Médecins du public en Tunisie : « On ne peut plus soigner les gens! »
Les 30 et 31 mai, les médecins du secteur public se mobilisent pour deux jours de grève dans tous les établissements publics de santé de Tunisie. Conditions de travail déplorables, manque d’équipements, vétusté des hôpitaux…
Habiba Mizouni, médecin et secrétaire générale du Syndicat des médecins, pharmaciens et dentistes universitaires, s’insurge.
Pourquoi organiser ces deux jours de grève à ce moment précis ?
Cela fait longtemps que la situation est grave. En fait, nous avions déjà fait grève sous Ben Ali, nous avions même posé un préavis de grève de deux jours pour le 17 janvier 2011… Mais avec la révolution, il n’en a plus été question. Nous avons continué à exercer, certains de nos collègues ont risqué leur vie. Aujourd’hui, un an et demi après, nous en sommes toujours au même point, et cela ne peut plus durer. Nous ne voulons plus nous taire et nous avons assez repoussé l’échéance.
Quelles difficultés rencontrez-vous au quotidien ?
Les moyens dont nous disposons ne nous permettent pas de soigner les gens! On manque de lits, de matériel. La sécurité des patients est compromise par les conditions très précaires dans lesquelles nous sommes contraints d’exercer. La violence en milieu médical ne cesse par ailleurs de s’accentuer. La semaine dernière, à Bizerte, un jeune a été tabassé à l’hôpital à cause des mauvaises conditions de travail. On ne voit rien venir de la part du gouvernement, on a l’impression qu’il cherche des prétextes pour ne pas discuter sérieusement. On se sent totalement abandonnés.
En tant que syndicat public, quelles sont vos revendications ?
Outre une révision profonde des normes des hôpitaux et une amélioration des conditions de travail, nous revendiquons la régularisation de notre statut de médecins-enseignants. Nous demandons simplement que notre travail soit reconnu et aligné sur celui de nos collègues universitaires. Parce qu’aujourd’hui, nous ne sommes pas rétribués pour notre travail d’enseignement, nous le faisons gratuitement ! Pire : quand un médecin spécialiste devient assistant en CHU, il a plus de travail… mais voit son salaire baisser. On assiste à des vagues de démissions, il y a une complète inversion de la pyramide des âges avec de moins en moins de jeunes médecins dans le public. C’est inacceptable. Si on veut la paix sociale, la justice, si on veut une vraie démocratie, il faut un secteur public. Recueillis par Hélène Vaveau (Celsa); la-croix.
______________________________________________________________________________
«Honteuse» augmentation des salaires des députés
La confiance est-elle brisée entre les électeurs tunisiens et leurs élus?
Les députés de l'Assemblée Nationale Constituante (ANC) de Tunisie ont récemment décidé d’augmenter par eux-mêmes et avec un accord unanime leurs salaires provoquant un tollé sur Internet et dans les médias comme le remarque le site Nawaat.org.
Les députés de la Constituante ont consacré le 17 mai leur séance de travaux à la condition des députés. Au cours cette dernière, qui s’est déroulée à huit clos, ils ont débattu notamment de sujet comme la couverture sociale ou le congé maternité pour les députés femmes.
Mais il semble que ce soit le sujet des salaires qui aient jeté un pavé dans la marre.
De combien parle-t-on?
Les premiers chiffres qui ont fuité indiquaient que les députés allaient désormais recevoir 4.800 dinars (2392 euros) au lieu des 2.300 (1146 euros) qu’ils percevaient chaque mois.
Après la publication de ce chiffre sur Business News,plusieurs députés ont réagi et démenti en réajustant le montant accusant même le site de diffamation. Certains ont déclaré que le salaire passera à 3.700 dinars (1844 euros), d’autres à 4.200 dinars (2092 euros) en incluant des primes de logements et de transports.
Des primes utiles selon leurs dires pour permettre aux députés qui n’habitent pas à Tunis de se loger décemment ou de se déplacer plus facilement. D’autres ont aussi fait valoir que cette augmentation était légale et pouvait aussi permettre d’éviter la corruption.
