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10 mai 2012 4 10 /05 /mai /2012 06:01

L'Assemblée Constituante accusée de tricheries dans les votes

 

Le vote électronique ne serait pas si fiable qu’il n'y paraît selon des membres de l’Assemblée constituante tunisienne.

Le 3 mai lors d’une séance plénière, certains députés ont dénoncé des tricheries et plus encore le manque de transparence de l’Assemblée sur la publication des procès-verbaux et des rapports des commissions.

Azed Badi, un député du CPR, le parti de gauche du président Marzouki, a dénoncé la tricherie qui a eu lieu lors d’un vote où certains députés ont voté deux à trois fois d’après le site Tunisie Haut Débit.

 

Pour Mabrouka M’Barek, députée du CPR, la tricherie n’est pas forcément volontaire, elle est liée à une confusion sur le vote électronique et un manque de contrôle.

«Il y a un problème, les députés ne votent pas dans leurs sièges attitrés, ils votent sur un poste puis vont s’asseoir à leur siège et votent une nouvelle fois en annulant leur vote précédent. Les journalistes voient ça d’en haut et évidemment ils pensent que les personnes votent deux fois.»

 

Ce phénomène a abouti à des résultats de scrutin troublant : par exemple, le fait que 170 voix soient enregistrées alors que 120 députés seulement étaient présents le 3 mai. Tricherie ou pas, le vote n’a pas été annulé.

«Je soutiens l’initiative de la plainte, nous allons nous même faire pression au sein de l’Assemblée pour qu’il y ait un meilleur contrôle ou que l’on revienne au vote à main levée, il m’arrive parfois de voter par procuration pour mes collègues qui ne sont pas à leur poste et cela est interdit. Nous devons demander à ce que les postes des absents soient fermés quand ils ne sont pas sur leur siège.»

 

Face à ce phénomène les membres de l’OpenGov, un groupe formé d’indépendants, de membres de la société civile et de députés de l’assemblée, a été fondé après les élections. Leur objectif: assurer la transparence entre le gouvernement et la société civile mais aussi effectuer une veille sur l’Assemblée.

 

Ils sont actuellement en train de s’accorder sur les bienfaits d’une poursuite en justice. Ils ont commencé par un ultimatum lancé au président de l’Assemblée Mustapha Ben Jafaâr pour le 16 mai. Si celui-ci ne rend pas plus accessible les données de l’Assemblée, une plainte sera déposée auprès du tribunal administratif de Tunis le 31 mai.

 

Cette plainte arrive après plusieurs demandes répétées d’associations tunisiennes comme Al Bawsala et Touensa d’avoir accès aux séances plénières en tant qu’observateurs, restées sans réponse.

Parallèlement à la plainte, le groupe OpenGov va lancer une seconde campagne 7ell2 (ouvre) pour plus de transparence similaire à la première lancée en janvier 2012 pour mobiliser l’opinion publique autour de la transparence.

 

 

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Le groupe OpenGov compte porter plainte contre l’Assemblée constituante

 

Les frasques de l’assemblée constituante commencent à en agacer plus d’un. Le groupe OpenGov en premier. Après le refus de publication automatique des PV des réunions et le retard de diffusion des rapports des commissions internes, voilà maintenant que la société civile découvre l’affaire de la tricherie dans le vote électronique.

 

Le 3 mai dernier, Azad Badi, député CPR à l’assemblée nationale constituante (ANC), a relevé durant la séance plénière que quelques uns de ses collègues trichaient durant le vote électronique en appuyant sur les boutons de vote des sièges vides d’à côté. Le président du bloc Ennahdha à l’ANC, Sahbi Atig, a confirmé les déclarations de M. Badi : «J’ai honte d’en parler. Hier on était 120 députés, or on aura compté 170 voix. Est-ce normal que les uns trichent et que les autres copient sur leurs collègues ? Serions-nous dans une école primaire ?».

 

Prenant note de ces dérives au sein de la haute autorité législative du pays, et craignant des passages en force de lois anti-démocratiques, le groupe OpenGov vient de décider de porter plainte contre l’assemblée constituante devant le tribunal administratif.

 

Mais avant d’en arriver à ce stade, ce groupe de cyber-activistes militant pour une totale transparence de la gouvernance, a décidé de lancer un ultimatum au président de l’assemblée, Mostapha Ben Jaafer.

 

Soutenu par plusieurs associations, le groupe OpenGov va adresser, le 16 mai, une missive à M. Ben Jaafer dans laquelle il lui demandera solennellement la diffusion sur le site de l’ANC des rapports des commissions internes. Il va également lui demander de fournir automatiquement les PV des réunions ainsi que la liste d’absence des députés depuis leur prise de fonction. En cas de retard de réponse, le groupe va passer à l'action en déposant une plainte devant le tribunal administratif vers le 31 mai prochain.

 

Rappelons que plusieurs députés de l’ANC font partie du groupe OpenGov, mais vu leurs engagements, plusieurs d’entre eux n’ont pas pu publier le compte-rendu de leurs réunions sur facebook, ou au sein du groupe.

 

Notons également que, Karima Souid, élue Etakattol à l'ANC, a été chargée de l’accès aux commissions et de la publication des PV. Mais vu que ce travail nécessite beaucoup d’efforts (retranscription, numérisation, traduction, etc.), le groupe OpenGov cherche donc maintenant à ce que le président de l’assemblée lui facilite le travail en embauchant du personnel qui aidera Mme Souid dans sa tâche. Des membres du groupe ont carrément exprimé leur volonté de travailler bénévolement afin que la transparence devienne la règle d’or au sein de l’assemblée. Surtout dans cette période de transition démocratique. thd.tn

 

 

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Le préambule de la nouvelle Constitution en voie de finalisation


La rédaction du texte final du préambule de la nouvelle Constitution tunisienne a atteint un taux de finalisation de 70% dans l'attente de la discussion et par la suite l'adoption du dernier paragraphe prévue la semaine prochaine.

"La finalisation définitive du préambule ne devrait pas dépasser mercredi prochain", a annoncé mercredi le quotidien tunisien La Presse citant la Commission constituante du préambule, des principes fondamentaux et de l'amendement de la Constitution.

D'après cette Commission, les travaux reprendront lundi prochain concernant le dernier paragraphe du préambule dont la version finale a été avalisée en grande partie par les députés membre de cette Commission.

"Les travaux des constituants ont été dominés par une réelle volonté de consensus par un attachement à l'écoute de l'opinion de l'autre" et une conviction commune sur l'impérative de traduire, dans ce préambule, les valeurs de la révolution tunisienne du 14 janvier 2011, a déclaré à La Presse une source de la Constituante.

Une fois le préambule adoptée, la Commission entamera des discussions sur l'élaboration des principes fondamentaux (de la Constitution) dont 40 chapitres et 9 principes ont été déjà mis en oeuvre, selon la même source.

Les chapitres comportent l'Etat, la citoyenneté et les rapports sociaux, l'organisation politique, l'organisation administrative, les relations internationales, les droits et libertés fondamentaux, l'indépendance de la justice, la souveraineté de la loi et primauté de la Constitution et les principes irréversibles.

En se référant à une copie du texte du préambule, La Presse a pu tirer un ensemble de principes et de valeurs dont la lutte contre la dictature, la "fidélité aux martyrs", la "rupture définitive avec la malversation et l'injustice", l'instauration d'un régime républicain, les valeurs islamiques et universelles de la Tunisie, l'indépendance des pouvoirs, la primauté de la loi et de la justice (..).

Les rédacteurs du préambule de la Constitution tunisienne ont tenu à "l'instauration d'un régime républicain civil participatif où le peuple est la source des pouvoirs, où sont assurés la pluralité des associations et des organisations, le respect des droits de l'Homme, la neutralité de l'administration, des élections libres aboutissant à l'alternance des pouvoirs", d'après le texte du préambule. 
maghrebemergent

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7 mai 2012 1 07 /05 /mai /2012 05:12

La Constituante civile milite pour l'inscription de la liberté de croyance dans la Constitution


La Constituante civile milite pour l'inscription de la liberté de croyance dans la Constitution 

L'Assemblée constituante civile a organisé ce samedi 5 mai une conférence consacrée à la liberté de croyance, que la Constituante civile souhaite voir inscrite dans la Constitution. Selon Mohsen Marzouk, président de la Constituante civile, les libertés de culte et de croyance doivent être garanties par l'Etat démocratique.

 

"La liberté de croyance doit être respectée par les différents cultes, mais aussi au sein des croyants de même confession" a-t'il ajouté, insistant sur le fait qu'aucune partie ne doit user de la violence au nom de la religion. shemsfm

 

 

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17 avril 2012 2 17 /04 /avril /2012 05:05
 
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12 avril 2012 4 12 /04 /avril /2012 17:32

 Assemblée Nationale en direct

 

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  les libertés et la démocratie ont été bafouées par les forces de police

 

Par Najet Mizouni, militante tunisienne

 

LE PLUS. La manifestation a mal tourné. Le 9 avril dernier, la fête des Martyrs a été violemment réprimée par les forces de police à Tunis. Une journée noire pour les libertés publiques, selon la militante tunisienne Najet Mizouni, qui appelle à un rassemblement devant l'ambassade de Tunisie ce jeudi à Paris. 

 

La Tunisie a connu le 9 avril dernier, journée de la fête nationale des martyrs, une journée noire pour les libertés, la démocratie et le respect des droits de l'Homme.

 

 A Tunis, les forces de police, aidées par des milices, tenant les mêmes propos que des courants extrémistes et armées de barres de fer et de pierres, ont violemment chargé des manifestants pacifiques venus commémorer la fête des martyrs. Des journalistes bousculés, leurs matériels détruits, des députés de la Constituante, des représentants des partis et de la société civile, des vieux, des femmes, des jeunes, ont été gazés par des lacrymogènes, souvent renvoyés par des tirs tendus, et sauvagement agressés et copieusement insultés, certains par des groupes de miliciens sous le regard complaisant des forces de l’ordre.

