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3 mars 2012 6 03 /03 /mars /2012 01:34

Entretien avec Yiadh Ben Achour


 

Yiadh Ben Achour (c) Thierry Brésillon
Yiadh Ben Achour (c) Thierry Brésillon

Professeur de Droit public en Tunisie, Yiadh Ben Achour est aussi spécialiste de la philosophie de l’islam. Il a été appelé à présider la Haute Instance pour la réalisation des objectifs de la Révolution, sorte de Parlement consultatif provisoire, en attendant l’élection de l’Assemblée constituante.

« Désacraliser le politique et  dépolitiser le sacré » Entretien réalisé par Thierry Brésillon avec Yiadh Ben Achour à Tunis fin février 2012 pour La Chronique, le mensuel d'Amnesty International France.

Au vu des résultats des élections du 23 octobre 2011, on peut se demander si la Haute Instance chargée de la réalisation des objectifs de la Révolution que vous avez dirigée, était conforme à la volonté populaire.
La Haute Instance était chargée de préparer le cadre juridique de la transition et notamment des élections. Ce qu’elle a fait. Il est vrai que nous n’en sommes plus là aujourd’hui. Le résultat des élections ne correspond pas au message de la Révolution. Il y a une très nette différence entre le peuple de la Révolution – des jeunes, plutôt instruits, incontestablement du côté de la démocratie, – et le peuple des élections, conservateur. Mais la notion de peuple est abstraite.

 

Comment s’explique ce hiatus entre la société civile et ce qu’a exprimé une majorité d’électeurs le 23 octobre ?


C’est une donnée ancienne de la vie politique tunisienne. Les deux pôles, modernisateur et traditionaliste, sont présents depuis la moitié du XIXe siècle et le choc de la confrontation avec la puissance impériale européenne. Pendant des siècles, les grandes civilisations ont marché d’un même pas. Puis, au XIXe, l’Europe a pris une nette avance sur le plan scientifique, militaire, organisationnel, urbain… Le réformisme musulman a répondu à ce défi en tentant de prendre à l’Occident tous les aspects notamment militaires, scientifiques, technologiques et constitutionnels qui expliquent sa puissance, mais dans la mesure où cela ne viole pas de manière trop flagrante nos traditions et notre loi religieuse.

Depuis, la société a perdu son monolithisme culturel et nous sommes partagés entre ces deux pôles. Notre pensée, notre existence matérielle, notre façon de manger de boire, de nous vêtir, tout cela manifeste toujours un dualisme. Parfois cette contradiction se règle dans la crise, parfois dans la négociation, parfois dans un conflit très dur. Cette dialectique va continuer à nous agiter longtemps et le rapport entre les deux dépend des forces politiques. Entre le début et la fin de l’année 2011, nous avons vu se développer ces deux pôles. Maintenant que la société est libérée et que tout le monde a le droit de s’exprimer, ce conflit séculaire entre nous rejaillit, et de manière assez tendue. À la faveur de cette liberté on voit aussi surgir des extrémistes, à la périphérie du courant traditionaliste. Mais ce ne sont pas les extrêmes qui dirigent les sociétés. Ils sont toujours perdants, même s’ils ont une visibilité extraordinaire, elle est disproportionnée. Les gens qui s’agitent autour du niqab, de l’excision… ne représentent même pas 1 % de la population.

 

La Tunisie peut-elle réussir une synthèse entre la modernité et son identité ?


On ne peut pas rester éternellement dans le conflit, mais cela ne va pas se résoudre en quelques mois. La modernité en Europe a mis quatre siècles à s’élaborer à partir des premières lueurs de la Renaissance italienne, et ne s’est cristallisée qu’au XIXe siècle.


La Révolution n’a pas résolu nos contradictions. Elle nous a ouvert les voies de la liberté et de la discussion. Mais aussi celles du conflit. C’est ce que nous sommes en train de vivre. Lors de l’Indépendance, en 1956, le courant moderniste de Habib Bourguiba l’a emporté sur le courant traditionaliste et religieux, et il s’est maintenu depuis par l’autoritarisme et la violence d’État. Maintenant que la Révolution a mis fin à ce recours à la violence, les contradictions rejaillissent et nous devons les regarder en face. C’est beaucoup plus sain qu’une société résolve ses problèmes dans la contradiction, plutôt que par la violence et la coercition, en mettant les ennemis de l’État en prison, en les exécutant ou les torturant. Si nous parvenons à résoudre ces contradictions par le dialogue, la démocratie dans une sorte de crise perpétuelle, nous trouverons la synthèse. En revanche, si nous tombons dans la violence, c’est la guerre civile, et cette hypothèse n’est pas exclue.