Au milieu de tout cela, Sahbi Atig, président du groupe parlementaire du parti Ennahda a déclaré que son parti s’opposait à la mesure —bien que les membres de son groupe l’aient approuvé le 17 mai— et qu’il souhaitait qu’une partie du salaire de ses députés soit versée pour financer les réformes de l’emploi. Opportunisme? Très certainement pour le site Webdo.
Cette affaire a provoqué une grande cacophonie donc. De quoi entacher l’image des députés auprès des citoyens tunisiens.
Le magazine Kapitalis qualifie cette augmentation de «honteuse» étant donné le niveau de vie de nombreux Tunisiens et l'état de l'économie.
«Cette augmentation est une faute morale qui donne aux gens l’envie de redescendre dans la rue pour re-faire la révolution. Parce qu’ils ont l’impression que les acteurs ont changé mais qu’on continue de leur jouer la même pièce de théâtre», note le magazine.
Même son de cloche pour Business News :
«Il est lointain le jour où les Tunisiens patientaient dans les très longues files d’attente pour insérer dans l’urne leur bulletin de vote. C’était il y a sept mois à peine, pourtant. Mais il n’en fallait pas plus pour que les électeurs, toutes tendances confondues, perdent confiance en leurs élus.»
Au final, et toujours d’après Business News, il semblerait que le ministre des Finances, Houcine Dimassi ait décidé de suspendre le virement des salaires des députés et de ne pas valider —pour l’instant— l’augmentation. slateafrique
__________________________________
Maherzia Laâbidi coûte plus 190.000 dinars par an aux caisses de l’Etat
C’est ce qui ressort d’un document interne de l’Assemblée nationale constituante (Anc), qui circule sur les réseaux sociaux. Si c’est un faux, ces chers députés seraient bien inspirés de nous révéler les chiffres exacts.
Selon une décision prise à l’issue de sa réunion du 5 avril 2012 consacrée aux indemnités et avantages des constituants, les deux vice-présidents de l’Anc perçoivent une indemnité spéciale accordée aux membres de l’Anc, soit 6.771.600 dinars net par mois pour le premier (ou, plutôt, pour la première, la «Nahdhaoui» Maherzia Laâbidi en l’occurrence), qui plus est payable en devises étrangères, et 3.420.000 dinars net pour le second, comme le précise la note dont une copie circule sur les réseaux sociaux.
Mme Lâbidi a droit aussi à une «indemnité complémentaire» (sic!) 4.662.900 net par mois (payable également en devises étrangères). Son collègue, lui, n’a droit «qu’à» 2.355 dinars.
En plus, les deux vice-présidents perçoivent, mensuellement, une indemnité de logement de 1.855.500 dinars net par mois et une indemnité de transport de 2.598.750 dinars net par mois, pour la première, payable par devises, et 1.312.500 dinars pour le second.
Toutes ces indemnités (à l’exception de celle de logement) sont imposables et soumises à la contribution aux caisses de sécurité sociale.
Les deux députés bénéficient aussi d’une voiture de fonction et de 200 litres de carburant par mois.
Tout en relevant l’écart existant entre les montants des indemnité accordées à la première et au second vice-président de l’Anc, on notera ici que les seules indemnités accordées à Mme Laâbidi coûtent au contribuable tunisien plus de 15.000 dinars par mois, soit plus de 190.000 dinars par an. Pire encore: 90% de ce montant est payable en devises étrangères.
Le document d’où nous avons tiré ces données peut bien être un faux. Si c’est le cas, nous attendons de Mustapha Ben Jaâfar, président de l’Anc, qu’il fasse la lumière sur les émoluments de tous membres de l’Anc, de leurs primes et avantages, en argent et en nature. On attendra également que le président de la république et le chef du gouvernement fassent de même pour leurs équipes respectives.
Pour revenir à ces chers députés, on peut dire, sans risque de nous tromper, que s’il y a un Tunisien ou plutôt une Tunisienne à laquelle la révolution a beaucoup profité, c’est bien à Mme Laâbidi, une illustre inconnue, dont personne ne se souvient du passé militant et encore moins des sacrifices, et qui se trouve propulsée par Ennahdha à un poste auquel elle n’aurait jamais rêvé, et qui coûte très très cher à l’Etat. kapitalis
____________________________________________________________