 

Des manifestants dans les rues de Tunis, le 09/04/2012. (OSNOWYCZ AUDE/SIPA)

 Des manifestants dans les rues de Tunis, le 09/04/2012. (OSNOWYCZ AUDE/SIPA)

 

Le ministre de l'Intérieur a justifié cette brutalité par l'application d'une décision d'interdire de manifester sur l'avenue Habib Bourguiba, la plus célèbre de la Tunisie, où a eu lieu la manifestation qui a chassé le dictateur Ben Ali le 14 janvier 2011 et où ont manifesté les tunisiens le 9 avril 1938 pour réclamer une constitution.

 

Non seulement cette interdiction était illégale, mais elle est aussi infondée car les charges de la police et des milices se sont produites dans plusieurs avenues et rues adjacentes de Tunis (Mohamed V, Jean Jaurès, Atatürk, Paris, le passage, Marseille). Ainsi, le cortège de la ligue tunisienne des droits de l'Homme (LTDH) a été chargé dans la rue Kamel Atatürk. Un membre du Conseil national de la LTDH a été admis à l'hôpital à cause des effets des gaz lacrymogènes.

 

Ces passages à tabac, systématiques, planifiés et organisés n’ont pas épargné les marcheurs de Sidi Bouzid venus à Tunis pour exiger du travail. Après avoir parcouru plus de 300 kilomètres à la marche, ils ont été accueillis à coups de matraques et de gaz lacrymo alors qu'ils se reposaient sur le gazon de la place des droits de l'Homme.

 

Des pratiques indignes

 

Deux jours auparavant, le 7 avril, la manifestation organisée par l’union des diplômés chômeurs (UDC) a été sauvagement réprimée. Le bilan était de plusieurs dizaines d’arrestations et de blessés, dont certains dans un état grave. L’UDC est descendue dans la rue pour réclamer des mesures sérieuses pour l’emploi ainsi que la fin du système d’embauche clientéliste dans le secteur public.

 

Renouant avec les pratiques et les discours de l'ancien régime, le ministre de l'Intérieur a nié les faits qui se sont déroulés à des dizaines de mètres de son bureau. Il a ressorti à nouveau la rengaine de la théorie du complot, en parlant de la saisie d’une camionnette pleine de cocktails Molotov ! Alors que les salafistes, qui ont agressé quelques jours plus tôt sur la même avenue Bourguiba des journalistes et des artistes de théâtre en hurlant "mort aux juifs", courent toujours et bénéficient d'une incompréhensible impunité.

 

- Les associations et les organisations politiques et démocratiques de l'immigration tunisienne en France dénoncent cette répression sauvage de la police épaulée par des milices armées de barres de fer contre des manifestants pacifiques qui constitue une atteinte très grave aux libertés et aux droits de l'homme.

 

- Elles rappellent que le gouvernement et le ministre de l'Intérieur sont responsables de la sécurité des personnes et qu'il est de leur devoir de mettre fin immédiatement à cette spirale répressive, attentatoire aux libertés et aux droits de l'homme. Le gouvernement doit assumer sa responsabilité dans la lutte contre le phénomène de la prolifération des milices hors-la loi.

 

- Elles demandent la création d’une commission d'enquête indépendante pour déterminer et sanctionner les coupables de cette sauvagerie quels qu'ils soient, ainsi que les véritables identités de ces miliciens et leurs commanditaires.

 

- Elles soutiennent la demande formulée par certains députés de créer une commission d’enquête parlementaire.

 

- Elles appellent l’Assemblée Constituante à se saisir du dossier de la réforme de l’appareil sécuritaire et de son assainissement des tortionnaires et des bourreaux de notre peuple, en mettant terme à l’impunité dont ils continuent de jouir jusqu’à aujourd’hui.

 

- Elles demandent en outre l'abrogation de la mesure scélérate qui interdit l'avenue Habib Bourguiba aux les manifestations.

 

- Elles exigent la protection des minorités religieuses et de leurs lieux de cultes et ainsi que des sanctions contre la profanation de l'église orthodoxe russe.

 

- Elles expriment leur solidarité avec les artistes, les journalistes, les chômeurs diplômés, les militants des droits de l'homme, les universitaires et les démocrates et exigent de respecter leurs libertés individuelles et publiques.

 

- Elles se déclarent solidaires des plaintes déposées par des militants et associations contre les propos antisémites et les auteurs d’agressions et de brutalités dont ont été victimes les manifestants.

 

- Elles appellent à la mobilisation pour préserver les acquis de la révolution à savoir les libertés individuelles et collectives menacées par des agissements brutaux du gouvernement, indignes d'un État de droit.

 

- Elles déclarent vouloir créer un cadre unitaire pour la défense des libertés, des droits de l'homme et de la démocratie chèrement arrachés par la révolution.

 

- Elles s'adressent à leurs amis démocrates français associatifs, syndicalistes et politiques pour qu'ils se mobilisent pour la défense des libertés dans la nouvelle Tunisie de la Révolution.

 

Les associations et organisations politiques de l'immigration en France appellent ainsi à un rassemblement devant l'ambassade de Tunisie pour protester contre la répression des forces de l'ordre et des milices organisées, ce jeudi à 18H30, au métro Saint François Xavier.

 

 Signataires de l’appel :

Associations : ADTF, AIDDA, ATF, ATNF, CRLDHT, Collectif 3 C, Collectif des Femmes tunisiennes, DCTE, Front 14 janvier, FTCR, Manifeste du 20 mars, MCTF, REMCC, UGET / France, Unies-vers-Elles, UTAC, UTIT/Ile-de-France, WD 15, SOS Racisme

 

Partis politiques : Ettajdid / Ile-de-France, Ettajdid / France, FDTL/France, Moupad / France, Parti Républicain / France, PCOT / France, PDM / France, PTT / France

 

Avec le soutien de : AMF, ATMF, EELV, FASE, Inter-collectif de solidarité avec les luttes des peuples du monde arabe, LDH, Les Alternatifs, Manifeste des Libertés, MRAP, NPA, PCF, PG, Solidaires,

Thala Solidaire  se joint à toutes ces voix indignées...

plus.nouvelobs

 

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23 mars 2012 5 23 /03 /mars /2012 07:07

Lettre à l'Assemblée nationale constituante au sujet de la nouvelle constitution

 

Mesdames et messieurs les membres de l’Assemblée nationale constituante de Tunisie,

Depuis son élection, le 23 octobre 2011, l’Assemblée nationale constituante (ANC) a réalisé d’importantes avancées dans le sens de la rédaction d’une nouvelle constitution. Avec la formation des six commissions de rédaction, les députés de l’ANC auront maintenant à faire des choix cruciaux quant au système de gouvernement, les principes fondamentaux de la République tunisienne et les relations entre les différentes autorités.

Les citoyens tunisiens ont fermement exprimé leur exigence d’une nouvelle constitution capable d’empêcher les pratiques abusives de l’ancien régime. Human Rights Watch exhorte l’Assemblée nationale constituante à être attentive à de telles exigences dans la rédaction de la nouvelle constitution.

Le processus de rédaction de la constitution devrait durer au maximum dix-huit mois, bien qu’aucun délai officiel n’ait été fixé. Le processus d’approbation de la constitution implique que chaque article soit voté à la majorité absolue de l’ANC. Puis le texte intégral de la constitution sera soumis à l’ANC. Si  la tentative de faire adopter la constitution par une majorité des deux tiers échoue à deux reprises, elle sera soumise à un référendum populaire. Suite à l’approbation d’une nouvelle constitution, la Tunisie tiendra des élections présidentielles et législatives.

Les ébauches de constitution présentées jusqu’ici par divers partis de tout le spectre politique permettent de dégager un large consensus sur des principes tels que : l’interdiction de la torture et la non-applicabilité des délais de prescription pour la torture ; l’égalité de tous les citoyens devant la loi ; les droits de la défense dans les procès judiciaires ; les droits politiques, comme le droit d’association, de rassemblement et de formation de partis politiques ; l’indépendance de la justice ; et le droit de participer à des élections libres et équitables.

Pourtant, ces ébauches de constitution divergent profondément lorsqu’il s’agit des sources de la législation, de la liberté d’expression et des restrictions aux libertés publiques et privées que le gouvernement serait autorisé à imposer. Certains textes s’éloignent du droit international relatif aux droits humains, que ce soit dans la formulation de certains droits ou pour la latitude qui est laissée au législateur de les limiter.

Human Rights Watch exhorte l’assemblée constituante de rédiger une constitution qui garantira de solides protections aux droits humains, grâce aux éléments suivants :

Primauté  des traités relatifs aux droits humains sur les  lois nationales

La constitution devrait garantir que tous les traités internationaux relatifs aux droits humains dûment ratifiés par la Tunisie, y compris les traités et protocoles onusiens et africains, aient directement force de loi en Tunisie et qu’ils aient la suprématie sur les lois nationales. Cette disposition, déjà présente dans l’article 32 de la constitution de 1959, devrait être réaffirmée dans la nouvelle constitution. En outre, la constitution devrait affirmer que le droit international coutumier et les règles générales du droit international ont force de loi dans les tribunaux nationaux.

La constitution devrait en outre  inclure un article général incorporant explicitement dans les lois tunisiennes les droits humains tels que définis par les traités internationaux ratifiés par la Tunisie, comme le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples, avec la primauté de ces derniers sur les lois nationales. Les tribunaux tunisiens devraient s’inspirer des organismes qui interprètent officiellement de tels traités pour déterminer les normes minimales régissant ces droits. Un tel article constituera une base plus solide pour amender de nombreuses lois nationales qui limitent les droits humains, comme celles qui donnent toute latitude aux autorités pour interdire les rassemblements publics et restreindre le droit des individus à voyager, aussi bien que les lois qui criminalisent les actes d’expression pacifiques selon des motifs vagues, comme la perturbation de l’« ordre public » ou l’atteinte aux « bonnes mœurs ». Human Rights Watch a publié un rapport décrivant de nombreuses lois répressives dont la réforme devrait être une priorité des législateurs.