Sur un plan conceptuel, la pensée des droits de l’Homme peut-elle s’articuler avec la religion musulmane ?


Il n’y a pas de conception islamique unique, comme dans toute religion. Dans mon ouvrage La deuxième Fatiha (1), je démontre que la philosophie des droits de l’Homme correspond tout à fait à l’esprit révolutionnaire du premier islam. L’islam a été une révolution contre le système inhumain de l’Arabie des tribus, où l’on enterrait les petites filles vivantes. C’était un cri de révolte du Prophète, tendu vers la sacralité de la vie, l’égalité et la liberté. Comme toute religion à sa naissance, l’islam a été une révolution. C’est en s’insérant dans la société que l’islam est devenu ce qu’il est, une gangue qui emprisonne l’esprit et la liberté. Ce que je propose c’est de revenir à ce premier islam, à cet élan révolutionnaire, à l’esprit. Le malheur de l’islam actuel, c’est qu’il s’attache davantage à la lettre. Tous ceux qui lisent le Coran comme un code juridique ont totalement tort, il faut voir, derrière le texte, la lumière de l’élan initial. Cette recherche de l’esprit de l’islam, cela fait un siècle et demi que des penseurs l’ont entreprise. Les mouvements de libération nationale l’ont poursuivie. Les grands auteurs réformistes, comme Mohamed Iqbal ou Tahar Haddad, ont répété : sachons capter l’esprit de l’islam au-delà du texte dont l’interprétation dépend de circonstances historiques.


Aujourd’hui encore, il existe au Canada, aux États-Unis, en France et dans les terres historiques de l’islam, une production doctrinale importante dans ce sens, de bonne qualité et d’un grand attrait sur le monde musulman. La force des salafistes [courant fondamentaliste partisan de la restauration du califat, ndlr] vient de ce qu’ils sont suivis par la majorité des démunis, qui vivent dans des conditions sociales pénibles et trouvent dans ce mouvement une réponse à leurs frustrations. Ils ne se reconnaissent pas dans les idéaux de la démocratie et des droits de l’Homme, alors qu’ils manquent de choses primordiales. Pour pouvoir penser la démocratie et les droits de l’Homme, il faut avoir le ventre plein, ne pas connaître la souffrance physique, la misère, parce que la misère matérielle entraîne la misère spirituelle. Ce qui est tragique, c’est que plus de cinquante ans après les Indépendances, nous n’avons pas résolu le problème du sous-développement économique et social.

 

L’idée d’un mouvement islamo-démocrate, comme on parle de chrétiens-démocrates, correspond-elle à une réalité ?


Oui ! Sur le plan conceptuel c’est possible et je connais, au sein du mouvement Ennahdha, des cadres qui sont de vrais démocrates dans l’âme. Je ne parle pas de démocrates stratèges qui n’adoptent les formes démocratiques que pour améliorer leur position politique. Le fond resurgira toujours. Mais il y a dans la direction d’Ennahdha des gens ouverts qui font de la démocratie une référence égale à leur foi, qui croient qu’une société islamique peut être conçue comme une société démocratique dans laquelle les deux pôles religion et démocratie peuvent marcher ensemble. Ces islamistes-là sont déjà des croyants du for intérieur. C’est-à-dire qu’ils situent la religion au niveau de la conscience personnelle et laissent tout le champ des problèmes sociaux, politiques juridiques, au niveau de l’État, pour qu’ils soient discutés horizontalement entre des citoyens libres. Musulmans laïques, ils désacralisent le politique et dépolitisent le sacré. Le problème c’est qu’ils sont sous la pression de la base. En effet, d’autres profitent des libertés que la Révolution nous a offertes pour jouer aux hypnotiseurs, mais en Tunisie, ça ne durera pas longtemps car le peuple est conscient des véritables défis.

 

Pourtant le discours de rupture avec les références occidentales rencontre un écho favorable. La Révolution pourrait-elle déboucher sur un rejet de l’universalisme ?


