Nous y sommes, on y restera estime Ennahdha du Calife Jbali !
Le vice-président de la commission d’organisation provisoire des pouvoirs publics, Saïd Mechichi a déclaré à l’agence TAP que «la commission a adopté, vendredi, le projet de loi organisant de manière provisoire les pouvoirs publics, avant de le soumettre au président de l’Assemblée nationale constituante, Mustapha Ben Jaafar, qui fixera une date pour sa présentation à la séance plénière».
Impliquant le reste de la troïka du nouveau pouvoir, il a précisé que «l’élaboration du projet de loi s’est faite sur la base du document de travail présentée par la coalition de la majorité qui comprend le parti du mouvement Ennahdha, le Congrès pour la République (CPR) et le Forum Démocratique pour le Travail et les Libertés (FTDL) après l’introduction de certains amendements, dans le sens du renforcement des prérogatives du président de la République et de la limitation de celles du Chef du gouvernement en vue de garantir l’adoption de la nouvelle constitution du pays à la majorité des deux tiers de la Constituante ou de recourir au référendum».
L’Etat de la vérité et des institutions.
On sait cependant, selon le nouveau projet de loi dont nous avons pu avoir copie, que très peu de choses ont été changées, par rapport au premier texte qui avait suscité divergences et même déclaration du président du CPR, candidat du triumvirat à la présidence de la République. Presqu’aucune nouvelle prérogative n’a été ajoutée à Marzouki, dont les décisions, les nominations aux postes militaires et civils, dans le ministère des affaires étrangères notamment, ont été seulement allégées de l’accord obligatoire du prochain premier ministre Hammadi Jbali. Dans le nouvel article 10 qui concerne la prérogative de représentation de l’Etat tunisien, il lui a été même adjoint que «le président de la République et le chef du gouvernement, traceront ensemble, la politique étrangère du pays par la consultation et l’accord entre eux ». Il était possible au chef du gouvernement de passer outre l’accord du président de la République pour les lois en les faisant passer directement à la Constituante. Cela a été maintenu, mais en des termes, dans le nouveau projet de loi de répartition des pouvoirs, moins directs et moins dégradants pour la qualité du chef de l’Etat. Grosse nouvelle, ce n’est plus, selon le nouveau texte, Hammadi Jbali qui nommera le Mufti, mais Marzouki, mais sur proposition de Jbali. Ce GRAND changement, en dit en fait long, sur les modifications apportées aux prérogatives du prochain Chef de l’Etat, qui resteront malgré tout cela, vides de toute substance de souveraineté et pour les décisions hautement politiques ou encore économiques. Toute aussi GRANDE nouveauté, Marzouki devra jurer de «garantir l’émergence de l’Etat de la vérité (non pas du droit) et des institutions دولة الحق و المؤسسات» selon le nouveau texte qui lui a été décidé dans le sermon qu’il devra prononcer devant la Constituante.
Jbali restera, dans le nouveau texte, le seul vrai maître à bord, le Calife des croyants de la Tunisie. Il cumulera, selon le nouveau projet de texte de loi, tous les pouvoirs de décision et surtout celui d’accorder tous les hauts postes civils de l’Etat, sans avoir à revenir à Marzouki. Il pourra toujours faire et défaire, ministères et Secrétariats d’Etat, créer et supprimer les entreprises et institutions publiques et les services administratifs, en en informant seulement Marzouki.
Obligation a été nouvellement faite, pour Jbali, de démissionner de son siège de membre de la Constituante, s’il décrochait le fauteuil de premier ministre. Il ne lui sera pas imposé de démissionner du poste de SG d’Ennahdha.
«Ce qu’Ennahdha veut, Jbali aura », surtout la planche à billets.
Malgré toutes les protestations et les avis des membres du Conseil d’Administration de la BCT qui l’ont dit dans le dernier communiqué de leur réunion extraordinaire, la nomination du Gouverneur de la BCT sera du seul ressort de Hammadi Jbali qui y prépare déjà, dit-on, un nouveau candidat de ses proches. Adieu donc l’indépendance de cette haute instance financière dont la planche à billets sera mise sous la seule direction du prochain premier ministre pour les besoins de sa prochaine politique sociale qui n’aura pas à se soucier du risque de l’inflation.