Droits spécifiques à consacrer dans la constitution

La constitution devrait garantir l’égalité de tous les citoyens devant la loi et exclure toute forme de discrimination selon des critères de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique et de toute autre opinion, d'origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation, comme le proclame l’article 26 du PIDCP. La constitution devrait spécifier que les « autres statuts » comprennent, de façon non exhaustive : grossesse, statut marital, origine ethnique, orientation sexuelle, âge, handicap, conscience, croyance, culture et langue.

La constitution devrait garantir que le droit à la liberté de religion, de pensée et de conscience englobe la liberté de changer de religion ou de croyance et de pratiquer, en public et en privé, n’importe quelle religion, que ce soit en respectant un culte ou en observant des rites et des coutumes, de même que la liberté de ne pratiquer aucune religion.

Human Rights Watch exhorte l’ANC à s’assurer d’inclure dans la constitution de solides garanties concernant les droits à la liberté d’expression, d’association et de rassemblement pacifique, entre autres en éliminant les restrictions et les qualificatifs contenus dans la constitution de 1959, qui donnaient aux autorités une marge de manœuvre pour restreindre ces droits au-delà de ce que permet la stricte définition des restrictions autorisées en droit international. Dans ce but, l’ANC pourrait inclure des éléments de langage confirmant que l’approche des restrictions possibles est celle du droit international : que toute restriction imposée à l’exercice des droits d’association et de rassemblement ne peut avoir comme effet de nier l’essence de ce droit, et doit être « prévue par la loi et (…) nécessaire dans une société démocratique, dans l'intérêt de la sécurité nationale, de la sûreté publique, de l'ordre public, ou pour protéger la santé ou la moralité publiques ou les droits et les libertés d'autrui » (articles 21 et 22 du PIDCP).

Human Rights Watch est particulièrement préoccupée par une ébauche de la constitution diffusée par des membres de Ennahda, parti prédominant de la coalition au pouvoir. Elle contient un article selon lequel « la liberté de pensée, d’expression, de presse et de publication sont garanties, tout en considérant les sacralités des peuples et des religions ». Cette disposition est incompatible avec les normes de la liberté d’expression, qui permettent de restreindre les discours qui incitent directement à la haine religieuse ou raciale, mais pas de les restreindre simplement parce qu’un groupe social, national ou confessionnel, ou plusieurs, estime que ce discours est choquant ou insultant. En posant comme condition, pour le droit à la liberté d’expression, de « considérer les sacralités des peuples et des religions », l’article proposé vide le droit de son essence, ouvrant la porte à des lois qui criminalisent la divergence d’opinion ou la critique dès qu’elle se rapporte à des thèmes de croyance et de religion.   

En outre, la nouvelle constitution devrait contenir une mention spécifique du droit à la vie privée, qui implique notamment d’être protégé contre les intrusions injustifiées de la société ou de l’État, via une protection de la personne, de la famille, du foyer, ainsi que des informations et communications personnelles, comme le proclame l’article 17 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

L’Assemblée nationale constituante devrait aussi consacrer les droits économiques, sociaux et culturels tels que garantis par le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, que la Tunisie a ratifié. Elle devrait mentionner notamment le droit au travail, à l’éducation, à la santé et à la sécurité sociale. La constitution devrait stipuler que l’État doit prendre des mesures raisonnables, législatives et autres, dans le cadre des ressources dont il dispose, pour achever la réalisation progressive de chacun de ces droits, conformément aux critères internationaux, et garantir que pour chaque droit, un niveau de base est protégé, pour tous et en toute circonstance.

Mécanismes de mise en œuvre

L’ANC devrait s’assurer que la constitution affirme clairement l’indépendance de la justice, en favorisant la mise en place de  mécanismes qui protègeront les juges des pressions de l’exécutif dans le cadre des processus de nomination, de sanction et d’affectation de ces juges aux différentes affaires, et en évitant la mainmise de l’exécutif sur la carrière des juges en exercice.

Il ne suffit pas que l’ANC adopte une nouvelle constitution qui intègre ces droits, mais il faut qu’elle les garantisse en mettant en œuvre des mécanismes qui devraient également être mentionnés dans la constitution. En particulier, l’ANC devrait envisager de créer une Cour constitutionnelle qui sera habilitée à juger de la constitutionnalité des lois et pourra invalider celles qui ne sont pas conformes aux critères affirmés dans la constitution. De plus, la constitution devrait indiquer clairement que tous les tribunaux et tous les organismes publics ont le devoir de se conformer aux droits humains exposés dans la constitution et de les faire respecter.

Nous vous remercions pour votre temps et votre attention.

Sarah Leah Whitson Directrice exécutive Division Moyen-Orient et Afrique du Nord

source hrw.org

 

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Des fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères protestent et accusent Rafik Abdessalem de les snober


 

Quelque 120 fonctionnaires et agents du ministère des Affaires étrangères ont observé, jeudi 22 mars 2012, un mouvement de protestation dans le hall du siège du ministère, a  rapporté la correspondante de TunisieNumerique  présente sur place.

 

Les protestataires ont demandé à rencontrer le ministre des Affaires étrangères Rafik Abdessalem pour discuter avec lui de leur situation, a précisé notre reporter.

 

Les fonctionnaires exigent la régularisation de la situation de certains agents, la titularisation d’autres ainsi que la promotion du personnel qui en ont le droit.

 

Mais la demande  de rencontre avec le ministre n’a pas été satisfaite car ce dernier n’a pas accédé à cette requête.

 

Dans une déclaration à TunisieNumérique  Khalil Tazarki un fonctionnaire du ministère a affirmé que M. Rafik Abdessalem adopte une attitude hautaine à l’égard du personnel qu’il snobe, précisant que le ministre ne les associe pas aux audiences préférant rencontrer seul les ambassadeurs et les personnalités étrangères

 

Le personnel du ministère des Affaires étrangères a convenu du principe d’une grève générale mais n’en a pas encore déterminé les modalités, indique-t-on, de même source.

 

Une grande réunion du bureau exécutif de l’union régionale du travail de Tunis et du syndicat de base du ministère des Affaires étrangères était prévue ce jeudi, rappelle-t-on au siège du ministère.

 


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20 mars 2012 2 20 /03 /mars /2012 04:18

L'indépendance tunisienne est-elle menacée?

Plus d'un an après sa révolution, la Tunisie fête l'anniversaire de son indépendance. L'occasion de faire le point sur l'influence du Qatar et les rumeurs d'interventionnisme dans la reconstruction tunisienne.

"Non à l'Amérique, non au Qatar, peuple tunisien peuple libre". Manifestation à Tunis, 14 janvier 2012. REUTERS/Zoubeir Souissi

C'est dans un climat toujours plus tendu, marqué par desaffrontementsscandales, manifestations et une absence deperspectives économiques, et ce, au seuil de la saison touristique, que la Tunisie fête, le 20 mars 2012, le 56e anniversaire de son indépendance. Un jour férié pour les Tunisiens qui sous l'ancien régime se résumait à un énième ressort de propagande distillé à coup d'affiches et de messages radios et vidéos.

Outre les éloges à sa propre gloire, le dictateur déchu, Zine el-Abidine Ben Ali, établissait en son temps les conditions d'une République tunisienne indépendante:

«Nul ne peut affirmer son identité ni préserver sa dignité, dans le contexte d'une dépendance économique qui porterait atteinte à l'indépendance du pouvoir national de décision», précisait l'ex-président lors d'une cérémonie commémorative le 20 mars 2009.

En dehors d'avoir sciemment confondu l'indépendance économique nationale et l'enrichissement personnel, cette déclaration du dictateur, toujours et à «jamais» exilé à Jeddah en Arabie saoudite, n'était pourtant pas dépourvue de bon sens. La commémoration du 20 mars 1956, date de la libération des Tunisiens sous la colonisation française, est l'occasion, cinquante-six ans après, de faire le point sur leurs libertés, qu'elles soient économique, politique, médiatique ou même spirituelle.

Le chemin de l'indépendance

A ce jour, renforcée par les récentes bourdes diplomatiques, la question de la colonisation française en Tunisie est en partie réglée. Son influence n'est plus qu'un souvenir fait de résidus culturels et linguistiques. Même si les relations économiques ont perduré entre les deux pays, les décisions politiques nationales sont restées pendant plus de cinquante ans dans les mains du pouvoir tunisien. Au prix du sang et de milliers de victimes, le peuple tunisien avait fait le choix de s'émanciper et de participer au grand mouvement de décolonisation de l'Afrique. Cette libération a permis à ce pays de se doter d'une administration, inexistante jusqu'alors, ainsi que d'un système éducatif que beaucoup envient, aujourd'hui:

«Le problème de l'indépendance avec la France est résolu depuis longtemps. Les restes sont plutôt positifs, comme le système éducatif. Les tentatives de pointer la langue française ou l'influence culturelle française répond d'une science politique appelée "mobilisation" et qui consiste à chercher des problèmes identitaires qui trouvent échos chez les populations moyennes ou pauvres pour dévier les regards des urgences économiques ou sociales», confiait à Slate Afrique le directeur du Centre arabe de recherches et d'analyses politiques et sociales (Caraps), Riadh Sidaoui.

Pour mémoire, l'épisode de l'indépendance tunisienne s'est déroulé dans la résistance et les pertes civiles. C'est en 1920, suite à la création du parti Destour (constitution en arabe), que le thème de l'indépendance apparaît pour la première fois. Suite à l'assassinat de Farhat Hached, grande figure de l'Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT) en 1952, les nationalistes tunisiens suivent l'exemple de leurs voisins algériens, ils se réfugient dans les montagnes et lancent des opérations de guérilla contre les colons français. Le 1er juin 1954, après dix années d'enfermement et d'assignation à résidence, Habib Bourguiba (1903-2000) l'un des fondateurs du parti Destour et de son extension, le parti néo-Destour, fait son retour triomphal à Tunis.