Au contraire, le plus grand effet de la Révolution c’est d’avoir montré que l’idée démocratique et la philosophie des droits de l’Homme ne sont pas une invention occidentale. C’est l’humanisme, pour qui l’homme vaut la peine que tout soit mis en œuvre afin de garantir les conditions de son épanouissement physique et culturel. Sa progression, même très lente, est patente. Et les religions doivent toujours rendre compte devant le tribunal du progrès. C’est ainsi qu’on est arrivé à abolir l’esclavage, à faire reculer la polygamie, les traitements dégradants dans le droit pénal islamique… Les partisans des droits de l’Homme peuvent perdre des batailles dans l’immédiat, mais ils disposent d’une légitimité morale supérieure : celle de l’humanisme toujours ressuscité, et d’un islam sans soumission.

(1) La deuxième Fatiha. L’islam et la pensée des droits de l’Homme. PUF, 2011

 

propos recueillis par Thierry Brésillon

source amnesty.fr

 

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Débat très civilisé entre députés de diverses orientations politiques : PDP, Ennahdha et le CPR


 

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La charia inscrite dans la future Constitution ?
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L'Assemblée nationale constituante au palais du Bardo (Thierry Brésillon)

Le débat sur la place de la religion a surgi dès les premières séances de travail des commissions de l'Assemblée constituante et certains députés proposent d'y inscrire la charia et d'affirmer le caractère islamique de l'Etat. Pourtant, Ennahdha avait affirmé ne pas vouloir toucher au statu quo.

«  La religion sera absente de la nouvelle Constitution tunisienne. »

« Nous sommes tous d'accord pour conserver l'article 1er de l'actuelle loi fondamentale, qui déclare que l'islam est la religion et l'arabe la langue officielle du pays. Cela n'a aucune implication légale. Il n'y aura pas d'autres références à la religion dans la Constitution.  »

Voilà ce que déclarait Rached Ghannouchi, le leader historique d'Ennahdha, à l'époque où le parti islamiste avait encore besoin de rassurer, le 4 novembre dernier, un peu plus d'une semaine après l'élection de la Constituante.

La charia source de la loi

La commission chargée notamment du Préambule et des principes fondamentaux n'en est pas encore au contenu, mais les questions de fond ont surgi immédiatement. Et c'est un tout autre langage que l'on entend. Sadok Chourou, considéré comme l'un des plus fondamentalistes du parti islamiste Ennahdha, y a d'emblée déclaré :

« Le Préambule doit mentionner la charia comme la principale source du droit. »

Ce n'est qu'à moitié une surprise puisque, circule depuis fin janvier une version officieuse du projet d'Ennahdha dont l'article 10 prévoit que la charia islamique sera la référence essentielle de la loi, tandis que l'article 126 de ce projet prévoit la création d'un Conseil suprême islamique, autorité constitutionnelle indépendante, apte à émettre des fatwas (avis religieux) selon la loi islamique.

Plus explicite, le même Sadok Chourou a précisé lors d'une interview :

« Les législateurs devront se référer à trois piliers essentiels : le Coran, la Sunna et un conseil d'oulémas (savants religieux), dont le rôle sera de trancher sur les points de la charia sujets à différentes interprétations ou qui ne trouvent pas une réponse claire dans le Coran ou la Sunna. La religion d'Etat est l'islam, et considérant que le peuple tunisien est musulman, il ne verra aucun inconvénient à ce que la charia soit appliquée.  »

Tout en réfutant l'idée de modifier l'article 1, Rached Ghannouchi a suggéré d'ajouter un article à la Constitution pour interdire la promulgation de lois qui constituraient une offense à l'islam. Ce qui, au fond, revient au même.

La position du mouvement Ennahdha n'est pas encore définitivement arrêtée, mais de toute évidence, la pression est forte pour que l'islam soit davantage qu'une référence identitaire et devienne une source normative.

Pas de séparation du politique et du religieux

Lors d'une séance plénière, mardi après-midi, le président de la Commission et chef du groupe parlementaire Ennahdha, Sahbi Atig, a évoqué le sujet en restant très évasif :

«  La nouvelle Constitution doit être basée sur les principes de l'islam. Tous ceux qui veulent séparer la politique de l'islam portent atteinte à la structure de la pensée islamique. L'islam est l'élément essentiel de la personnalité du Tunisien. La Constitution doit renforcer cette identité islamique. »

Il a ensuite longuement insisté sur la nécessité pour la Constitution de consacrer les droits et libertés, et de consolider une démocratie fondée sur la légitimité du peuple.

