la société et après tout pourquoi pas ? Encore faut-il avoir le mérite et la clarté de ses ambitions.

 

A une époque pas si éloignée de nous, certains nantis se goinfraient sur le dos de tout un peuple en ne créant au passage que de menues résistances éparses, d’ailleurs d’autant plus remarquables, mais cette période a été suffisamment longue pour instiller dans les têtes un fatalisme propice à une certaine subjectivation. Et ainsi les Tunisiens, bien entendu, étaient condamnés à la poigne de fer de l’autoritarisme et à la « débrouille » vécue au quotidien, notion de « débrouille » devenue tellement vitale qu’elle en acquérait presque une aura génétique, car lorsque des situations perdurent durant de trop longues périodes la tentation est grande de les naturaliser, et ce faisant l’on oblitère toute la série des processus sociaux qui ontété nécessaires à leur concrétisation. C’est un procédé communément exploité par tous les tenants du libéralisme qui souhaitent neutraliser toute réflexion économique en dehors de leur doxa, extra ecclesiamnullasalus.

 

La manifestation de samedi dernier a ceci d’extraordinaire qu’elle a réuni des citoyens qui, apriori, ne ressentent pas le besoin de descendre dans la rue puisqu’ils font partie de la caste de ceux qui n’ont besoin de rien, mais il fallait être totalement aveugle pour ne pas constater à quel point le public présent était socialement métissé. Jeunes, vieux, aisés et moins nantis se côtoyaient sans l’ombre d’un problème et tous se reconnaissaient dans les revendications scandées.

Sauf erreur, l’appel à la manifestation avait été lancé au peuple tunisien dans son entier et les préoccupations à l’origine du rassemblement ne concernaient ni une couche sociale déterminée, ni une corporation venue défendre son pré carré… Quant aux privilégiés venus au rendez-vous (il y en avait), ils prenaient peut-être le risque insensé de mettre leur prestige dans la balance en participant à un tel évènement et ce, dans l’espoir qu’il profite au plus grand nombre.

 

Evidemment, pour ceux qui pensent que la liberté d’expression, la solidarité, la justice, l’éducation, l’accès aux soins sont des notions exclusivement réservés à une poignée de nababs ventripotents vautrés au fond des Cadillac ou des palais, la manifestation a fourni un cinglant démenti.

La Tunisie

 vit des heures cruciales et, pour le moment du moins, seule importe la cohésion nationale, la collectivité est ce que l’on en fait et le défaitisme n’a pas droit de cité, car l’on ne pourra plus dire que l’on ne savait pas ce qu’il pouvait donner.

source letemps

 

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Neuf partis fusionnent pour créer le «Parti Al Watani Ettounsi»

 

Neuf partis créés au lendemain de la révolution du 14 janvier ont fusionné pour fonder le «Parti Al Watani Ettounsi».

 
Il s’agit du Parti Libre Destourien Démocratique, le Parti Al Mostakbal, le Parti Réformateur Destourien,  AL Watan El Hor, l’Union Populaire Républicaine, La Coalition Pour la Tunisie, la voix du Tunisien, le Mouvement Progressiste Tunisien et le Mouvement de la Tunisie Nouvelle.


Dans une déclaration publiée, lundi, les partis signataires soulignent qu’en dépit de leurs différences et leurs diversités, ils se sont «rassemblés autour du projet moderniste tunisien issu du mouvement réformiste tunisien».
Cette décision, précise la déclaration, est «issue d’une lecture de la réalité politique tunisienne et de ce qu’ont révélé les élections de la Constituante» relevant «la défaite du courant progressiste conséquent à l’émiettement de ses forces et de la multiplication de ses leaderships ». 


Dans un «Manifeste politique fondateur», publié, également lundi, le «Parti Al Watani Ettounsi» se dit «fier du leadership de l’approche Bourguibienne dans l’édification et l’élaboration des contours de ce projet moderniste et de la contribution précieuse des différents autres courants patriotiques et modernistes». (TAP)

source maghrebemergent


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