El-Moujahid El-Akbar, «le combattant suprême», souhaite diminuer l'influence islamique afin que tous les Tunisiens qu'elle que fût leur religion puissent accéder à l'égalité juridique, suscitant ainsi les ressentiments de l'aile dure des musulmans. En juillet 1954, Pierre Mendès France se rend à Carthage pour promettre l'autonomie interne. Le 20 mars 1956, la France reconnaît l'indépendance tunisienne. L'Assemblée constituante alors dominée par les néo-destouriens proclame la République tunisienne. Bourguiba devient chef du gouvernement et les premières réformes sont d'inspiration occidentale: enseignement obligatoire, égalité des sexes devant la loi, nouvelle législation économique et sociale. Dans la foulée, le 13 août 1956, sur les bases d'une politique moderniste d'influence occidentale, le fameux Code du statut personnel (CSP), le premier du genre dans la région, est définitivement adopté. 

«L’indépendance n’est pas un but: c’est un commencement. C’est un premier pas qui nous a permis de prendre conscience de nos devoirs envers nous-mêmes et envers l’humanité»déclarait le président Bourguiba à Tunis le 20 mars 1957.

Par la suite, au prix de grèves et d'émeutes sévèrement réprimées sous les gouvernements de Bourguiba et de Ben Ali, la Tunisie s'est emparée de son histoire en s'éloignant de l'emprise coloniale. Particulièrement fiable et solide, son administration a bel et bien résisté au dernier souffle révolutionnaire qui a fait suite à la chute de l'ex-dictateur et à la fin du régime autocratique.

La Tunisie en a-t-elle fini avec le protectorat?

Pourtant, plus d'un an après les premiers soulèvements populaires de décembre 2010, dans un contexte économique particulièrement fragile, nombre de Tunisiens s'inquiètent de voir telle ou telle puissance extérieure, le Qatar en tête de file, s'immiscer dans les affaires du pays à coups de promesses d'investissements et de nominations politiques controversées.

«En ce moment, nous avons un genou à terre. Et dans ce contexte de fragilité, toute intention étrangère doit être rigoureusement surveillée. De part son emplacement géographique stratégique, sa culture ouverte et ses relations relativement saines avec l'Occident, la Tunisie est en proie aux instrumentalisations de grande envergure», confiait une universitaire tunisoise.

Dans les cafés, les universités ou sur les réseaux sociaux, on ne compte plus les appels à la résistance face à l'hypothèse d'un complot impliquant l'émirat mais aussi et en toile de fond, l'influence américaine, considérée comme «grotesque» par certains éditorialistes.

Il faut dire que la présence de l'émir du Qatar, Hamad Ben Khalifa Al Thani, lors du premier anniversaire de la révolution, le 14 janvier 2012, avait fini d'alimenter les rumeurs. A plus d'un titre, les Tunisiens sont devenus peu à peu «allergiques» à la prononciation récurrente du mot «Qatar» après leur révolution. L'implication médiatique et militaire de l'émirat dans les révoltes successives des pays arabes leur semblait déjà suspecte, mais en accompagnant d'aussi près le processus de transition, les dirigeants qatari ont suscité l'inquiétude des Tunisiens.

Le parti Ennahdha majoritaire au sein de l'Assemblée constituante n'avait pourtant jamais cachéses bonnes relations avec le Qatar. Même si le financement par l'émirat de la campagne n'est pas avéré, les premiers déplacements des dirigeants élus ont été en faveur des dirigeants qataris.

A la suite des élections démocratiques d'octobre 2011, cette influence s'est concrétisée par l'obtention de postes gouvernementaux stratégiques, tels que le ministère des Affaires étrangères, revenu à Rafik Abdessalem, ancien chef du département de recherche au centre d'études de lachaîne satellitaire qatarie Al-Jazeera. Et, à ce jour, plusieurs accords et mémorandums d'entente économique ont été signés début janvier entre le Qatar et la Tunisie. Les élus tunisiens ont bien réorienté les intérêts nationaux en se détournant en partie de l'Europe au profit de leurs «frères arabes», selon les termes employés par l'actuel ministre des Affaires étrangères.

Cependant, en dehors des relations de plus en plus étroites entre les deux pays, on peut s'interroger sur l'éventuelle menace d'un prochain «protectorat qatari» qui, à plus d'un titre, ne semble pas résister à l'analyse dans le cas de la Tunisie.

Pas de «protectorat», mais un «lobby qatari»

Forte de son passé de peuple colonisé, de son apprentissage de la contestation et de la démocratie, de ses multiples influences identitaires et culturelles, la Tunisie semble plus à même de contrer toute nouvelle tentative d'ingérence politique ou d'hégémonie culturelle. Considéré comme l'un des carrefours du monde, le pays ne peut à nouveau s'enfermer dans un seul et même modèle:

«La mise en place d'un autre “protectorat” est impossible, le pays est traversé de trop de courants culturels, religieux, et maintenant politiques. Mais le problème qui se pose pour les Tunisiens c'est que ces pays du Golfe ne sont pas des démocraties, mais bien des dictatures.Ce sont des pays aux moyens de propagande très forts. Il n'y a pas moins de 150 chaînes islamistes. Des chaînes de télévision londoniennes financées par le Qatar.

Le problème identitaire ne devrait pas se poser en Tunisie, c'est un problème artificiel, importé des dictatures, avec des traditions et des coutumes propres à des régions retardées en matière de droits de l'homme. Ces pays ne sont pas des modèles, ils ont beaucoup investi afin de façonner à leur guise leur société traditionnelle», estime Riadh Sadoui, également rédacteur en chef du site webTaqadoumiya.

Face à ce que certains nomment, à tort ou à raison, le nouveau «protectorat qatari», le politologue préfère quant à lui évoquer un «lobby qatari»:

«Il faut avoir en tête que le parti Ennahdha emmené par son leader, Rached Ghannouchi, a trouvé sa légitimité via la chaîne Al-Jazeera. Tout comme l'actuel président provisoire, Moncef Marzouki», poursuit l'analyste.

Suite à une présentation en 2006 sur la chaîne qatari de l'opposant à Ben Ali, Moncef Marzouki, l'ex-président avait en effet, en guise de protestation, rappelé son ambassadeur à Doha.

Le Qatar, colosse aux pieds d'argile

Pour Riadh Sidaoui, le Qatar n'est pas «une grande puissance, ni militaire, ni politique, ni même économique» contrairement aux idées reçues. Comme l'Arabie saoudite en son temps, le Qatar ne fait que «payer aujourd'hui les factures de la stratégie américaine», celle du «pouvoir local»:

«Au lieu de contrer les islamistes en épousant les positions de dirigeants ayant perdu toute légitimité auprès de la population, on a décidé de composer avec eux. LesFrères musulmans ont exactement le même modèle économique (l'économie de marché, ndlr) que les Etats-unis», expliquait le politologue.

Le Qatar n'aurait donc pas de stratégie définitive, mais seulement la force de ses liquidités, mises au service d'un potentiel regroupement du monde arabo-musulman. Des moyens par ailleurs devenus cruciaux à l'heure du protectionnisme occidental. Concernant d'ailleurs la France, le sujet est peut-être plus inquiétant qu'en Tunisie. Les multiples acquisitions de l'émirat dans l'Hexagone, sont devenues pour certains observateurs des plus préoccupantes.

Du côté tunisien, les investissements ne sont pas encore effectifs et restent soumis à certainesconditions de taux d'emprunt, à ce jour, toujours en débat. De même, le Qatar n'intervient pas dans les décisions politiques nationales et n'ordonne pas à l'armée tunisienne, toujours présentée comme le rempart indépendant aux menaces intérieures et extérieures.

Le «Dégage» fortement ancré dans les têtes

Enfin, la vigilance des nouveaux médias de plus en plus nombreux, alliée au sentiment de liberté renforcé au sortir de la dictature, a développé chez les Tunisiens l'assurance d'avoir un peu plus en mains leur destin:

«Moi je ne veux pas que la Tunisie deviennent un pays salafiste ou wahhabiste. Oui pour un partenariat, mais sans obligations de s'habiller ou de penser. A l'inverse, le Qatar pourrait aussi se nourrir de notre culture, une forme d'échange», souhaite Myriam, 28 ans, Sfaxienne et commerciale.

A les interroger, les Tunisiens ne comptent plus se laisser abuser ou instrumentaliser et se tiennent régulièrement informés des derniers choix politiques:

«Si l'influence qatarie se fait trop forte, on redescendra dans les rues. Le Dégage est encore fortement ancré dans nos têtes. On ne se laissera pas faire, quel que soit l'adversaire. Mais en ce moment, vu la situation économique, le tourisme, tout est bon à prendre. Mais pas à n'importe quel prix», conclut Mohammed, trentenaire et informaticien.

Récemment, les élections universitaires et la large victoire de l'Union générale des étudiants tunisiens (UGET) ont renforcé le sentiment démocratique et la pluralité des voix dans le pays. Comme pour l'ensemble de la société, c'est, peut-être, en composant avec ces nouveaux partenariats étrangers, et sans se laisser envahir, que les Tunisiens se réapproprieront leur identité dont ils ont trop longtemps été privés.

Mehdi Farhat

source slateafrique

 

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Rafik Abdessalem: Le manque de diplomatie de Monsieur gendre

 

Le ministre tunisien des Affaires étrangères Rafik Abdessalem continue de défrayer la chronique et multiplie les couacs. 
Son manque de connaissances des rouages diplomatiques, mais aussi du langage et de la retenue que doit avoir tout diplomate en chef, suscite moult interrogations. Au manque d’expertise et d’expérience dans son domaine, s’ajoute un manque terrible de connaissances de l’Histoire et de la géographie de son pays. 

Quand son nom a commencé à circuler lors de la composition du gouvernement, les observateurs politiques et éditorialistes ont crié au scandale. Il est inconcevable de nommer le gendre de Rached Ghannouchi à la tête de la diplomatie tunisienne. 
L’opposition, quasiment unanime, ne voulait pas de népotisme familial, mais n’avait pas de réels arguments supplémentaires pour justifier son refus à part le fait que Rafik Abdessalem était un haut cadre de la galaxie de la chaîne qatarie Al Jazeera. 