Lors de cette séance, Nejib Hasni, président d'un autre groupe, Liberté et Dignité (islamistes indépendants, douze députés), a incité Ennahdha à être plus explicite quant au rôle de la charia. Tandis que les élus du groupe de La Pétition populaire (onze députés) se sont référés à leur «  guide spirituel  », Hachemi el-Hamdi, le milliardaire basé à Londres, et ont mentionné à plusieurs reprises la charia comme source de droit. Ce qui, au passage, souligne que le mouvance islamiste à la Constituante va au-delà des 89 élus d'Ennahdha.

La boîte de Pandore

Au sein de la Commission chargée du préambule et des principes fondamentaux, Mabrouka Mbarek, élue CPR, membre de la coalition majoritaire avec Ennahdha, défend la position adoptée par son parti  :

«  La seule référence à la religion doit rester celle de l'article 1er de l'ancienne Constitution, compris comme un constat de l'identité arabo-musulmane de la Tunisie. Elle n'a pas de portée légale, et n'est pas une norme opposable aux citoyens.

Nous allons formuler une proposition commune avec Ettakatol pour inclure la référence à la Déclaration universelle des droits de l'homme dans le Préambule, et à l'identité arabo-musulmane dans les principes fondamentaux. »

La loi tunisienne s'inspire déjà de la charia dans certains domaines. Mais ce n'est qu'une source parmi d'autres et le législateur a toujours conservé la maitrise de l'élaboration de la loi.

Il est probable que la référence explicite à la charia ne soit pas retenue, mais le problème pourrait se reporter vers la référence aux valeurs islamiques. Or, Mabrouka Mbarek estime la proposition tout aussi périlleuse :

« Mentionner les valeurs islamiques dans les principes fondamentaux, c'est ouvrir une boîte de Pandore. C'est un contenu trop vague qui dépend complètement d'une interprétation que personne ne peut garantir aujourd'hui. Mais quand j'ai proposé en commission de remplacer la référence aux valeurs islamiques par la Déclaration universelle des droits de l'Homme, il y a eu un silence de plomb ! »

Malaise et surenchère

On perçoit un réel malaise dans ce débat dont personne ne maîtrise les termes :

les notions de séparation du religieux et du politique ;

la portée exacte de la formule d'Etat civil, utilisée comme succédanée de «  Etat laïc  » ;

l'articulation entre les valeurs contenues dans la Déclaration universelle des droits de l'homme et les valeurs islamiques ;

le lien entre la liberté et le sacré...

Faute de repère, le sujet se prête à une surenchère pour paraître plus musulman que l'autre, enclenchée depuis que tous les partis ont cru devoir faire référence à l'identité arabo-islamique. De l'identité, pourtant considérée comme établie, le débat dérive vers la norme sociale, puis vers la loi et vers le régime. C'est le propre des réaffirmations identitaires  : elles ne connaissent pas de limite dans la course à l'authenticité.

La fin de l'ambivalence ?

En 1959, Habib Bourguiba avait choisi comme premier article de la Constitution une formule dont l'ambivalence avait permis d'apaiser le conflit idéologique :

«  La Tunisie est un Etat libre, indépendant et souverain ; sa religion est l'islam, sa langue l'arabe et son régime la république.  »

Sans préciser s'il s'agit d'un simple constat identitaire sur la religion majoritaire dans le pays, ou s'il s'agit de la religion de l'Etat. Il semble qu'aujourd'hui, le flou de la formule ait épuisé sa mission historique et que désormais, ce soit le sens de l'Etat islamique qui l'emporte.

source rue89.

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_______________________________________ARCHIVES [ mois de nvembre 2011]

 

La religion absente de la Constitution tunisienne, dit Ennahda

La religion sera absente de la nouvelle Constitution tunisienne qui accordera en revanche une place importante aux...