Le nouveau texte a aussi consacré l’appel des Nahdhaouis à «la Constituante, maîtresse d’elle-même المجلس التأسيسي سيد نفسه», en abrogeant le décret-loi sur la constituante, celui du 10 mai 2011 interdisant le cumul entre fonction élective et fonction au sein de l’Etat (Membres du gouvernement). Ses ministres resteront ainsi membres de la Constituante, même s’il ne leur sera pas possible de voter, en cas de motion de censure contre le gouvernement.
Jbali s’est même adjugé, dans le nouveau texte du projet de loi de partage des pouvoirs, la possibilité de démettre Mustapha Ben Jaafar de son perchoir de président de la Constituante, sur demande du tiers des membres de la Constituante dont dispose Ennahdha déjà et certes avec l’accord des deux tiers (144,6 membres).
Possible recours au référendum pour la Constitution, quand la Constituante aura le temps.
Seule vraie BONNE nouvelle, l’évocation du recours au référendum pour l’adoption de la prochaine Constitution. L’article 5 nouveau du projet de loi portant organisation provisoire des pouvoirs publics et relatifs à l’adoption de la constitution, prévoit qu’en cas de non adoption de la constitution à la majorité des deux tiers en deux lectures, il y aura recours au référendum populaire. Il a souligné que l’exercice des pouvoirs exécutifs se fait sous la supervision de l’Assemblée nationale constituante qui accorde ou retire sa confiance, en tant que seule autorité élue directement par le peuple. Il est attendu que ce projet de loi soit présenté durant la séance plénière prévue mardi prochain.
On retient donc, qu’Ennahdha n’en a pas démordu de sa farouche volonté, d’exercer seule tous les pouvoirs de décision dans le prochain gouvernement. C’est cela, certes, la nouvelle démocratie tunisienne. Mais elle n’en reste pas moins une démocratie qui remet, encore une fois, les pleins pouvoirs entre deux seules mains. Du temps de Ben Ali, c’était les siennes. Avec Ennahdha, ce sera entre les deux mains de Hammadi Jbali, SG d’Ennahdha qui ne représente pourtant que très peu de Tunisiens. Rappelons le, le parti islamiste a remporté 1 million 700 mille voix, sur un total de plus de 7,5 millions d’électeurs.
L’exercice de la démocratie suppose, à notre sens, un juste équilibre entre les pouvoirs. Celui-ci n’existe pas. Combien même il existerait, selon la gymnastique politique de cette dernière mouture de la loi sur la répartition des pouvoirs, il reste fragile. Un système où Ennahdha s’est donné tous les moyens de renverser, et le Chef de l’Etat et le président de la Constituante s’ils commenceraient à gêner sa façon d’exercer le pouvoir. Les deux autres, contre-pouvoirs et alliés à la fois, pourraient certes faire motion de censure contre le gouvernement de Jbali. Ils seront cependant toujours obligés de refaire un autre gouvernement dans les mêmes conditions de l’ancien. Un gouvernement présidé par Ennahdha et qui aura toujours les mêmes pleins pouvoirs.
source : http://www.africanmanager.
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L’erreur politique de la coalition islamo-démocrate
par Lotfi Maherzi –
En quoi la présence des formations démocratiques d’Ettakatol et du Cpr dans une coalition gouvernementale avec Ennahdha est-elle une erreur politique et une capitulation idéologique ?
S’il fallait un premier symbole à la rupture politique et civilisationnelle en cours en Tunisie, c’est bien l’affirmation de la puissance d’Ennahdha qui devient la première formation politique avec une position de force au gouvernement et dans l’Assemblé constituante.
Un tel contrôle des échelons sensibles du pouvoir politique laisse présager une hégémonie plus large et plus perturbante pour la jeune démocratie tunisienne. Dès lors, la présence des formations d’Ettakatol et du Cpr dans le gouvernement transitoire constitue pour de nombreux Tunisiens une erreur politique. Elle s’apparente pour d’autres à une trahison sinon une capitulation idéologique et politique.
Les dirigeants de ces partis avaient, pourtant, toujours proclamé, haut et fort, que jamais, au grand jamais, il n’y aurait d’accord gouvernemental avec Ennahdha et ses islamistes radicaux, si ceux-ci ne renonçaient pas officiellement et dans les faits à leur projet islamiste. C’était une affaire de principe politique et éthique vital.
Or, c’est ce principe irremplaçable de vigilance que ces deux partis viennent de perdre. Ils ont commis l’erreur politique et stratégique d’ignorer les rapports de forces et les capacités de violence de l’islam politique qui a toujours abusé de la démocratie pour conquérir le pouvoir, puis de la violence pour se maintenir. C’est une erreur politique qui risque de coûter cher au processus démocratique tunisien. Comment et pourquoi ?