Le refus de cette nomination n’a pas touché que l’opposition. Au sein même d’Ennahdha, on était sceptiques. Selon certaines indiscrétions, très bien informées et très crédibles, pas moins de huit hauts cadres du parti islamiste ont manifesté ce refus. Et toujours selon ces indiscrétions, ces huit hauts cadres ont été «convoqués» un à un par Rached Ghannouchi pour des réunions en tête-à-tête au bout desquelles ils ont changé d’avis ou, plutôt, ont acquiescé du bout des lèvres. 

Il faut dire que logiquement, pour qu’une personne d’aussi proche parenté soit nommée à un poste de cette envergure, il faut vraiment démontrer qu’elle est la meilleure possible à ce poste dans tout le pays, et de ce fait, sa nomination s’imposerait à tous. Ce qui est loin d’être le cas.
Chez Ennahdha, on a une qualité de taille: le linge sale se lave en famille et la discipline est de mise. L’affaire n’a donc pas fait de bruit et n’a jamais été médiatisée. Le mot d’ordre est donné: il faut soutenir Rafik Abdessalem et ne jamais le présenter comme étant le Monsieur gendre, mais plutôt comme la compétence unique capable de diriger la diplomatie du pays. 

Autre argument du parti islamiste : le monsieur a dû, lui aussi, subir les affres du régime Ben Ali en sa qualité de gendre et de militant fort actif d’Ennahdha et ne peut donc pas être sanctionné pour ce lien familial dont il a subi les conséquences lors des années de braise. 
On omettra de rappeler, bien entendu, que le bonhomme a quasiment toujours vécu à l’étranger et on ne voit vraiment pas de quelles affres parle-t-on. Entre le militantisme et les années de prison subies par les Jebali, Dilou, Ben Salem ou Ellouze, il n’y a absolument aucune comparaison. 

Rafik Abdessalem est une compétence ? Va pour ça et on ne demande qu’à voir. 

Trois mois plus tard, on a vu ce qu’on a vu et entendu ce qu’on a entendu. 
Il s’avère que le ministre des Affaires étrangères ne maîtrise pas vraiment la langue française, deuxième langue du pays et première langue des affaires en Tunisie. Surtout, c’est la première langue de la diplomatie et la langue du premier partenaire économique. Diplomatiquement parlant, le signal est des plus mauvais. «Ce n’est pas une tare, diront ses défenseurs, Rafik Abdessalem maîtrise parfaitement l’anglais, première langue des affaires dans le monde et la Tunisie est un pays arabe, les Français doivent comprendre cela une fois pour toutes». Allez expliquer que la France a, certes, besoin de la Tunisie, mais que la Tunisie, économiquement parlant, ne peut en aucun cas se passer de la France. Et à ce titre, elle gagnerait à s’abstenir de lui envoyer un tel message improductif au meilleur des cas, inamical au pire.

Le personnel du ministère des Affaires étrangères a été parmi les tout premiers à s’apercevoir des «limites» de leur nouveau ministre et les tensions se sont ressenties dès les premiers jours.
A l’origine de cette tension, «une méconnaissance par M. Abdessalem des dispositions administratives régissant l’action du ministère», écrivait Le Maghreb le 29 janvier. A titre d’exemple, «il se met en colère à chaque fois qu’on lui dit qu’il n’est pas possible de prendre en charge les frais de mission d’une personne ne faisant pas partie du personnel du département».

Sans oublier que le ministre n’a pas reçu, jusqu’à présent, une délégation des employés qui lui ont demandé une audience les poussant à annoncer un préavis de grève. 
Trois mois plus tard, les esprits ne se sont pas vraiment calmés et on se plaint, dans les couloirs du ministère, des frais de missions onéreuses du ministre et de son manque de tact et de diplomatie dans la gestion des affaires. 

Quelques semaines plus tard, la polémique a été déclenchée avec son annonce spectaculaire de renvoyer l’ambassadeur de Syrie en Tunisie. Un ambassadeur qui a déjà quitté le pays depuis des mois déjà. Pour se défendre, l’entourage de Rafik Abdessalem a rappelé que ce renvoi a été précédé par plusieurs avertissements (que la majorité des observateurs a oubliés) et qu’il fallait envoyer un signal fort. Peut-être, mais on aurait pu dire, par souci de précision et afin d’éviter toute tromperie, que l’on a renvoyé le chargé d’affaire faisant office d’ambassadeur. En matière de diplomatie, chaque mot doit être pesé lourdement avant d’être prononcé. 

Fin février, le ministre provoque la colère des Amazighs suite à ses déclarations lors du congrès ministériel des pays du Maghreb. Il a, en effet, émis une objection à la proposition de son homologue marocain, Saâd Eddine El Othmani, qui a appelé à changer la dénomination du «Maghreb Arabe» pour «l’Union Maghrébine», en référence à la grande variété de civilisations, de cultures, de populations et de langues réunie dans les pays du Maghreb.
Selon le chef de la diplomatie tunisienne, cette objection serait justifiée par la dimension culturelle, civilisationnelle mais aussi géographique que comporte le terme «arabe». Une appellation qui, selon lui, réunit les pays du Maghreb, constituant «la partie occidentale du monde arabe».
L’observatoire amazigh des droits et des libertés a publié un communiqué dans lequel il regrette la ségrégation dont découle le refus de la proposition marocaine et qualifie les déclarations de Rafik Abdessalem d’«aberrantes», en référence à l’argument géographique émis par le ministre. 

M. Abdessalem ne manquera pas de défrayer la chronique en réalisant une première dans la diplomatie internationale. Dans une interview sur Al Jazeera, le ministre osera critiquer sévèrement les médias tunisiens qu’il juge partiaux et il ne manquera que de dire, malhonnêtes. Le linge sale d’Ennahdha a beau se laver en famille, celui des médias tunisiens se lave en public et sur une chaîne internationale loin, très loin, d’être impartiale. Le hic, c’est que le ministre comprend parfaitement la partialité des médias qataris (ou britanniques) en parfaite cohésion avec leur propre ligne éditoriale, mais feint de ne pas comprendre la partialité des médias tunisiens. 
Sa même remarque sur les médias, il la formulera devant l’Assemblée nationale constituante dans une posture similaire à celle d’un orateur lambda dans une conférence d’une association de quartier. Ses coudes collés au pupitre, l’autosatisfaction de son propre travail et du travail gouvernemental (le meilleur gouvernement de tous les temps dira-t-il) en disent long sur le manque de tenue et de retenue que doit observer tout diplomate. 
On taira au passage la fameuse histoire du vrai faux complot contre le gouvernement puisque c’est par son biais que la «réunion» des diplomates étrangers à Tunis a été ébruitée. 

La dernière prouesse du ministre nous viendra de cette conférence-débat tenue fin février à Doha. Encore une fois, il ne se retiendra pas de dénigrer ses compatriotes en public et dans un pays étranger. L’opposition? Des 0,00%. 
Il sera la risée de tout le monde en indiquant que les côtes tunisiennes ne s’étalent que sur 500 kilomètres. Un élève de la 6ème année primaire ne s’y tromperait pas et aurait été sévèrement sanctionné par son instituteur suite à une telle erreur. 

Mais la sanction tombera sur notre collègue Mohamed Ammar, journaliste résidant au Qatar, qui a eu le «culot» de corriger le ministre en public. Il sera privé d’interview, na!
La haute compétence dont a parlé Rached Ghannouchi, suivi comme des soldats disciplinés par les différents responsables d’Ennahdha, a clairement montré ses limites. 


La Tunisie et sa révolution jouissent d’une excellente aura à l’international, a dit à maintes reprises le M. Abdessalem. Toute la difficulté réside dans l’habilité à garder cette belle image et ce n’est certainement pas avec un ministre qui dénigre ses critiques en Tunisie et à l’étranger et ne maîtrise ni ses dossiers, ni l’histoire et la géographie de son pays, que cette belle image pourra être préservée. 


«Les diplomates trahissent tout excepté leurs émotions», disait Victor Hugo. Monsieur gendre n’a même pas été capable de cela. Dommage! 

source businessnews

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19 mars 2012 1 19 /03 /mars /2012 04:45

Entretien avec Mustapha Ben Jaafar, Président de l’Assemblée constituante la charia est ouverte à toutes les interprétations et sa prise pour source principale de législation remet en cause les fondements ``séculiers``  de l’État et met par là même en péril l’unité et la stabilité du pays. C’est pourquoi Ben Jaafar  déclare clairement être contre de telle proposition. 


 

 

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La troïka tiendra-t-elle le choc des Salafistes et de la Chariâ? 


Ceux qui ont toujours cru que la ligne de politique générale (sociale, économique et politique intérieure) d’Ennahdha, montre déjà assez clairement ses limites, viennent de recevoir un appui de taille. Cette déclaration de Mustapha Ben Jaafar, rapportée, samedi, par le quotidien Al Maghreb, en administre la preuve. «Devant la situation difficile que vit le pays, les dirigeants sont maintenant prêts à toutes les éventualités, y compris la participation de quelques experts dans le gouvernement». Dite par un des membres de la troïka, l’annonce de cette «situation difficile», prend la nette apparence d’une évidence qui devra nécessairement entraîner des changements, au risque d’imploser le gouvernement Jbali, sans besoin de recourir à un quelconque complot.

La situation difficile, on en retrouve, malheureusement les traces, dans différents endroits de la situation et conjoncture, notamment internes, de la Tunisie d’après le 22 décembre 2011, date de la présentation à la Constituante par Hamadi Jbali de son gouvernement, huit jours après sa désignation au poste de chef de Gouvernement par Moncef Marzouki.


- Situation économique.