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Ennahda assure que la religion sera absente de la nouvelle constitution tunisienne 
© Reuters
Par Tom Heneghan
La religion sera absente de la nouvelle Constitution tunisienne qui accordera en revanche une place importante aux questions des droits de l'homme, de la démocratie et de l'économie de marché, assure le parti islamiste Ennahda qui a remporté les premières élections libres du pays.
Le gouvernement, dont la composition devrait être dévoilée la semaine prochaine, n'introduira pas le principe de la charia ni d'autres principes islamiques susceptibles de rogner sur le caractère laïque de la Constitution en vigueur lorsque l'ancien président Zine ben Ali a été chassé du pouvoir par la rue en janvier.
"Nous ne voulons pas imposer un style de vie particulier", déclare à Reuters le responsable d'Ennahda, Rachid Ghannouchi, exilé à Londres pendant plus de vingt ans.
Depuis la large victoire de son parti réputé modéré aux élections constituantes du 23 octobre, certains soupçonnent Ennahda de vouloir imposer une application stricte des principes religieux à une société tunisienne habituée depuis la décolonisation à un mode de vie libéral.
La première tâche de l'Assemblée nouvellement élue, chargée de rédiger la Constitution, sera donc avant tout de rassurer les Tunisiens et les investisseurs étrangers, indispensables à la relance de l'économie, estiment analystes et observateurs.
Avant même le début des discussions sur la Constitution, tous les partis politiques du pays sont convenus de conserver le premier article de l'actuelle loi fondamentale, qui déclare que l'islam est la religion et l'arabe la langue officielle du pays.
"Il s'agit juste de la description de la réalité", explique Ghannouchi. "Cela n'a aucune implication légale."
"Il n'y aura pas d'autres références à la religion dans la Constitution. Nous voulons accorder la liberté à l'ensemble du pays", poursuit le chef de file d'Ennahda, qui ne jouera aucun rôle dans le nouveau gouvernement. La nouvelle Constitution devrait entrer en vigueur d'ici un an.
AUCUNE PROMOTION DE LA RELIGION
Publiés dans les années 1980-1990, les écrits de Ghannouchi ont inspiré le Parti de la Justice et du Développement (AKP) au pouvoir en Turquie, qui applique un subtil mélange entre démocratie et islam.
Ghannouchi affirme également que les 22 années passées en exil lui ont permis de constater l'importance de la société civile.
Comme la Turquie, la Tunisie a connu des décennies de dictature laïque avant d'évoluer vers un régime démocratique dans lequel les islamistes modérés se sont imposés dans le paysage politique.
"La loi par elle-même ne change pas la réalité", lance Ghannouchi, interrogé au siège de son parti.
"Il ne devrait pas y avoir de loi qui tente de rendre les gens plus religieux", estime-t-il. Dans la foulée de sa victoire aux élections constituantes, son parti s'est engagé à ne pas interdire l'alcool et les vêtements occidentaux et à poursuivre les politiques économiques en faveur du tourisme, de l'investissement étranger et de l'emploi.
La charia et les lois de l'islam sont un ensemble de valeurs morales individuelles et sociétales et non un code de conduite strict à appliquer au niveau national, dit-il.
"L'Egypte dit que la charia est le principal fondement de sa loi mais cela n'a pas empêché (l'ancien président déchu Hosni) Moubarak de devenir un dictateur."
PROBABLE ACCORD DES LAÏCS
Pour Samir Ben Amor, chef de file du Congrès pour la République (CPR) qui devrait participer au gouvernement de coalition aux côtés d'Ennahda et d'un autre parti laïque, il y a un consensus autour de la référence à l'islam dans le premier article de la constitution.
Ces partis politiques s'accordent également pour renforcer la démocratie en introduisant notamment des références aux conventions internationales des droits de l'homme.
"Nous voulons un régime libéral"", dit Ben Amor.
Alors que les partis s'accordent pour défendre les droits des femmes, parmi les plus avancés du monde arabe, Ben Amor se dit toutefois opposé à l'inscription du Code du statut personnel dans la Constitution.
"Aucune constitution au monde n'a ça", note-t-il. Ces droits seront protégés par la législation, argue-t-il.
Le principal point d'achoppement porte sur le type de régime politique. Ghannouchi a une préférence pour le système parlementaire quand les autres partis politiques soutiennent un système à la française, avec un pouvoir partagé entre un président élu au suffrage universel direct et un parlement.
"Le système parlementaire peut entraîner une instabilité politique, et sortant tout juste d'une dictature, nous pensons que nous ne pouvons pas courir ce risque", explique Ben Amor.
Pour Radouan Mamoudi, directeur du Centre pour l'étude de l'islam et de la démocratie basé à Washington, les élections d'octobre ont montré que le pays avait opté pour une "révolution évolutionnaire" sans changements radicaux.
"Les Tunisiens sont d'accord sur presque tout", note-t-il. "Ils veulent garder leur identité arabe et musulmane sans vivre dans une théocratie. Je pense que la Tunisie peut ouvrir la voie dans le monde arabe en construisant une véritable démocratie pleinement compatible avec l'islam." source rmc.fr
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