Des supplétifs et non des partenaires
L’annonce de l’alliance gouvernementale à dominante islamiste a suscité, chez les démocrates tunisiens, colère, inquiétude voire démission. Tous s’interrogent, sur les réseaux sociaux, sur la nature de cette alliance jugée inégale, contre-nature et dangereuse pour l’avenir de la démocratie en Tunisie. Ils ne comprennent pas le sens de ce compromis même provisoire alors qu’il existe une distance abyssale entre les contenus des programmes des démocrates et ceux des islamistes.
Les déclarations, lapsus ou dérapages récents du futur chef du gouvernement et d’autres cadres de son parti n’autorisent aucune osmose idéologique possible. En outre, ces militants rappellent que cet accord a été conclu alors qu’Ennahdha tarde ou traîne à affirmer dans les actes son engagement total et sans réserve pour l’Etat de droit et à se désolidariser avec sa branche extrême.
Enfin, d’autres encore accusent Ettakatol et le Cpr d’avoir affaibli, voire disloqué le front unitaire dans la bataille des prochaines échéances démocrates.
Pour réduire ces inquiétudes, les discours tenus par les «élites» de ces deux partis naviguent entre le désir de relativiser cette alliance en la plaçant sous l’angle de l’intérêt national, celui de contrôler l’action gouvernementale et celui de prendre en compte l’affirmation religieuse et identitaire des Tunisiens. Sur le fond des choses, nul ne peut douter de leur sincérité. Mustapha Ben Jaâfar et Moncef Marzouki ont de tout temps affiché leur détermination à défendre la liberté d’expression et d’opinion. L’un comme l’autre considèrent comme un devoir de préserver ce précieux acquis de la révolution. Mais, même animés des meilleures intentions, les explications avancées pour justifier leur présence dans le gouvernement transitoire sont peu convaincantes et méritent deux commentaires.
Les démocrates marginalisés
Le premier concerne la stratégie de l’entrisme prôné par ces deux partis. Il vaut mieux, disent-ils, être à l’intérieur du gouvernement qu’à l’extérieur pour ne pas laisser le champ libre à Ennahdha.
C’est une tactique naïve et utopique. Ettakatol et le Cpr s’engagent dans cette alliance, dans un rapport de force où ils sont loin d’avoir l’avantage numérique, encore moins la décision politique.
Leur représentation modeste ne leur donne aucune légitimité pour négocier ou exiger une quelconque concession ou condition notamment sur le plan des libertés civiques et d’opinion à un parti hégémonique qui va encore se renforcer avec l’accès aux responsabilités premières.
Dans les faits, cette hégémonie contraint les démocrates à un statut de marginalité. Les ministres qu’ils représentent seront davantage des supplétifs que des partenaires. Ni le président de la République ni celui de l’Assemblée constituante ne peuvent décider ni s’engager dans les dossiers importants, autrement qu’en récitant un discours préparé à l’avance par une direction collégiale dominée par Ennahdha. Et je doute qu’en privé, Ben Jaâfar et Marzouki croient sincèrement que leur présence contribuera à sauvegarder les acquis de la révolution notamment dans le domaine de la liberté d’expression et d’opinion.
Cette impression d’impuissance peut être renforcée – à défaut de mobilisation urgente de l’ensemble de la famille républicaine et démocrates – par la perspective d’une victoire des législatives et présidentielle, à l’issue de laquelle le parti Ennahdha contrôlerait, sans aucun contrepoids des démocrates, tout le pouvoir de la base au sommet : présidence de la République, gouvernement, assemblé nationale, collectivités territoriales.
Et puis, les islamistes savent que leur supériorité sera maintenue grâce notamment à l’impuissance des élites petites bourgeoises et bourgeoises de ces partis à occuper le terrain de la contestation populaire, car incapables de gérer les phénomènes du sacrifice et du volontariat qui les dépasse. Ils savent qu’ils sont incapables, d’ici les prochaines élections, de transformer la mobilisation sociale des citoyens en vraie mobilisation politique capable d’inverser les rapports de force dominants en Tunisie.
Enfin, ils connaissent la nature des rivalités des deux partis associés à l’action gouvernementale. Ils savent qu’ils ne disposent pas d’une culture ou d’une tradition unitaires ni de vision politique et économique commune. Et quand bien même auront-ils cette volonté, il leur manquera toujours la vigueur stratégique de l’union nécessaire pour se maintenir ensemble assez longtemps pour faire la différence.