Trois mois presque après le verrouillage de tous les postes- clés du gouvernement entre les mains d’Ennahdha, l’économie tunisienne ne tournait toujours pas rond. La balance commerciale est toujours déficitaire, le déficit courant s’élargit, les IDE clopinent et les investisseurs voient d’un mauvais œil la hausse des coûts de production dans la Tunisie révolutionnaire, les ressources se raréfient, les prix sont à la hausse et l’inflation est galopante. L’investisseur local a peur et les politiques ne lui font pas confiance. La production bat de l’aile, fortement chahutée par l’escalade des grèves et la floraison des sit-in. Pas de création de richesses, pas de création d’emplois.

Dire le contraire de tout ceci pourrait certes faire plaisir à Ennahdha, parti et gouvernement, mais ne serait pas du nationalisme. Même s’il n’est pas de celui que prône à tout bout de champ Rached Ghannouchi.


- Paix sociale et sécurité.

La Tunisie est certes désormais loin, en matière de sécurité, de l’état de l’année 2011. On est loin du ministère de l’Intérieur bardé de fils de fer. On est loin des évasions successives de prison et de la recrudescence des braquages et autres. Les forces de l’ordre en Tunisie reprennent progressivement les choses en main, les coups de filets se suivent et les arrestations se multiplient. La menace salafiste armée reste cependant à l’ordre du jour. L’affirmation du ministre, à l’arrestation du groupe de Bir Ali Ben Khalifa, que le but était d’entreposer des armes et la situation libyenne qui ne se clarifie pas encore, n’auguraient de rien de bon pour une sécurisation totale du pays.

D’un autre côté, la paix sociale bat toujours de l’aile. Grèves et sit-in sont toujours de rigueur et les coupures des routes aussi.


- La question, le problème, salafiste.

Les choses semblent cependant prendre un autre tournant, lorsqu’aux deux difficultés majeures (économie et sécurité), étaient venues s’ajouter la question des Salafistes. Cette question avait éclaté au grand jour, par le cas de la Faculté des lettres de La Manouba. Sa tutelle, un ministère dirigé par un Nahdhaoui, réussit à transformer un débat administratif en un grand débat d’idées et ensuite en un véritable conflit idéologique entre laïques et religieux. A l’image des positions, indécises, contradictoires et illogiques du ministre Moncef Ben Salem, celles de son parti Ennahdha à tous ses étages, refusaient de trancher pour ou contre le phénomène salafiste et continuaient de privilégier la voie d’un dialogue que les Salafistes refusent. La bulle salafiste gonfle et enfle, lorsqu’intervinrent les premiers débats de la nouvelle Constitution sur la place de la Chariâ dans cette Constitution. Le refus de tout dialogue se fit ainsi clairement voir. A Tunis, devant la Constituante, les hordes de barbus scandaient leur refus de la démocratie et de la Constitution. A Sfax, et sans que personne ne le remarque, un barbu monte sur le toit de Radio Sfax, brandissant la bannière des Salafistes sur le front de l’immeuble où devait se trouver le drapeau. (On n’a pas vu franchement si ce dernier a été descendu ou s’il n’était déjà pas là). Devant le siège de Radio Sfax, Imams et barbus demandaient que, seule la Chariâ soit la source des lois.

On pourrait naïvement croire, bien sûr, comme pour le cas du sit-in devant la TV Watanya, que ces milliers de personnes n’avaient aucune appartenance politique et n’étaient mûs par aucun agenda de ce type. Il n’en sera pas moins vrai que ces deux manifestations ont été conçues comme un moyen de pression en faveur d’un Etat, non laïque et complètement religieux où la Chariâ fera tourner, seule, tous les rouages de l’Etat, de la société, de la culture, de l’économie, du sport, des loisirs et pourquoi pas des relations des couples, le double langage étant désormais une politique consacrée chez le parti au pouvoir en Tunisie.


- Marzouki et Ben Jaafar d’une seule voix : la laïcité est une ligne rouge.

N’ayant jamais pris clairement ses distance avec les Salafistes, Ennahdha reste, qu’elle le veuille ou non, soupçonnée jusqu’à ce qu’elle donne la preuve du contraire, d’être derrière la pression populaire en faveur de l’islamisation complète de la Tunisie.

Jusqu’à présent, malgré les critiques et les erreurs de communication commises à ne plus en finir par plus d’un membre du gouvernement Jbali, la troïka a pu résister et présenter encore une façade unie. Les trois pouvoirs en place avaient jusque-là su et surtout pu, dépasser les positions et les déclarations des uns et des autres des têtes pensantes de la troïka et rester unis, même devant de grands choix, économiques et sociaux, indécis, toujours des non-dits du gouvernement.

Ce n’est que face au danger salafiste que la façade unie se fissure réellement. En effet, face aux positions indécises d’Ennahdha et son gouvernement qui ne dit mot à ce propos, présidence de la République comme présidence de la Constituante disaient clairement non au courant salafiste et à l’islamisation de la Tunisie

Alors que les dirigeants d’Ennahdha minimisaient à l’envi l’affaire de la profanation du drapeau tunisien et traitent même le profanateur de fou, Moncef Ben Jaafar déclare que «nous somme avec la liberté d’opinion, l’avis et l’avis contraire, mais la tolérance et l’indulgence ont des limites». Il est plus net et tranchant vis-à-vis de la question de la laïcité de l’Etat, lorsqu’il affirme que son parti ne sera jamais d’accord sur l’introduction de la Chariâ dans la Constitution. Des sources proches de Ben Jaafar au sein d’Ettakattol précisent pour Al Maghrib que «cette question est une ligne rouge » et que la coalition avec Ennahdha pourrait se défaire si Ennahdha insiste pour introduire la Chariâ en tant que source principale des lois dans la Constitution.

Moncef Marzouki, le laïque qui pactise avec les islamistes d’Ennahdha, retrouve quand même ses réflexes de laïque pour affirmer que «il ne sera toléré à quiconque d'imposer ses opinions par la violence, de traiter autrui de mécréant et de porter atteinte à tout citoyen tunisien pour ses choix idéologiques ou politiques quels qu'ils soient». La position du président de la République tunisienne, à propos de la Chariâ ne sont certes pas aussi tranchantes que celles du Président de la Constituante. On retiendra quand même cette conversation de Marzouki avec le ministre-président de la Wallonie et de la Fédération Wallonie-Bruxelles, Rudy Demotte.

«Nous sommes dans une phase intermédiaire, compliquée », a expliqué Moncef Marzouki à l'issue de la rencontre avec Rudy Demotte. «Cependant, je peux vous assurer qu'il existe un consensus au sein des partis de la majorité sur le fait que nous préférerions que la charia ne figure pas dans la constitution. Ce texte doit être basé sur la Déclaration universelle des droits de l'homme", a ajouté le président tunisien». Ira-t-il jusqu’au divorce avec Ennahdha ? Il ne le dit pas encore. La troïka n’en est pas moins actuellement sérieusement menacée. africanmanager

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16 mars 2012 5 16 /03 /mars /2012 17:11

Importante défaite des islamistes lors des élections estudiantines

Une étudiante se rendant en niqab à la Faculté des Lettres de la Manouba. Une étudiante se rendant en niqab à la Faculté des Lettres de la Manouba. © AFP

C'est un raz-de-marée progressiste qui a déferlé sur les universités tunisiennes à l'occasion des élections au sein de leurs conseils scientifiques. Le syndicat étudiant islamiste UGTE, proche d'Ennahdha, ne remporte que 34 sièges sur 284, contre 250 pour l'Uget, affilié à la principale centrale syndicale du pays (UGTT).


Symbolisée par le blocage de la Faculté des Lettres de la Manouba, mais aussi par divers incidents violents à Gabès, Sousse et Kairouan, la pression islamo-salafiste vient de subir un revers cuisant. L’Union générale des étudiants tunisiens (Uget) a remporté jeudi 15 mars à une écrasante majorité (250 sièges sur 284) les élections des représentants des étudiants au sein des conseils scientifiques des universités face au syndicat étudiant islamiste, l’Union générale tunisienne des étudiants (UGTE, 34 sièges).


« Ces élections envoient un message fort ; toutes les universités tunisiennes ont été unanimes. Certains diront que c’est la voix d’une élite mais il n’y a pas de révolution sans élites et sans syndicats », note un enseignant de la Faculté du 9 avril. La clarification de la situation dans les universités - où l'on suspectait une islamisation rampante - risque cependant d'envenimer le bras de fer entre progressistes et islamistes, ces derniers cherchant à asseoir leur vision quitte à en découdre avec une institution qu’ils jugent pro-occidentale.


Soutien aux salafistes


« Ennahda a été desservie par le soutien qu’elle a apporté aux salafistes, explique Meriem Belhaj, en licence de droit à El-Manar. En ne prenant pas position, elle a laissé entendre qu’elle approuvait les violences perpétrées depuis la rentrée universitaire, au risque de provoquer une année blanche, ce qui n’est pas la volonté de la majorité. Les étudiants ont des revendications, certes, mais elles ne sont pas d’ordre religieux et, surtout, ne visent pas les professeurs. »


Les résultats des élections estudiantines laissent aussi entendre que l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), à laquelle l’Uget est affiliée, entend bien peser de tout son poids dans la décision politique. Issu du dernier congrès en janvier, le nouveau bureau a signifié au gouvernement son indépendance par plusieurs actions, dont d’importantes manifestations dans le pays et des négociations, en direct, avec la centrale patronale. Si certains estiment que le syndicat s’était trop compromis avec Ben Ali par le passé, il a montré, dans les dernières semaines, sa capacité à mobiliser les masses.

source Jeuneafrique

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La gauche bat les islamistes dans les élections estudiantines


Les élections  des représentants des étudiants dans les conseils scientifiques des établissements universitaires, tenues jeudi, ont été sanctionnées par une défaite des étudiants proches d’Ennahdha.

Jusqu’à l’écriture de ces lignes, l’Union générale des étudiants tunisiens (Uget), syndicat historique à dominance de gauche, a gagné dans la plupart des facultés (Tunis 9 Avril, Manouba, Gabès…).

Pour l’Union générale tunisienne des étudiants (Ugte), proche d’Ennahdha, le  parti islamiste au pouvoir, la récolte est très maigre. La mouvance islamiste, qui a repris du service, après un quart de siècle d’absence forcée (fin du règne de Bourguiba et 23 ans de Ben Ali), s’est déployée à fond, ces derniers mois, y compris dans les établissements universitaires, en mettant de gros moyens (distribution de tee-shirts avec logo, bannières, affiches avec des slogans accusant leurs camarades de l’Uget d’être les ennemis des musulmans…). Les résultats, sortis des urnes, ont été à l’opposé de leurs ambitions.

Pour fêter leur victoire, les étudiants de l’Uget, qui seront une majorité à représenter leurs camardes dans les conseils scientifiques, dansent et chantent sur l’avenue Habib Bourguiba, au centre-ville de Tunis.

La défaite des étudiants islamistes, qui intervient moins de cinq mois après la victoire éclatante du parti islamiste Ennahdha, le 23 octobre, aux élections de l’Assemblée constituante, est un signal important qui traduit un effritement de la popularité de ce parti. Ennahdha a-t-il perdu beaucoup de sa crédibilité dans l’exercice du pouvoir?

On peut aussi affirmer que l’activisme moyennement violent des éléments salafistes, à la faculté de la Manouba et dans d’autres établissements universitaires, a beaucoup nui à l’image des islamistes en général et d’Ennahdha en particulier.

 source kapitalis

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Des milliers de manifestants pour la charia dans la constitution


TUNIS - Plusieurs milliers de Tunisiens ont manifesté vendredi devant le siège de l'Assemblée nationale constituante à Tunis pour réclamer l'application de la charia dans la future constitution du pays, a constaté l'AFP.

Certains manifestants sont montés sur le toit de l'Assemblée et ont installé une banderole sur laquelle on pouvait lire: le peuple appartient à Dieu.

Le peuple veut l'application de la charia de Dieu! Notre Coran est notre constitution!, Pas de constitution sans la charia, criaient les manifestants, dont certains appartenant à la mouvance salafiste. L'ambiance était plutôt détendue, certains étaient venus en famille.

Ni laïque ni scientifique, la Tunisie est un Etat islamique, chantaient aussi les manifestants.

Femmes d'un côté --dont de nombreuses revêtues du niqab, le voile islamique intégral-- hommes de l'autre, ils brandissaient des drapeaux noirs de l'islam mais aussi quelques drapeaux tunisiens. De nombreux manifestants ont rejoint l'Assemblée après le prêche du vendredi.

L'appel à la manifestation du vendredi pour soutenir la charia, la loi islamique, a été lancé par le Front tunisien des associations islamiques.

Le but n'est pas de soutenir Ennahda (le parti islamiste tunisien dominant l'Assemblée), ni Hizb Ettahrir (parti réclamant l'instauration du califat), ni les salafistes, nous sommes ici pour unir tous les Tunisiens grâce à la charia, a déclaré Hajer Boudali, une des organisatrices.

Deux députés d'Ennahda, Sahbi Atig et Habib Ellouze, étaient cependant présents sur la tribune où se succédaient les orateurs.

La manifestation se déroule alors que les délégués ont commencé à travailler à la rédaction de la constitution. La référence à la charia comme source principale de la législation, réclamée par les islamistes, suscite d'âpres débats au sein de l'Assemblée, élue fin octobre et dominée par Ennahda.

Nous sommes ici pour réclamer pacifiquement l'application de la charia dans la nouvelle constitution. Nous n'imposons rien avec la force, on veut que le peuple lui-même soit convaincu de ces principes, a déclaré à l'AFP Marouan, un commerçant de 24 ans.

Les médias véhiculent de fausses idées sur le salafisme qui aurait recours à la violence. Nous disons clairement que nous sommes contre toute forme de violence, a-t-il ajouté.

Un musulman doit vivre sous la loi musulmane. Les laïcs veulent faire croire que l'islam c'est couper la main des voleurs, mais la question ne se pose pas comme ça. Il faut lire et étudier l'islam, c'est la solution. L'Occident a échoué, a assuré un ingénieur refusant de donner son nom.

Les gens ne connaissent même plus les principes les plus simples de l'islam, a déploré à ses côtés Fethi Boukadida, tandis qu'un autre manifestant se déclarait pour la liberté et contre l'homosexualité.

A l'heure de la prière, les manifestants ont prié devant l'Assemblée.

source romandie

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      Non à la démocratie ! 

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La manifestation pro-Chariâa est-elle soutenue par Ennahdha ?

 


C'est Tawassol TV qui a retransmis le streaming de la manifestation des partisans de la Chariâa, organisée devant l'Assemblée au Bardo. Présente avec une page Facebook et un Channel sur Justin tv en attendant le lancement du site web, Tawasol est réputée très proche du parti Ennahdha, si ce n'est un des ses outils de propagande sur Internet. Elle a été connue pour avoir publié en exclusivité, une interview d'Ali Laaryaedh, Ministre de l'intérieur sur les réformes de l'appareil sécuritaire en janvier dernier, alors qu'il y avait d'énormes tensions dans la rue et qu'on attendait ses déclarations à ce sujet.

Le lien avec Ennahdha et les manifestants d'aujourd'hui ne avec Tawassol. En effet, parmi les drapeaux levés il y avait ceux d'Ennahdha. Parmi les slogans scandés : «Ensembles salafistes et nahdhdaouis».


 

 

Les leaders du mouvement Ennadhda qui, à chaque fois se contredisent, entre le souhait de certains de voir la Chariâa appliquée et le démenti des autres, devront cette fois, donner une position claire là-dessus. Les Tunisiens, ont le droit d'être au courant des véritables intentions du parti fort au sein de l'Assemblée nationale, chargée de rédiger leur nouvelle constitution du pays.  tekiano

 

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13 mars 2012 2 13 /03 /mars /2012 05:55

Débat de quelques députés de la Constituante autour de la charia, du consensus et de la Constituante

 

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 Ennahda veut ériger l’islam comme pilier de la Constitution tunisienne



Tunisie: Ennahda veut ériger l’islam comme pilier de la Constitution tunisienne
Après trois mois passés à définir son fonctionnement et celui des pouvoirs provisoires, l’Assemblée constituante tunisienne est entrée dans le vif du sujet. Les élus ont d’emblée mis sur la table le sujet qui s’annonce le plus sensible : la place de l’islam. Tous les partis s’accordent sur le maintien de l’article premier de la Constitution post-indépendance : «La Tunisie est un Etat libre, indépendant et souverain : sa religion est l’islam, sa langue l’arabe et son régime la république», édicte-t-il. Un relatif consensus semble s’être dégagé pour faire référence, dans le préambule, au «système des valeurs islamiques», comme une source d’inspiration, parmi trois autres. 

La nature civile de l’Etat ne fait pas non plus débat. Le parti islamiste Ennahda, qui détient 41% des 217 sièges, ne voit «rien de sacré dans l’Etat, explique Sahbi Atig, le président du groupe. C’est un contrat social entre le peuple et le gouvernement. Il n’y a pas d’hommes sacrés, contrairement à l’islam chiite.» Mais «l’idée de séparation du politique et du religieux est étrangère à l’islam, a-t-il défendu dans l’hémicycle, la semaine dernière. La religion ne relève pas du domaine privé, mais d’un ordre public et d’un mode de vie». Ennahda plaide aussi pour que l’islam soit une référence en matière de loi, un point jamais évoqué dans l’ancien texte. De quelle façon ? En interne, la question n’est pas tranchée. Un projet de Constitution attribué à Ennahda, qui a fuité dernièrement, mentionnait dans son article 10 que «la charia est une source essentielle pour l’élaboration des lois». Une thèse défendue par la frange radicale, minoritaire. «Pas nécessaire», estimait dans une interview au Temps Rached Ghannouchi, le leader de Ennahda. Et de poursuivre : «On peut toutefois ajouter un article qui interdit la promulgation de lois qui constituent une offense pour l’islam.» 

«Nous aimerions prendre une distance avec la charia, car le mot fait peur. Mais le contenu n’est pas éloigné», explique Sahbi Atig. Le parti continue de chercher la formule. Il ne devrait pas trouver beaucoup d’alliés sur cette question. Seuls les élus des listes de la Pétition populaire (26 sièges, désormais éclatés en deux groupes à tendance populiste) se sont prononcés pour la charia. Quant aux deux partis de gauche membres de la coalition gouvernementale, le Congrès pour la République et Ettakatol, ils refusent toute référence juridique. «Nous comptons sur l’évolution des choix d’Ennahda, indique Mouldi Riahi, président du groupe Ettakatol. On peut se référer, dans le préambule, aux valeurs de l’islam, en les précisant : justice, liberté, dignité, égalité. Avec cela, on a tout dit.» La Constitution doit être adoptée, dans son ensemble, à la majorité des deux tiers, sans quoi elle sera soumise à un référendum. 
source atlasinfo

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Islam politique en Tunisie et Egypte : Méfiez-vous du génie du discours du «modèle turc»

Le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan (CR) accueilli par le leader du parti Ennahdha, Rached Ghannouchi (CL), à son arrivée le 14 Septembre 2011 à Tunis. (Photo: AFP - Fethi Belaid)

 

Ces derniers temps, suivre la situation en Tunisie et celle de son parti islamique modéré au pouvoir Ennahda donne la sensation de revoir un film ennuyeux pour la deuxième fois.

Le chef d’Ennahdha, Rached Ghannouchi, parle déjà comme si lui et ses militants avaient été les instigateurs du printemps arabe, non seulement en Tunisie mais également dans tout le monde arabe, sans parler du fait qu’ils se revendiquent être le seul exemple réussi de transition vers la démocratie. Aux déclarations antérieures du parti, vient s’ajouter cette phrase : « C’est nous qui avons été les victimes réelles du régime Ben Ali, non les gauchistes».

Tout cela me rappelle les premières années de l’AKP, le parti au pouvoir en Turquie. Il n’est pas étonnant que le parti Ennahdha ait maintes fois annoncé qu’il adopterait «le modèle turc” quand il était en lice pour les élections.