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Nessma TV n’est pas `Charlie Hebdo``
par Nabil Karoui ( propriétaire de la chaîne privée tunisienne Nessma TV)
L’absurde accompagne souvent ce que les réactionnaires considèrent comme leur lutte, le combat contre ceux qui, selon eux, bafouent les croyances et les valeurs morales. On serait tenté de faire un parallèle entre la publication de caricatures du Prophète par Charlie Hebdo et la diffusion de Persepolis sur notre antenne. Mais le seul point commun entre ces deux affaires se résume à des images et à un discours qui dérangent et que certains ont pris comme prétexte à un déchaînement de violence extrême. On condamne des images par des actes criminels.
Charlie Hebdo est un journal satirique ; l’insolence est intrinsèque à sa ligne éditoriale. Dans l’espace démocratique, cela ne pose aucun problème. Les médias sont totalement affranchis des pouvoirs, et la liberté d’expression est un principe intangible. L’usage qui en est fait, parfois discutable, n’est jamais remis en question. Au pire, les tribunaux tranchent. La provocation est aussi le fonds de commerce de Charlie Hebdo ; quand on fait de Mohammed le rédacteur en chef du magazine, on doit s’attendre à des réactions.
Ce n’est pas dans ce registre que s’inscrit Nessma TV. La provocation délibérée n’est pas dans notre modus operandi. Persepolis était à sa vraie place. Nous ne cherchions pas à faire scandale mais à susciter le débat autour d’une question essentielle : est-ce qu’une révolution faite par un peuple peut déboucher sur une tyrannie islamiste ? Il fallait qu’elle soit posée, mais l’instrumentalisation de cette diffusion par des mouvances religieuses a transformé un combat d’idées en une querelle identitaire, ce qui a permis aux dites mouvances de faire prévaloir leur point de vue.
Dans tous les cas, Charlie Hebdo est la victime et a reçu le soutien de la profession et de l’opinion publique. Alors que pour Nessma TV, la dynamique a été celle d’une boule de billard. Nous avons été marginalisés et traités comme des criminels, avec en face une monstrueuse machine à produire de la malveillance et de la calomnie, aussi bien sur les réseaux sociaux que sur la télévision nationale. Les modernistes nous ont accusés de tous les maux et nous ont, paradoxalement, traités comme des parias. On sait bien que celui qui veut tuer son chien dit qu’il a la rage. Pourtant, nous ne souhaitions pas heurter les sensibilités et nous avons engagé notre responsabilité sans nous défausser sur qui que ce soit. Cette erreur d’appréciation, que nous assumons comme une erreur humaine, nous a mis dans la position d’« hérétiques » désignés à la vindicte des réactionnaires.
Or la polémique du « Persepolisgate » est d’une autre nature que celle de Charlie Hebdo. C’est une vraie déflagration dans un espace qui tenait pour acquise l’une des revendications de la révolution tunisienne : la liberté d’expression. Nul n’aurait pu imaginer les proportions prises par la diffusion du film de Marjane Satrapi, d’autant qu’il avait déjà été projeté en Tunisie sans susciter de réaction et que certains feuilletons religieux ont un contenu bien plus subversif. La diffusion de Persepolis est un non-événement qui a été récupéré politiquement. Mais le plus grave est que les valeurs sont finalement dictées par les islamistes. Une erreur d’évaluation a pris les allures de tragédie grecque ; victimes sur le plan professionnel et personnel, nous sommes en outre poursuivis pour troubles à l’ordre public, comme si c’était nous qui avions incité à la violence, suscité les manifestations, passé le mot d’ordre de lynchage aux imams de 2 400 mosquées et fait distribuer 2 millions de pamphlets diffamatoires. Personne ne se demande qui est derrière tout cela, d’autant que tous les agresseurs ont été relâchés après avoir écopé… d’une amende de 4,50 euros !
Qui aura désormais, en Tunisie, le courage d’aborder les vrais sujets ? Un système politique dont le principal référentiel est Dieu peut conduire à une dictature encore plus terrifiante que celle de Ben Ali.
source http://www.jeuneafrique.
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La Tunisie : un défi démocratique pour l'Europe
«L'Union européenne peut démontrer qu'elle est enfin capable de tirer les leçons du passé et de soutenir des réformes profondes et essentielles à la construction d'une démocratie», estime Hélène Flautre, députée européenne EE-LV, de retour d'une mission en Tunisie.