De toute évidence, Ennahdha a emprunté à l’AKP le ” génie du discours,” qui a longtemps paralysé l’opposition turque en créant une hégémonie des déclarations dans la sphère publique et dans les milieux intellectuels. En Turquie, ce génie du discours est très pratique et sert non seulement les objectifs politiques du parti, mais légitime aussi systématiquement toute mesure politique contre la démocratie, l’égalité sociale, et parfois même la raison. Le génie d’un couteau suisse !

Une table ronde sur le «printemps arabe» à Paris m’a fait penser que les révolutionnaires tunisiens et égyptiens doivent absolument être avertis sur les merveilles de ce génie du discours. Et cela non parce que le conservatisme sunnite est en train de leur voler leurs révolutions, mais plutôt car il est nécessaire de les avertir à quel type de climat politique schizophrène ils seront soumis.

Lorsque l’AKP arriva au pouvoir, ils commencèrent à utiliser la rhétorique de l’opprimé à tout va. Cette rhétorique n’était pas complètement sans fondement puisque l’histoire moderne de la Turquie confirme cette vérité historique selon laquelle des personnalités religieuses avaient été humiliées par l’élite de l’Etat moderne et occidentalisé. De plus, le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan a lui-même été récemment libéré de prison. Il avait été condamné pour avoir cité un poème, comprenant ces vers: “Les mosquées seront notre bouclier et les minarets nos lances”. Cela avait été considéré comme une tentative pour faire tomber l’État laïque. Au fil du temps, nous avons vu les opprimés devenir les oppresseurs, bien entendu avec l’aide du génie du discours!

Ennahdha a emprunté à l’AKP ce “génie du discours” qui a longtemps paralysé l’opposition turque. Chaque fois qu’il était interrogé sur les prisonniers politiques, le Premier ministre mettait en avant son propre emprisonnement pour signifier que ceux qui ne l’avaient pas soutenu à l’époque n’ont pas le droit de parler maintenant.

Chaque fois que l’opposition mentionnait la restriction des libertés individuelles, Erdoğan et ses propagandistes rappelaient les jours où la liberté de culte des conservateurs religieux était limitée. Enfin, chaque fois qu’il y avait des critiques sur les droits sociaux qui étaient de plus en plus assimilés à de la charité religieuse, il utilisait le discours banal de la religion comme source de justice.

Tout au long de son mandat, il s’est distingué par des phrases emblématiques pour clore tout débat de société qui ne l’intéressait pas.

Cela était particulièrement vrai dans les premières années de son mandat. L’opposition, à savoir les laïques, modernistes, occidentalisés de classe moyenne et moyenne supérieure, étaient horrifiés à chaque fois qu’ Erdoğan faisait une déclaration comportant des références religieuses. Les ambitions kemalistes passionnées pour un état laïque occidentalisé étaient mises à feu et à cendre chaque fois qu’il y avait une mention au voile ou à des cours de religion pour les enfants. Bien qu’il n’ait jamais commis l’erreur de son prédécesseur en disant ouvertement “Nous sommes le parti de Dieu», sa rhétorique, la plupart du temps, avait une connotation religieuse.

L’opposition, outrée au départ, est restée ensuite coincée dans ce débat sur les références religieuses. Comme on peut le présumer, dans un pays à majorité musulmane sunnite, le débat sur le clivage entre religieux et laïques est un cul-de-sac et seul le musulman sunnite peut en sortir vainqueur. Et effectivement, ce fut le cas.

L’opposition qui a construit son discours sur la laïcité a non seulement été écrasée par le génie du discours, mais a également été humiliée et ridiculisée. Le génie a été assez intelligent pour mettre en relation Dieu et la démocratie. C’est là où les Tunisiens et les Egyptiens doivent être très attentifs.

Aujourd’hui, les Tunisiens, particulièrement les jeunes qui ont combattu pour la démocratie à la Kasbah, et les Egyptiens et qui se sont unis au-delà de leurs différences à Tahrir, sont tout autant choqués par les déclarations d’Ennahdha ou celles du Parti de la Liberté et de la Justice concernant la chariaa. A Tunis, après la dernière déclaration de Ghannouchi au sujet de la fermeture des bars et la loi islamique comme source dans la nouvelle constitution, je vois ces gens courageux, debout au milieu de cette route politique, tétanisés comme un cerf devant les phares d’une voiture.

Ces visages, je me rappelle les avoir vus en Turquie, 10 ans auparavant. Comme leurs homologues turques, ils sont déjà trop paralysés pour s’engager dans cette nouvelle sphère politique. Dans un pays conservateur où les gens sont majoritairement musulmans, il est quasiment impossible de créer un contre discours qui ne ferait pas passer, aux yeux de l’homme ordinaire, l’opposition pour les porte-paroles du diable ou pour des bourgeois méprisants se souciant seulement de leurs plaisirs hédonistes.

C’était et c’est encore le cas aujourd’hui en Turquie. Par exemple, très récemment, lorsque le Premier ministre Erdoğan a déclaré qu’il voulait donner naissance à une nouvelle génération religieuse, sa déclaration a été très vivement critiquée par l’opposition. Il leur a répondu: “Vous voulez que nos enfants soient accros aux drogues?!” Après avoir laissé l’opposition sans voix, il a élevé le débat à un tout autre niveau en disant “je veux que la nouvelle génération soit religieuse et vindicative.”

Mais il me semble avoir déjà dit qu’il était célèbre pour ses phrases de clôture !

Il faut se rendre à l’évidence que dans les pays où la majorité des personnes sont musulmanes, il est extrêmement difficile d’argumenter avec un gouvernement islamique modéré à l’allure moderne et attaché au néo-libéralisme. Ce n’est pas seulement les gens ordinaires de votre pays qui peuvent se retourner contre vous, mais pratiquement le monde entier, qui a adopté la démocratie à l’américaine. Mais le danger réel de ces partis n’est pas qu’ils se proclament ou insinuent qu’ils sont le parti de Dieu mais plutôt qu’ils se disent, de plusieurs manières, représenter la démocratie.

En Turquie, cela signifie que si vous vous opposez à l’AKP, vous encouragez les coups d’états et soutenez la main-mise de l’armée sur la scène politique. En Tunisie, ce qui est susceptible de se produire très bientôt, c’est que si vous êtes contre Ennahdha, c’est que vous soutenez l’ancien régime. En Egypte, je suis sûre que le génie amènera des formules qui seront, sur le même modèle, adaptées à la situation locale.

Sans oublier que le génie du discours est habile et imprudent quand il s’agit de réécrire l’histoire.

En Tunisie et en Egypte, je m’attends personnellement à une tornade constante de “Nous sommes le vrai peuple de ce pays, vous êtes l’élite. Taisez-vouz!” la rhétorique mimant celle utilisée en Turquie.

En affirmant qu’ils sont le vrai peuple opprimé qui représente la démocratie, ces partis islamistes modérés créent donc une impasse en utilisant le génie du discours. Comment peut-on contester cela? Ces jeunes tunisiens et égyptiens qui ont donné leur sang pour la liberté et l’égalité doivent-ils donc se résigner? Je ne le pense pas.

Ayant suivi de près la politique de l’AKP depuis bientôt une décennie, j’ai pu constater que seules trois actions de l’opposition ne se sont pas soldées par un échec.

La première action est venue de Halkevleri (Chambre du peuple), un mouvement populaire qui a fondé ses actions sur les droits sociaux.

Halkevleri est une association qui a renversé la politique de l’AKP des droits sociaux, assimilée à de la charité. Leur principal argument a été que la distribution de pain ou de charbon par des associations religieuses est une humiliation et que la nourriture et le logement sont des droits constitutionnels fondamentaux.

La seconde action provient de Öğrenci Kollektifleri (Collectifs étudiants) qui ont fondé leurs actions sur des préoccupations de la vie quotidienne telles que le prix des tickets d’autobus ou la hausse des frais de scolarité pour les étudiants. Les deux associations sont de gauche et sans idéologie religieuse. Elles sont toutes les deux étiquetées par le gouvernement comme des associations terroristes, car elles montrent le vrai visage de l’AKP qui opprime les étudiants et les pauvres.

La troisième action est un “iftar”, qui a réuni les gauchistes et les hommes politiques islamistes partageant le même combat pour l’égalité sociale. Pendant le mois de Ramadan, ils ont rompu le jeune en face d’un hôtel cinq étoiles, célèbre pour être « the place to be » des nouveaux riches du gouvernement de l’AKP.

Il y a donc un choix à faire pour sortir de l’impasse que le génie du discours a crée. C’est de construire l’opposition sur la question des droits sociaux. Teinter son discours de connotations religieuses ou non est du ressort de chacun.

Il est aussi important de noter qu’il devient aujourd’hui évident que l’AKP ne veut pas nécessairement d’une nouvelle génération religieuse, mais plutôt obéissante. Autrement, ils auraient été heureux de voir des jeunes jeûner durant le mois de Ramadan, et ne se seraient pas souciés qu’ils le fassent aux yeux de tous.

Adopter cette stratégie ne vous fera pas sentir, à coup sûr, moins isolé du monde. Les politiques européenne et américaine qui ont déjà étiqueté ces pays comme des démocraties islamiques modérées avec un brin de “Bon pour l’Orient”, ne souhaitent pas une opposition qui se base sur la question de la justice sociale.

De ma propre expérience, les Occidentaux qui font l’éloge de la démocratie dans ces pays sont terrifiés par les mots «justice sociale.” A Dieu ne plaise! Cela pourrait déboucher sur une lutte des classes!

Ceux qui ont applaudi Tahrir « sans idéologie » dans les médias internationaux ne voudraient pas voir que ce discours de gauche a survécu aux campagnes de «lutte contre le communisme” des années 60.

Mais au moins, baser l’opposition sur les droits sociaux et l’égalité sociale fera, une fois n’est pas coutume, ressembler le génie du discours à un cerf tétanisé par les phares d’une voiture, plutôt que l’opposition.

par Ece Temelkuran nawaat

 

 

 

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12 mars 2012 1 12 /03 /mars /2012 03:13
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