Elle court, elle court la rumeur dans les rues de Tunis, le parti Ennahda avec ses 41% des voix acquises aux premières élections libres de Tunisie va tout emporter sur son passage. Terminé le vin dans les restaurants. Finie la liberté des femmes: foulard pour tout le monde. Enterrée la République, voici venu le temps du sixième califat. Avenue Bourguiba on installe des barrières à l'entrée d'une galerie commerciale, le parti de Ghannouchi est le responsable de cette atteinte à la liberté de circuler. Même la pluie en cette fin de mois de décembre est le fruit de la volonté des islamistes.
Au delà de la plaisanterie météorologique, on le sent: l'arrivée aux affaires du parti«de la renaissance» secoue la vie politique en obligeant les formations politiques et sociales tunisiennes à se positionner. Pour l'observatrice obstinée de la vie politique tunisienne que je suis depuis 1999, cette réalité animée est plutôt une bonne nouvelle, notamment parce-qu'elle fait vivre la démocratie par la confrontation libre des idées à une population bâillonnée depuis vingt-quatre ans.
Dans ce cadre, le choix du Congrès Pour la République (CPR) emmené par Moncef Marzouki, dont la percée électorale a été une des surprises du scrutin, de participer au compromis historique en tentant le partenariat gouvernemental avec Ennahda et les socialistes d'Ettakatol est au centre de toutes les conversations. À gauche, cette décision engendre un très vif débat qui peut se résumer en ces termes: Ennahda est elle une formation politique animée par une idéologie de droite conservatrice mais suffisamment ouverte pour faire avancer le pays dans la transition démocratique, ou au contraire, est-elle une entité politique porteuse d'un agenda caché: faire de la charia l'alpha et l'oméga de la gouvernance?
Pascalien, le pari du CPR et des socialistes sera ou pas gagné dans les actes, les faits et les résultats et ce à la fois au niveau gouvernemental et législatif. Le nouveau gouvernement va-t-il ou pas engager et réussir la réforme de la Justice et du ministère de l'intérieur et bannir la corruption des pratiques dans l'administration? Car ne nous y trompons pas, le système Ben Ali reste encore au moins partiellement en place. Si les exactions de la police politique sont moins courantes, des Tunisiens font encore les frais dans leur chair de la violence arbitraire des forces de l'ordre. Le piston est toujours la règle et petits et gros larcins viennent étoffer le salaire de certains fonctionnaires.
En ce qui concerne l'Assemblée constituante, les élu(e)s vont-ils trouver une majorité pour inscrire le caractère civil de l'Etat dans le texte constitutionnel? On se prend, aussi, à rêver que la future constitution inscrive l'abolition de la peine de mort, propulsant ainsi la Tunisie comme la première nation du monde arabe à reconnaître la sacralité de la vie. L'égalité entre les hommes et les femmes sera-t-elle réalité? Tout et chacun de ces thèmes sont, au même titre que la lutte contre le chômage et la précarité, des marqueurs démocratiques. Car au coeur des libertés, la question économique et sociale fait figure d'urgence dans un pays abîmé par l'accaparement du foncier et de pans entiers de l'économie par la famille Trabelsi et ses obligés. Alors que des dizaines de porteurs de projets, du nord au sud du pays, se pressent pour obtenir le coup de pouce qui permettra le démarrage d'une activité créatrice d'emplois et de richesses, le nouveau locataire du ministère du développement régional se trouvera devant un défi majeur: celui du temps qui passe, un an après la Révolution le peuple tunisien ne veut plus attendre un avenir meilleur, il exige tout de suite du changement.
Dans ce domaine comme dans celui de l'Etat de droit, l'Union européenne a son rôle à jouer. Hier garante du «circuler y a rien à voir», elle doit radicalement revoir ses pratiques en orientant ses fonds en fonction des besoins réels du pays et du peuple tunisien. Repenser ses instruments pour les rendre accessibles aux projets de la société civile. À deux heures et demi de Bruxelles, la Tunisie peut devenir le laboratoire en acte de la nouvelle politique de voisinage de l'Union européenne. À Tunis, Kasserine, Sidi-Bouzid, Zarzis, Gafsa... l'Union européenne peut démontrer qu'elle est enfin capable de tirer les leçons du passé et de soutenir des réformes profondes et essentielles à la construction d'une démocratie.
source : http://blogs.mediapart.